La numérisation du Conseil du contentieux des étrangers inquiète
Publié le 04-04-2020 à 08h59 - Mis à jour le 04-04-2020 à 09h00
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Des avocats redoutent la mise en place de la procédure électronique payante, qu’ils jugent discriminante.
L e monde des avocats n’en finit pas de bouillonner. Ce vendredi, c’est le développement de la procédure électronique du Conseil du contentieux des étrangers qui inquiétait plusieurs professionnels de la justice. Dans une lettre adressée au bâtonnier, plusieurs avocats actifs dans le droit des étrangers pointent les problèmes suscités par la reprise des discussions.
Parmi les points soulevés, les avocats s’étonnent du coût de cette procédure et, surtout, de l’absence d’alternative, contrairement à ce qui existe dans les autres cours et au Conseil d’État. "Contrairement aux autres justiciables, l’accès à la procédure électronique serait obligatoirement payant pour les étrangers", s’indignent les signataires.
L’autre grief concerne un certain opportunisme lié à la période. "Ces derniers jours, les choses se dévoilent et s’accélèrent, car la volonté des intervenants est de faire passer les réformes dans le cadre des ‘pouvoirs spéciaux’ accordés au gouvernement. Grâce à ceux-ci, cette réforme, qui nécessite des modifications législatives et réglementaires, pourrait être mise en place", indique le courrier adressé au bâtonnier.
Une première présentation avait eu lieu courant février entre les différents acteurs. Mais en l’absence de gouvernement de plein exercice, impossible de faire avancer le projet. Une étape désormais possible, même si cette modification ne concernerait que le temps de l’attribution des pouvoirs spéciaux.
Monopole de la plateforme des barreaux
Du côté du CEE, on s’étonne de cette prise de position. "En parfait accord avec les ordres des avocats des deux rôles linguistiques, nous soutenons l’idée de passer par une modification de la loi qui permettrait de choisir entre le recommandé postal et le recommandé électronique", affirme Serge Bodart, le président du Conseil du contentieux des étrangers, qui insiste sur le caractère facultatif du moyen électronique.
C’est justement ce recommandé électronique qui pose problème puisque, actuellement, son utilisation est payante. La procédure passerait par la Digital Platform for Attorneys (DP-A), une plateforme en ligne qui permet une numérisation avancée de la communication entre les avocats et la justice.
Elle a été développée par les ordres communautaires, en concertation avec le SPF Justice. En novembre dernier, le Conseil d’État avait annulé l’obligation de passer par cette plateforme voulue par le ministre Geens, jugeant que le législateur ne pouvait imposer une telle contrainte.
Cette situation suscite le débat dans le milieu du droit des étrangers. "Oui, dans un monde idéal, il faudrait une procédure gratuite. Mais pour le moment, c’est ça ou les lettres recommandées. Alors on peut dire que c’est déjà une avancée", nous confie un avocat.
Des discussions toujours en cours
Du côté d’Avocats.be, on plaide pour un retour au calme. "Il est beaucoup trop tôt pour se prononcer sur le sujet. Certes il y a des discussions, mais nous ne sommes pas du tout à l’heure de prendre une décision", tempère le président Xavier Van Gils. Constat identique du côté du cabinet de Maggie De Block, qui reconnaît réfléchir au sujet sans toutefois avoir de texte concret en la matière.
Cette levée de boucliers à l’encontre du développement de la procédure électronique intervient dans un contexte tourmenté pour le droit des étrangers. Les avocats dénoncent un traitement de la justice à deux vitesses.
Plus tôt cette semaine, L’Écho révélait le traitement particulier réservé à cette juridiction. Le droit des étrangers n’est en effet pas concerné par l’avant-projet d’arrêté royal allongeant les délais de procédures de la justice. Plus largement, les réformes qui pourraient être prises dans le monde de la justice dans le cadre des pouvoirs spéciaux continuent de susciter de nombreuses craintes et interrogations dans le monde judiciaire.Tom Guillaume