Le juge Luc Hennart tient une audience controversée malgré les mesures contre le coronavirus
D'après plusieurs avocats, plus de 30 personnes se tenaient ensemble dans la salle
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Publié le 03-04-2020 à 11h27 - Mis à jour le 06-04-2020 à 13h54
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De nombreux avocats bruxellois ont réagi négativement à la tenue, au sein du tribunal de première instance de Bruxelles, d'une audience qui a réuni, ce vendredi matin, une bonne trentaine de participants, sous la présidence du juge Luc Hennart. Ils se plaignaient de la manière dont cette audience a été organisée, considérant qu'elle l'a été en contravention avec les mesures décidées par les autorités judiciaires pour protéger les justiciables et les acteurs de la justice des effets du Coronavirus.
Un mauvais exemple ?
Il faut savoir que Luc Hennart a obtenu une ordonnance, signée par la présidente du tribunal de première instance de la capitale, l'autorisant à tenir une audience publique au cours de laquelle sont examinés des dossiers de prévenus comparaissant en procédure accélérée mais aussi des dossiers de révocation de sursis probatoire. Le traitement de ces affaires, nous précisait ce vendredi un avocat pénaliste bruxellois doit respecter des délais particuliers et l'on peut comprendre qu'elles répondent à des règles d'urgence tout aussi particulières. Il n'y aurait donc pas lieu de s'indigner que l'audience ait eu lieu alors même que le Collège des cours et tribunaux a demandé instamment aux juridictions du pays de ne plus ouvrir leurs portes à toute une série de procès, sauf urgence et cas particuliers, comme la comparution d'un prévenu détenu.
Mais ce qui fâche des avocats, qui nous ont interpellé vendredi matin, c'est la manière dont l'audience s'est déroulée. "Une quinzaine d'affaires avaient été fixées au rôle, ce qui supposait la présence de 15 prévenus, 15 avocats, le président Hennart, le représentant du parquet, le greffier et le personnel attaché à la chambre correctionnelle" nous confiait l'un d'eux. "Sans oublier une équipe de RTL-TVI venue tourner des images pour le compte de l'émission "Face au juge" dont Luc Hennart est un pilier. Par moments, on comptait une trentaine de personnes réunies dans un endroit mal aéré et où les règles de distanciation sociale étaient difficiles à observer. Allez dire aux jeunes qu'ils ne peuvent pas se balader dans les parcs ce week-end et qu'ils risquent une sanction s'ils le font alors que la justice bruxelloise, elle, prend autant de risque avec la santé des gens..."
La mise au point du tribunal
Dans le courant de la journée, nous avons reçu des échos quelque peu différents de ceux récoltés en fin de matinée. Des avocats et des journalistes présents à l'audience ont expliqué qu'un contact entre un avocat représentant du bâtonnier de l'Ordre français du barreau de Bruxelles et le président Hennart avait lieu au sujet, semble-t-il, de la distance à respecter entre les protagonistes de l'audience.
Il a été convenu que les prévenus et les avocats, dont l'affaire n'était pas encore examinée, attendraient dans la salle des pas perdus et qu'on les appellerait au moment où leur tour serait venu. Selon les témoins qui nous ont contacté, cela se serait fait naturellement et "à la satisfaction de tous". A l'heure d'écrire ces lignes, nous attendions une réaction du président Hennart mais le message que nous lui avons adressé n'avait pas (encore) obtenu réponse.
En revanche, la magistrate de presse du tribunal, Sophie Van Bree, a réagi. Elle nous a fait savoir que l'audience correctionnelle, de procédure accélérée présidée par le juge Hennart a "suscité une incompréhension". Pour respecter les règles strictes de sécurité sanitaire dans l'enceinte du Palais de justice tout en assurant la continuité du service public, le tribunal correctionnel ne traite plus que les dossiers "dans lesquels comparaissent des détenus ou d'autres dossiers urgents".
Les audiences de procédure accélérée traitent des affaires qui répondent au critère de l'urgence, mais où les personnes prévenues ne sont pas détenues, précise-t-elle. A ces audiences, peuvent être fixés notamment les dossiers relatifs à des faits de violence intrafamiliale ainsi que de poursuites pour non-respect des mesures de confinement. "Il s’agit donc d’affaires urgentes dont le traitement doit pouvoir être assuré malgré les circonstances sanitaires actuelles".
Selon M. Van Bree, "toutes les mesures de sécurité sanitaire ont été prises, dont les mesures de distanciation sociale". Ainsi, les affaires ont été plaidées une par une, tandis que la salle des pas perdus, qui jouxte la salle d'audience, a fait office de salle d'attente. Les parties et les avocats ont été appelés quand leur tour fut venu. La taille de la salle des pas-perdus aurait permis le respect des règles de distanciation sociale.
Pour Mme Van Bree, "un des rôles essentiels du tribunal est de garantir le respect de la sécurité et de l’ordre publics. La stricte réduction des dossiers traités par le tribunal correctionnel et l'organisation mise en place permettent la tenue de ces audiences indispensables, tout en respectant aussi les règles élémentaires relatives à la sécurité et la santé des personnes".
Les avocats qui nous ont alerté vendredi n'en maintiennent pas moins leurs critiques contre le déroulement de l'audience.