A son procès pour assassinat, Christian Van Eyken en prend pour son grade de père
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- Publié le 11-06-2019 à 14h50
- Mis à jour le 09-07-2019 à 17h25
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Au cours d’un procès, on ne lave pas son linge sale en famille. On le déballe. Les disputes, les désamours, les coups dans le dos ou le cœur refont surface. Et ça fait mal, une énième fois.
En public. Lundi, devant le tribunal correctionnel de Bruxelles, où l’ancien député flamand Christian Van Eyken (64 ans) et sa femme Sylvia B (42 ans précisément ce 11 juin) doivent répondre de l’assassinat de Marc Dellea, 45 ans, l’ex-compagnon de cette dernière, dans leur appartement de Laeken, en juillet 2014, le prévenu en a pris pour son grade de père.
Après le témoignage de ses deux fils, nés d’un premier mariage, Christian Van Eyken s’est effondré sur son banc, avant de demander la parole. Il s’est adressé, en larmes, aux deux trentenaires assis à la barre des témoins. “Je veux vous dire à tous les deux que ça me fait très mal de vous voir dans ces circonstances. Ça me choque. En mon âme et conscience, je vous ai aimés. Je vous aime encore”. Le père pleure. Les deux fils, devenus des hommes, sont immobiles, impassibles, comme indifférents à la scène. Ce face-à-face qui n’en est pas un est terrible. Ils se lèvent et quittent la salle sans un regard pour le prévenu.
Il appelait sa fille “l’handic”
Nicolas (38 ans), l’aîné, aujourd’hui chef d’entreprise, à Castres, dans le sud de la France, a des souvenirs très durs des relations entre le père et ses trois enfants – il y avait aussi Isabelle, la dernière, atteinte d’un spina bifida, paralysée depuis la taille. “Il nous faisait peur”.
Julien, 35 ans, ne se souvient plus bien. “J’avais du mal. J’ai beaucoup occulté. J’ai été perturbé”. Leur sœur, qui habite en France, n’a pas été convoquée au tribunal. “Il l’appelait régulièrement l’handic”, dit Nicolas. “Il y avait des marches devant la maison : le fauteuil de ma sœur lui échappait”. Le témoin évoque aussi le côté comédien du prévenu “qui se frappait parfois volontairement la tête contre un meuble”. Un soir, raconte-t-il, le bourgmestre de Linkebeek était rentré plus tôt à la maison : “Il avait simulé un problème cardiaque pour mettre fin à un conseil communal en cours”.
Les enfants aujourd’hui adultes n’ont plus aucun contact avec Christian Van Eyken. “Personnellement, il ne représente plus grand-chose pour moi”, lâche Nicolas. La dernière fois qu’ils se sont vus, avant ce lundi, c’était devant le tribunal à Wavre pour une affaire de pension alimentaire, il y a une quinzaine d’années.
Privé de son autorité parentale
Ironie du sort, c’est aussi pour une question de pension alimentaire que Fabienne, la première épouse de Christian Van Eyken, a rencontré - une seule fois – Sylvia B., la prévenue, qui avait entamé une liaison avec le député. De façon plutôt étonnante.
Avant le divorce, l’ambiance familiale était très difficile, décrit Fabienne, 64 ans. “Il était psychologiquement très violent. s’en prenait aux enfants. Quand il jouait au foot avec eux, il visiat Julien. C’était sa cible, son souffre-douleur”. Après la séparation, la mère et les trois enfants restent dans un premier temps dans la maison de Linkebeek ; le père loue de son côté un appartement dans la commune dont il est le bourgmestre. La garde alternée n’a duré que deux mois; les enfants étaient trop malheureux; explique la maman. Le droit de visite du père est même suspendu par un juge de paix. En décembre 2000, un jugement donne même l’usage exclusif de l’autorité parentale à Fabienne.
Sylvia se fait passer pour une touriste belge
La maman décide de s’installer en France, où elle a trouvé un lycée adapté à sa fille handicapée. “J’ai décidé de déménager. C’était aussi une fuite”, convient-elle. Nicolas, en kot à Louvain-la-Neuve, descend toutes les 3 ou 4 semaines. “Je n’avais pas d’autres revenus que ma pension alimentaire et celles des enfants. Isabelle avait besoin de trop de soins pour que je puisse travailler”.
Et c’est là, dans sa maison du sud de la France, qu’elle reçoit la visite de Sylvia B. La prévenue se présente comme une touriste belge qui sonne à sa porte parce qu’elle cherche une maison à louer dans le coin. Fabienne n’y voit que du feu.
“C’était une belle traîtrise”, lâche-t-elle à l’audience. “Elle disait : nous sommes toutes les deux belges, c’est un drôle de hasard”. Fabienne ne s’est pas méfiée. “Elle a essayé de se lier d’amitié. Je suis d’un naturel naïf. Je n’ai pas vu le piège”. La prévenue s’extasie sur son intérieur, demande si elle peut le photographier. Les deux femmes échangent leurs numéros de téléphone et adresses e-mails “pour garder le contact”. Les prévenus ont enregistré des conversations téléphoniques. “Elle essayait de me soutirer des informations : si je travaillais, si je voyais quelqu’un”, explique Fabienne
Ces photos, ces courriels et ces messages enregistrés ont été utilisés dans une procédure pour tenter de diminuer le montant des pensions alimentaires que Christian Van Eyken paye à son ex-femme et à ses trois enfants. “Ma vie se borne à m’occuper de mes enfants et essayer de vivre en paix. Je ne me suis pas remariée. Après ce que j’ai vécu, je ne peux plus faire confiance à un homme”.