Un an de prison requis contre l’homme qui voulait s’en prendre à Michel Lelièvre
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Publié le 03-04-2020 à 20h53 - Mis à jour le 05-04-2020 à 17h31
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Silvio avait appelé à "une traque de Michel Lelièvre à travers Bruxelles". Il avait dit "être prêt à lui casser la gueule".
L’intitulé de ce groupe Facebook, créé quelques jours seulement après la libération conditionnelle accordée à Michel Lelièvre en décembre dernier, ne faisait guère mystère de son objectif : "La traque de Michel Lelièvre à travers Bruxelles".
Le pseudo de l’initiateur du groupe ne présageait rien de bon. C’était Jo Ker, soit le super-vilain devenu le pire ennemi de Batman. Les références au " Punisher ", personnage de Comics qui incarne l’esprit de vengeance et de justice personnelle et qui préfère tuer ses ennemis plutôt que les livrer à la justice, n’étaient pas plus rassurantes.
Dans la vraie vie, Jo Ker s’appelait Silvio R. Ce n’est pas un adolescent boutonneux vissé derrière l’écran de son ordinateur, un casque sur les oreilles et les doigts crispés sur une manette de jeu. Il a aujourd’hui 32 ans.
Un ancien militaire
Il fut militaire jusqu’en 2017, date à laquelle il a été pensionné après un grave accident survenu à l’armée qui a nécessité plusieurs années de revalidation. Il a tenu à se réinsérer sur le marché du travail. Il a décroché en janvier un emploi, perdu à la suite de la crise du coronavirus.
Aujourd’hui qu’il doit répondre devant le tribunal correctionnel de Bruxelles d’incitation à commettre des délits ou crimes, de menaces et de harcèlement envers Michel Lelièvre, Silvio tente de minimiser son rôle dans ce groupe Facebook qui a rapidement accueilli 150 membres.
Dépassé par les événements
"Tout cela m’a dépassé", a-t-il déclaré vendredi devant le tribunal correctionnel de Bruxelles. Il a fait valoir qu’il ne s’attendait pas à un tel succès. Il a dit qu’il avait eu un rôle modérateur, tentant d’apaiser les membres du groupe qui paraissaient les plus déterminés à mener la vie dure à Michel Lelièvre.
Ce n’est pourtant pas ce qu’il avait déclaré à La Dernière Heure qui l’avait interrogé après la création du groupe Facebook. Il avait expliqué que "le but était de faire appel à la communauté pour parvenir à localiser le logement de Michel Lelièvre. Histoire de le faire bien ch…". Il avait aussi confié au journal qu’une fois qu’une adresse de Michel Lelièvre avait circulé, "j’y suis allé faire le pied de grue durant deux bonnes heures. Cela n’a rien donné mais, si j’étais tombé dessus, je lui cassais la gueule".
Aujourd’hui, Silvio affirme que le journaliste de La Dernière Heure a déformé ses propos : "Il a tout compacté pour faire le buzz", a-t-il dit, se demandant pourquoi "les journaux ont le droit de dire certaines choses et moi pas".
Des propos confirmés à la police
Ce que conteste aussi bien Me Benjamine Bovy (qui représente Michel Lelièvre qui n’est pas venu devant le tribunal) que le procureur Denis Goeman. Ils ont fait valoir que, lors de son interpellation en février, Silvio avait confirmé à la police ses déclarations à La Dernière Heure, ajoutant même, un brin cynique, qu’il les avait aussi tenus à Het Laatste Nieuws. Pour Me Bovy, les propos de Silvio ne ressortent pas de la liberté d’expression.
Pour l’avocate, Silvio a piétiné la notion de justice : "Douze jurés, des gens ordinaires ont dit que Michel Lelièvre ne méritait pas la perpétuité, ni 30 ans mais 25 ans de prison. Trois juges du Tribunal d’application des peines ont, après avoir entendu des experts, décidé de le libérer après 23 ans." Pour le dommage subi, l’avocate demande l’euro symbolique.
M. Goeman a cité Victor Hugo qui fustigeait "les mégères qui tricotaient au pied des échafauds". Aujourd’hui, compare-t-il, on ne tricote plus, il n’y a plus d’échafaud mais on commente sur les réseaux sociaux. "On ne peut s’arroger le droit de mener une chasse à l’homme", a insisté le procureur, avant de requérir un an de prison - éventuellement assorti d’un sursis - et une amende de 2 000 euros.
Pour Me Abdelhadi Amrani, avocat de Silvio R., la partie civile et le ministère public se fourvoient cependant. Silvio n’est poursuivi que pour son activité sur Facebook. Or il s’est exprimé dans un groupe fermé et non dans un groupe public. La menace et le harcèlement n’ont donc pas atteint Michel Lelièvre.
Il faut donc, aux yeux de l’avocat, acquitter Silvio, "qui a simplement dit des choses que beaucoup de Belges pensent".
Jugement le 8 mai.