Le recteur de l’UMons contre-attaque et défend la création d’un master en médecine : “Les propos de la ministre Glatigny sont mensongers”
Philippe Dubois estime que les arguments développés par la ministre de l’Enseignement supérieur pour justifier son refus ne tiennent pas la route. Créer un master en médecine dans le Hainaut permettrait de lutter contre la pénurie de médecins généralistes dans cette province. Le recteur s’interroge sur les réelles motivations du MR.
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Publié le 12-02-2023 à 19h16 - Mis à jour le 15-02-2023 à 07h59
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Le recteur de l’UMons ne décolère pas. Mercredi matin, c’est en lisant La Libre que Philippe Dubois a découvert le refus de la ministre de l’Enseignement supérieur concernant la demande de création d’un master en médecine au sein de son université (en collaboration avec l’ULB). Valérie Glatigny (MR), qui a également rejeté la demande de l’UNamur pour le lancement d’un master de spécialisation en médecine générale, expliquait cette décision par un calcul coût-bénéfice. Selon elle, il est inutile de multiplier les formations alors que le nombre de médecins est, de toute façon, plafonné par l’attribution des numéros Inami.
La ministre libérale affirmait vouloir combattre le sous-localisme et le “saupoudrage” des moyens sur le territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). Par ailleurs, elle estimait qu’il n’existe pas de corrélation établie entre le fait d’offrir le cursus complet en médecine sur un territoire et le nombre de médecins qu’on y trouve. S’attendant à ce qu’on lui oppose un argument “social” en faveur de la création du master dans le Hainaut, touché par la pénurie de médecins, elle le balayait à l’avance. Dans un communiqué transmis “à chaud”, l’UMons avait dénoncé le “coup de poignard” de Valérie Glatigny….
Philippe Dubois veut désormais poursuivre le combat. Il a souhaité réagir plus en profondeur aux arguments de la ministre et espère la faire changer d’avis. “Il m’est insupportable d’entendre la ministre dire que, derrière notre demande, se cache une volonté d’attirer plus d’étudiants afin de recevoir des financements plus élevés, dénonce le recteur. C’est tout à fait faux et elle le sait très bien. Notre seul but, c’est de permettre de poursuivre des études en médecine au niveau local car cela améliore de trois à quatre fois le fait que les médecins, une fois diplômés, restent sur place (Philippe Dubois fait notamment référence aux conclusions d’une étude de 2016 menée aux États-Unis, NdlR). Des études le prouvent. Des experts ont approuvé et recommandé pour cette raison la création d’un master à Mons.”
”C’est de la bombe !”
Et le surcoût pour les finances de la FWB ? Le patron de l’UMons rejette cet argument. “Quand la ministre affirme cela, pour moi, c’est de la bombe ! Le master va coûter, en moyenne, 2 070 euros par étudiant en plus (ce sont les chiffres qu’avait donnés la ministre, NdlR). C’est juste. Au total, cela représente 450 000 euros sur trois ans au maximum. Madame Glatigny dit qu’il faut éviter le saupoudrage et le sous-localisme. Cela me hérisse le poil ! La ministre a bien autorisé un nouveau bachelier en droit à Charleroi pour l’UCLouvain alors que cette formation est déjà organisée à Namur, à Louvain-la-Neuve, à Mons, à Liège et existe à Bruxelles à l’ULB et l’université Saint-Louis ! Il va donc y avoir sept bacheliers en droit sur le territoire de la Fédération… Par ailleurs, ce bachelier en droit à Charleroi va bénéficier d’un crédit d’impulsion de 2 400 000 euros de la Fédération Wallonie-Bruxelles.”
