L'Etat est-il responsable du départ en Syrie de ce jeune Belge?
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- Publié le 25-04-2019 à 06h42
- Mis à jour le 26-03-2021 à 11h42
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Une mère juge que l’État, qui n’a pas empêché le départ vers la Syrie de son fils, âgé de 16 ans et radicalisé, est fautif. Le départ de ces deux jeunes de 16 ans de l’athénée Fernand Blum à Schaerbeek, le 4 avril 2013, avait mis sur le devant de la scène la question du départ massif de jeunes Belges pour les terres de djihad en Syrie. Il avait conduit à l’ouverture d’une enquête sur Jean-Louis Denis, l’initiateur du “Resto du Tawhid”. En un an, onze jeunes gravitant autour de cette structure avaient quitté la Belgique pour la Syrie.
Un des deux adolescents était revenu en Belgique après que sa mère avait pu le localiser et le rechercher à la frontière turque. Le deuxième, Ismail Iddoub, n’est jamais rentré. Il pourrait y être mort. Yasmine (prénom d’emprunt), sa mère, n’a plus de nouvelles de lui depuis plusieurs années. Elle a décidé d’attaquer l’État belge en responsabilité. L’affaire est introduite ce jeudi devant le tribunal de première instance de Bruxelles.
Contrôles insuffisants à l’aéroport
Yasmine dit avoir tout fait pour qu’Ismail ne parte pas en Syrie, où son aîné, Zacharia, né en 1990, était déjà présent. Ses parents avaient réussi à empêcher l’aîné de partir en décembre 2012 mais n’avaient pu le contrer le 17 janvier 2013. L’aîné était resté en contact téléphonique avec son frère cadet. Il tentait de le convaincre de le rejoindre.
Leur mère le savait. Début février, elle a contacté la police locale pour dire qu’elle avait peur qu’Ismail ne parte à son tour. Selon elle, l’inspecteur lui avait répondu qu’il ne pouvait rien faire. L’accord du parquet était nécessaire. Le 3 avril 2013, le policier l’avait convoquée pour compléter la première audition. Yasmine lui avait répété son inquiétude.
Le lendemain, Ismail était parti avec son condisciple en prenant un vol Bruxelles-Istanbul. “Il est très étonnant qu’un mineur non accompagné puisse embarquer seul à Zaventem vers une destination sensible comme Istanbul. Il y a clairement eu une faute au niveau des contrôles d’identité avant embarquement”, dit l’avocat de la mère, Me Alexis Deswaef.
Ismail Iddoub a gardé son GSM ouvert – et donc géolocalisable – jusqu’au 7 avril avant de passer la frontière turco-syrienne. “Un simple appel ou un fax des autorités belges vers leurs homologues turcs aurait pu éviter le passage en Syrie”, juge Me Deswaef. Ce dernier estime que “le comportement fautif des policiers, des douaniers, des magistrats et des services consulaires a causé un dommage” à sa cliente et que ce dommage doit être réparé. En conséquence, il a cité l’État, représenté par ses ministres de l’Intérieur, des Affaires étrangères et de la Justice.
Tous les deux condamnés par défaut
L’avocat réclame 10 000 euros à titre de dommage moral et 50 000 euros pour le dommage matériel. Afin d’éclairer le tribunal, il demande que les écoutes téléphoniques d’Ismail soient communiquées. Ismail était écouté depuis le départ de Zacharia.
Le deux frères ont été condamnés par défaut dans le dossier autour de Jean-Louis Denis. Ismail a écopé de cinq ans. Zacharia s’est vu infliger quinze ans. Il avait déjà été condamné à cinq ans dans le procès Sharia4Belgium. Selon Ismail, qui l’a communiqué à leur mère, Zacharia serait mort en Syrie.