Pierre Jadoul (Université Saint-Louis) : “Il y a un vice structurel dans le financement de l’enseignement supérieur”
Le recteur de Saint-Louis prend du recul à l’égard de la polémique qui divise le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. La ministre Glatigny (MR) a rejeté les demandes de création de master en médecine de l’UMons et un master de spécialisation de l’UNamur et sa décision est fortement contestée.
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Publié le 02-03-2023 à 18h19
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Le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) se divise au sujet de la création d’un master en médecine à l’UMons et d’un master de spécialisation en médecine générale à l’UNamur. La ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny (MR), a refusé de donner son feu vert à ces nouveaux programmes. Face à cette polémique qui dure, le recteur de l’Université Saint-Louis, Pierre Jadoul, souhaite prendre du recul. Pour lui, le mécanisme de financement de l’enseignement supérieur pose problème car il pousse les institutions académiques à multiplier les offres de formation afin d’attirer plus d’étudiants.
”Je suis en fin de carrière, je peux prendre de la distance par rapport à un dossier qui fait monter la fièvre, confie-t-il. Les universités sont confrontées à des difficultés en raison de l’enveloppe fermée qui permet leur financement. On est soumis à la nécessité de courir après l’argent et de pratiquer une concurrence entre institutions. Même si tous les recteurs diront, la main sur le cœur, qu’il n’est pas question de cela, il est évident que notre financement dépend de la croissance du nombre d’étudiants. Il y a là un vice structurel.”
Une “course aux habilitations”
Pierre Jadoul en déduit l’existence d’une “course aux habilitations”, c’est-à-dire d’une compétition tacite entre les universités afin d’obtenir le droit d’organiser de nouveaux programmes d’études. “Pour être franc, je trouve que le fait que 57 demandes d’habilitations ont reçu cette année un avis favorable de l’Ares (la coupole qui rassemble les acteurs de l’enseignement supérieur) n’est pas raisonnable compte tenu de l’état des finances de la FWB. Nous sommes astreints à une course aux habilitations et, résultat, il y a trop de dossiers. Certains sont plus médiatisés que d’autres. Deux demandes posent problème à la ministre (les masters en médecine de l’UMons et de l’UNamur) et je comprends ses motifs.”
Valérie Glatigny avait évoqué, pour justifier son refus concernant les masters en médecine, sa volonté de lutter contre le sous-localisme. Le recteur de Saint-Louis est d’accord avec elle. “Y a-t-il du sous-localisme ? Bien sûr. Il y a quelques années, le ministre Marcourt (PS) avait prévu un financement préférentiel pour l’activation de certaines habilitations dormantes à Charleroi. À l’époque, Saint-Louis avait introduit un recours devant la cour constitutionnelle car ce mécanisme est scandaleux sur la base du principe d’égalité. Aujourd’hui, des étudiants sont ou ont été financés à Charleroi jusqu’à 10 fois plus qu’un étudiant dans le même cursus dans une autre université ! On est dans un microterritoire, celui de la FWB. Faut-il de tout, partout ? Ma réponse est non.”
La solution : l’auto-régulation
Enfin, Pierre Jadoul avance une piste afin de mettre fin à la “course aux habilitations” tout en préservant les finances, en berne, de la Fédération Wallonie-Bruxelles. “En son temps, entre recteurs, quand nous avons réfléchi à une réforme du système de financement de l’enseignement supérieur, j’avais proposé que nous nous auto-imposions un moratoire sur les habilitations. On s’était accordé là-dessus. Dans le même esprit d’auto-régulation, je propose que les universités ne soient pas financées pendant une période probatoire de 3 ans à 5 ans après avoir reçu une habilitation pour un nouveau cursus. Cela obligerait les institutions d’enseignement supérieur à réfléchir à l’intérêt réel de leurs nouvelles formations, à ne proposer que des programmes que l’on veut vraiment et qui font sens. L’absence de financement extérieur pendant une période limiterait le nombre de demandes qui auraient pour seul objectif la croissance du nombre d’étudiants.”