Valérie Glatigny craignait également que la création de masters en médecine à Mons et à Namur s’accompagne d’une demande ultérieure visant à donner un statut universitaire à certains hôpitaux de ces régions. À nouveau, Philippe Dubois conteste la prédiction de la ministre MR. “Comment peut-elle dire cela alors qu’une loi de 1971 nous en empêche ? Cette loi stipule qu’une université ne peut pas être associée à plus d’un hôpital académique. Or, l’UMons collaborant avec l’ULB, notre hôpital académique est et restera Érasme. Par bonheur, Érasme a déployé ces dernières décennies 200 lits CHU dans cinq villes du Hainaut. Donc, nous pourrions collaborer sans avoir besoin de rien d’autre ! Les propos de la ministre sont tout simplement mensongers.”
L’ombre de la politique ?
Enfin, le recteur s’interroge sur les raisons profondes du blocage de la ministre libérale. Faut-il y voir l’ombre de la politique ? “Je pense qu’il y a une volonté de la ministre de ne pas aider Mons, et plus largement le Hainaut, car notre région est cataloguée “rouge” politiquement. Georges-Louis Bouchez (le président du MR) abonde dans le sens de Valérie Glatigny et sort les mêmes arguments qui n’ont ni queue ni tête. Il s’est imposé comme membre du conseil d’administration de l’UMons depuis octobre. Il m’a félicité quand je lui ai annoncé que l’Arès (Académie de recherche et d’enseignement supérieur) donnait son feu vert à notre projet de master en médecine. Et puis il va dire l’inverse dans les médias… Comment expliquez-vous cela ? L’UMons est pluraliste, je n’ai pas de carte de parti. Philosophiquement, on est ouvert. On veut un meilleur ancrage territorial avec un effet social, sociétal et de santé publique. C’est notre rôle. Ce n’est pas pour augmenter notre financement.”
Georges-Louis Bouchez s’est imposé comme membre du conseil d’administration de l’UMons depuis octobre."
Des actions des étudiants, une pétition…
Voilà pour les contre-arguments adressés à la ministre. Sur un plan plus tactique, le recteur prévoit du remous à partir de ce lundi. “Les étudiants vont agir, on devrait avoir une manifestation à Mons. Et la Fef (Fédération des étudiants francophones) va agir également à Bruxelles. Le collège provincial du Hainaut, dont fait partie le MR, a communiqué sur la question du master. De même que la ville de Mons. Les hôpitaux du Hainaut bougent. Une pétition va partir ce lundi auprès de tous les médecins généralistes de la province. Je reçois un soutien énorme.”

Valérie Glatigny persiste et signe
Contacté dimanche, le cabinet de Valérie Glatigny explique que la ministre comprend le souhait du recteur de développer son institution. “Toutefois, son rôle, en tant que ministre de l’Enseignement supérieur, est d’éviter une dilution du refinancement de l’enseignement supérieur et un surfinancement d’un petit nombre d’étudiants, au détriment de l’ensemble des étudiants”, précise son porte-parole. Comme elle l’avait déjà mentionné, la libérale conteste l’existence d’un lien entre le nombre de médecins dans une province et le fait de proposer un master en médecine sur un territoire. Ce qui importe, c’est l’attractivité de la région, afin que les médecins viennent s’y installer, et y restent sur le long terme.
Georges-Louis Bouchez, qui est Montois, critique les propos du recteur
Le président du MR, cité par Philippe Dubois, a tenu à réagir à ses propos. "Ce qui me surprend, c'est le fait que le recteur estime qu'un demi-million d'euros en plus, ce n'est pas très grave. Cela ne m'étonne pas que les finances de l'entité francophone sont dans un tel état de désastre... L'université de Mons n'a pas d'impact, jusqu'à présent, sur le revenu moyen des habitants ou sur le nombre d'habitants de la région. Ce n'est pas à cause de l'université mais on n'arrive pas à retenir nos diplômés. Si la thèse du recteur était juste, Mons serait alors la zone avec le plus grand nombre d'ingénieurs au mètre carré en raison de la présence de la faculté de polytechniques. Or, ce n'est pas le cas. Enfin, ce qui compte, ce n'est pas tellement d'avoir un master en médecine à l'UMons mais c'est d'avoir des places en hôpital dans la région pour les stagiaires."