Il livrait sa petite copine comme objet sexuel à ses potes: "Tu peux faire ça pour moi"
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Publié le 19-01-2020 à 08h44 - Mis à jour le 31-01-2020 à 18h04
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Huit jeunes hommes doivent répondre de viol en bande. La jeune fille était manipulée par son "amoureux".
Elle reste assise sans bouger, les mains serrées entre les genoux. Cheveux noisette tirés en chignon, pull à col roulé, jeans. Une étudiante comme mille autres. Elle est majeure mais on dirait encore une adolescente - un oiseau pour le chat. À ses côtés, ses parents l’encadrent, protecteurs. Marie* écoute le président de la 54e chambre du tribunal correctionnel de Bruxelles appeler les huit prévenus un à un. Alim*, Fatih*, Ilyas*, Ertan*… Ils sont jeunes, un peu arrogants, copains du même quartier turc de Saint-Josse. La jeune fille est immobile, le dos droit. Sans tourner la tête, elle jette un regard furtif sur Alim. Un grand brun à la mise soignée. Sans lui, son cauchemar n’aurait jamais existé.
Timide et un peu naïve, Marie se "met en couple" avec Alim en novembre 2017. Elle a 18 ans, lui 19. La première fois, tout se passe bien. La jeune fille, hennuyère, reste dormir chez lui à Bruxelles. Alim lui propose de revenir le samedi suivant. Il l’emmène dans la cave d’un magasin de Saint-Josse où il retrouve régulièrement ses potes après la salle de sport. Il y a des matelas, des bouteilles, des joints, tout pour faire "une petite ambiance", dit Alim. Il lui sert un verre, lui dit de se mettre "à l’aise". Deux copains débarquent. Marie est paniquée. Alim lui avait déjà proposé d’avoir des relations sexuelles à plusieurs. "Si tu m’aimes, tu peux faire ça pour moi." Très amoureuse, elle a dit qu’elle allait réfléchir pour gagner du temps. Mais là, elle se retrouve seule avec eux. Alim répète, enjôleur, voix mielleuse : "Tu peux faire ça pour moi."
Effrayée, Marie est comme paralysée. Les trois lui passent sur le corps, sans préservatif. Devant le juge d’instruction, elle décrit précisément les gestes qu’ils posent, en lui mettant une main sur la bouche pour l’empêcher de crier. Ils se rhabillent ensuite, mangent un bout tous ensemble. Et recommencent. Le lendemain, vers 11 heures, la jeune fille est reconduite à la gare. Elle n’ose en parler à personne.
Elle envoie un message à Alim, lui dit qu’elle se sent mal. Il promet que la prochaine fois, ils ne seront qu’à deux. Mais deux semaines plus tard, le scénario se reproduit. "Mon esprit était comme absent", dit Marie. Il disait l’aimer quand elle disait oui à tout. Elle y retourne une troisième fois, début décembre. Elle est à nouveau violée par les copains de son ami.
Ils sont six dans la cave
Alim revient à la charge par téléphone. Mais Marie décline l’"invitation". Elle sait ce qui l’attend. Répond par texto : "T’es juste occupé à profiter de moi. Tout le temps, tu me forces." Il insiste. Elle répond : "Non, c’est bon. Tout ce que tu sais faire, c’est me faire du mal." Elle se rebelle. Alors il la menace. Marie y retourne alors encore, le 21 décembre - ce sera la dernière fois. Ils sont six dans la cave. La jeune fille est terrorisée. Alim l’emmène dans les toilettes. "Fais ça pour moi." Le cauchemar. Quand l’un la viole, les autres regardent ou filment avec leur smartphone. Elle se réveille le lendemain vers 11 h, seule. Elle rentre chez elle en train et en bus, prend une douche. Cette fois, elle parle à ses parents. Ils se rendent à la police. La machine judiciaire s’enclenche.
Une vidéo tournée la nuit du 21 décembre montre la fille nue, inerte, comme inconsciente, couchée sur le ventre les bras pendants. On voit les prévenus à l’œuvre, l’un après l’autre. On les entend rire à gorge déployée. Les huit jeunes doivent aujourd’hui répondre de viol en bande, de séquestration et de non-assistance à personne en danger. "Elle n’a jamais dit qu’elle ne voulait pas !", proteste Fatih à l’audience. "À chaque fois, j’ai demandé, pour être sûr". Elle hésitait "parce qu’elle ne l’avait jamais fait à plusieurs", mais "après une heure de discussion avec Alim, elle était OK". Mais peut-on être consentante dans cette situation - une jeune fille seule face à six "dominants" chauffés au Viagra dans la cave d’un magasin désaffecté ?, interroge le président. "Marie était d’accord", s’entête le prévenu. Est-ce que vous imaginez votre sœur accepter ainsi de servir d’objet sexuel pour les copains de son petit ami ?, essaie alors le juge. "On fumait, on buvait, on baisait. On faisait n’importe quoi. Je suis dégoûté de moi. C’était dégueulasse."
"Vous êtes à côté de la plaque"
Mais le problème, ce ne sont pas les relations sexuelles à plusieurs, tonne le magistrat. "Vous êtes à côté de la plaque ! Les libertinages ne sont pas répréhensibles quand tous les participants sont consentants. On ne juge pas la morale mais des viols et ça, c’est une infraction pénale." Alim s’enferre dans la même logique : "Je n’ai rien à me reprocher. Je ne l’ai jamais vue rouspéter à propos de relations sexuelles." Alors, c’est vrai, il a "insisté un peu" pour qu’elle accepte de revenir dans la cave. "À ma demande, elle est revenue de son propre plein gré. Elle pouvait très bien ne pas le faire. Mais c’était un délire. Je ne ferais plus un truc pareil à plusieurs. Ça me dégoûte."
L’infraction n’est pas là, répète le magistrat. Le problème, c’est l’absence de consentement, la manipulation psychologique de la jeune fille et le rapport de domination qu’il lui imposait. "Elle n’a pas besoin de mes ‘oui’ ou de mes ‘non’ pour baiser", rétorque Alim. Pas sûr qu’il ait compris le message.
* Prénoms d’emprunt