Croquis de justice: "C’est moi la victime dans cette affaire !"
Condamnée pour rébellion et outrage, Sandra, 58 ans, se dit victime de violence policière.
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Publié le 05-04-2020 à 09h35 - Mis à jour le 06-04-2020 à 15h49
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Condamnée pour rébellion et outrage, Sandra, 58 ans, se dit victime de violence policière.
"Bien que mes mots ne serviront peut-être à rien, je tente ma chance. Les faits sont graves : je suis accusée de rébellion envers la police. Mais il s’agit plutôt de violences policières. La victime, c’est moi". C’est par ces mots que Sandra*, 58 ans, entame "sa" plaidoirie à elle, après avoir laissé son avocate répondre aux questions posées par le président de la 12e chambre de la cour d’appel de Bruxelles. Le dossier a été ouvert en 2015. Cinq ans plus tard, cette mère de famille, jusqu’ici sans histoire, devrait enfin connaître le sort que lui réserve la justice.
Condamnée en première instance à une peine de six mois de prison, Sandra a voulu mener la bataille judiciaire jusqu’au bout pour tenter, dit-elle, "d’avoir justice et être acquittée". Elle se retrouve donc aujourd’hui, seule avec son avocate, face au président de la chambre, qui l’écoute attentivement et veut comprendre ce qui a mené cette femme à être poursuivie pour rébellion et outrage envers la police. Aucun des agents concernés par cette affaire n’est présent à cette audience.
"On a le droit de faire plus que ça"
Tout avait commencé en été 2015, sur une place bruxelloise pleine de gens profitant d’une après-midi au soleil. Parmi eux, une bande d’adolescents qu’une patrouille de police décide de contrôler. Une fois le contrôle terminé, Sandra, témoin de la scène, se présente auprès des jeunes. "J e leur ai demandé s’ils allaient bien, s’ils n’étaient pas choqués. J’avais l’impression de voir mes propres enfants être contrôlés sans raison et avec une violence verbale que je trouvais injustifiée." Les jeunes lui répondent qu’ils vont bien.
Mais la patrouille de police, elle, apprécie peu l’intrusion de Sandra, qui se fera également contrôler. "Je n’ai pas voulu donner ma carte d’identité directement. Je voulais comprendre. Mais les policiers se sont montrés plus agressifs encore, j’ai donc obtempéré et j’ai présenté une pièce d’identité."
L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais Sandra demande aux policiers s’ils peuvent décliner leur identité. "‘Riri, Fifi et Loulou, ça vous ira ?’ m’ont-ils dit, avant d’ajouter : ‘Maintenant, vous faites partie du problème de ces jeunes !’" C’est à ce moment, précise Sandra, qu’elle décide de fuir, par peur d’une escalade. "Leur attitude m’a fait peur, mais en me rattrapant, ils m’ont plaqué violemment au sol, précisant que je ne connaissais pas la loi, qu’ils avaient le droit de faire plus que ça." Un examen de santé a été réalisé peu après les faits. Un certificat médical, présenté au juge par l’avocate de Sandra, atteste de contusions et d’ecchymoses aux poignets.
Enquête interne classée sans suite
L’avocate de Sandra rappelle également qu’une plainte a été déposée et qu’une enquête interne a été menée. Une enquête qui sera cependant classée sans suite.
"Vous savez pourquoi, Monsieur le juge ? Parce que les policiers se sont défendus entre eux. C’est ce qu’on appelle l’esprit de corps et cette conception de la police est indéfendable", explique Sandra d’une voix tremblante.
La femme s’arrête un instant, le juge reste muet avant de lui demander de clôturer ses propos. "Ne trouvez-vous pas que l’attitude de ces policiers est disproportionnée ? On m’accuse de rébellion, mais je suis une maman de presque 60 ans, je n’avais jamais connu la justice auparavant. Psychologiquement, cette histoire me mine depuis cinq ans déjà. Peu importe l’issue de ce dossier, ils auront gagné, car aujourd’hui, j’ai peur", conclut Sandra, avant de se rasseoir, calmement, prenant le temps de ranger le bout de papier où elle avait pris soin de noter des petits bouts de son histoire qui, dit-elle, la marquera à jamais.
La cour d’appel doit se prononcer le 10 avril prochain pour savoir si Sandra est bien l’auteure d’un acte de rébellion, ou si elle est, comme elle le clame, "l’unique victime de cette affaire qui n’a que trop duré".
(*) Sandra est un prénom d’emprunt.