Abbas a loué des logements insalubres et risque aujourd'hui de tout perdre: "J’essayais juste de gagner un peu d’argent"
Abbas a loué des logements insalubres. Il doit aujourd’hui rendre des comptes. Et il risque de tout perdre.
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Publié le 12-01-2020 à 15h44
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Abbas a loué des logements insalubres. Il doit aujourd’hui rendre des comptes. Et il risque de tout perdre.
Abbas, qui doit comparaître libre devant le tribunal, est très entouré. Ce septuagénaire est encadré par sa femme et un de leurs trois enfants, âgé d’une vingtaine d’années. Ils s’expriment mieux en français que lui. La femme est pleine d’attention pour son époux. Elle tente de le rassurer. Elle lui prodigue de petites tapes sur l’épaule. Retraité, Abbas a quitté la Belgique et est revenu pour son procès.
Il est assisté d’une interprète. La juge explique qu’il est poursuivi comme marchand de sommeil. Sept personnes, qui ont vécu dans un immeuble qui lui appartenait, sont parties civiles. Les faits reprochés s’étalent entre 2007 et 2014.
Invité à donner sa position, Abbas se fait modeste. "J’essayais juste de gagner un peu d’argent", dit-il. Et il l’affirme : les logements étaient corrects : "Il y avait une salle de bains, une chambre à coucher, une cuisine et un salon dans chacun des appartements."
Une femme, installée sur le banc des parties civiles, n’a pas quitté son lourd manteau et son bonnet. Elle soupire. Elle n’est pas d’accord.
Des réponses soufflées
Abbas dit n’avoir appris qu’il est l’objet d’une plainte que "dernièrement". Appelé à préciser, il parle d’un an. Mais la juge rappelle à l’ordre l’épouse d’Abbas, restée sur les bancs du public. Elle n’accepte pas qu’elle lui souffle des réponses. "Il n’entend pas bien", dit l’épouse, malgré tout sommée de s’installer plus loin de lui.
Abbas confirme qu’il paie toujours des amendes qui lui ont été infligées pour son immeuble. La juge lui rappelle les récriminations de ses locataires, à qui il avait promis de faire des travaux. Abbas affirme avoir obtempéré, essayant de "faire le maximum".
"Pour des robinets, des bêtises", réplique la juge qui lui rappelle que des arrêtés du bourgmestre d’Anderlecht lui ont interdit, à plusieurs reprises, de louer son immeuble, avant de rappeler à l’ordre l’avocat d’Abbas, qui, semble-t-il, veut souffler des réponses à son client. "Madame la présidente, il y a une nuance : c’était un appartement pas l’immeuble", lance malgré tout l’avocat.
Abbas n’est plus propriétaire de l’immeuble. Il l’a vendu il y a trois ans. Il vit de sa pension après toute une carrière dans la vente-achat de voitures. Il est très fier de ses enfants qui ont entamé des études supérieures.
Les avocats de parties civiles ont la parole. Ils réclament le remboursement des loyers : à savoir le montant du loyer mensuel (de 375 et 450 euros par mois) multiplié par le nombre de mois (entre 27 et 62 mois), soit une coquette somme.
Des souris et des cafards
L’un relève le fait qu’Abbas promettait toujours des travaux mais ne donnait jamais suite. Un autre raconte que la police avait relevé combien l’odeur était nauséabonde dans cet immeuble mal chauffé, infesté de nuisibles comme les souris et les cafards.
La procureure enfonce le clou, mettant en avant les constats affligeants qui ont été faits : électricité dangereuse, absence d’éclairage naturel dans certaines pièces, manque de ventilation, problèmes d’évacuation, chauffage insuffisant…
Après des arrêtés d’insalubrité, Abbas a remis en location ses 15 appartements.
Elle le rappelle. Pour être déclaré marchand de sommeil, il faut trois conditions : la location à des personnes en situation vulnérable, des éléments de vie contraires à la dignité et la volonté de réaliser un profit anormal. Elle estime qu’elles sont réunies. Et elle fustige le fait qu’Abbas, contrairement à ce qu’il dit, était informé et qu’il a continué à louer malgré des arrêtés inhabitabilité, qui vont plus loin que les interdictions de location.
Abbas risque très gros
Elle requiert deux ans de prison et 2 000 euros d’amende par victime ainsi que la confiscation du montant de la vente de l’immeuble, soit 750 000 euros. Elle préconise le remboursement des loyers aux locataires qui sont parties civiles, soit 98 000 euros.
Abbas risque donc gros. Pour sa défense, il ne présente pas le profil du marchand de sommeil. C’est un homme qui a été "débordé par son capital". L’avocat relève la modicité des loyers et les problèmes qu’Abbas a connus avec certains locataires. Selon lui, les questions d’hygiène peuvent tout aussi bien être du ressort des locataires. En conclusion, il insiste : Abbas a fait ce qu’il a pu.
Jugement le 3 février.