Coronavirus : des menaces de poursuites judiciaires s'ajoutent à la "tension extrême" vécue par les médecins
Des médecins (tout particulièrement en région liégeoise) sont menacés de poursuites judiciaires par des familles estimant que des proches atteints du conoravirus n’ont pas été pris en charge comme il l’aurait fallu. Une ASBL s’adresse à des clients potentiels afin qu’ils n’hésitent pas à ester au cas où leur médecin refuserait de leur prescrire de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine, traitements conseillés par le Dr Raoult et consorts.
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Publié le 06-04-2020 à 13h52 - Mis à jour le 10-04-2020 à 14h20
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Des médecins (tout particulièrement en région liégeoise) sont menacés de poursuites judiciaires par des familles estimant que des proches atteints du conoravirus n’ont pas été pris en charge comme il l’aurait fallu. Une ASBL s’adresse à des clients potentiels afin qu’ils n’hésitent pas à ester au cas où leur médecin refuserait de leur prescrire de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine, traitements conseillés par le Dr Raoult et consorts.
Ces informations, révélées par le magazine “Medi Quality Medscape”, nous ont été confirmées, lundi, à plusieurs sources.
Les conseils de "Défendez-vous sans avocats"
“C’est le directeur médical du CHR de Huy qui a averti ses collègues de plusieurs hôpitaux de la région liégeoise du 'démarchage' entrepris auprès de familles de malades du coronavirus par les responsables d’une ASBL”, nous a expliqué le Dr Devos, président du syndicat médical ABSyM et intensiviste au CHC de Liège.
Cette ASBL, “Défendez-vous sans avocats”, est présidée par un ancien avocat du barreau de Mons, dont Avocats.be (l'ancien Ordre des barreaux francophones et germanophone) a indiqué qu'il avait été radié voici plusieurs mois. Sur son site Internet, un chapitre est consacré au coronavirus. On peut y lire, notamment, que si votre médecin refuse de vous prescrire de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine, comme le recommande le professeur français Didier Raoult, il peut lui être reproché d'avoir commis une faute civile engageant sa responsabilité. Suit la marche à suivre pour “obliger” son médecin à justifier “par écrit” son éventuel refus, de quoi ouvrir la voie à d’éventuelles plaintes futures.
“Voici plusieurs mois que nous avons cet ancien confrère dans le collimateur en raison de ses méthodes”, nous confiait, lundi, le président d’Avocats.be, Me Xavier Van Gils. “Nous venons de charger un avocat d’étudier son cas mais, la liberté d’expression étant ce qu’elle est, il faut trouver le biais juridique adéquat pour attaquer ce monsieur, qui a été radié du barreau pour malversations et qui, je n’ai pas peur de le dire haut et clair, profite de la situation actuelle de manière ignoble pour remettre en cause le système médical”.
De son côté, le bâtonnier de Liège, Me Bernard Ceulemans, a dénoncé lui aussi le comportement du président de l’ASBL mais il relevait que, n’étant plus avocat, il n’était pas tenu aux mêmes règles déontologiques que ses anciens confrères. Pour autant, Me Ceulemans ne voit pas très bien comment l’ASBL pourrait faire condamner des membres du corps médical “car pour être sanctionné, un médecin, qui est tenu à une obligation de moyens et non de résultat, doit avoir commis une faute qu’aucun médecin normalement compétent et prudent n’aurait commise”.
Selon le bâtonnier, dans l’état actuel de la connaissance du coronavirus, il serait plus que compliqué de démontrer que le refus de prescrire systématiquement de l’hydroxychloroquine devrait être considéré comme une faute rédhibitoire.
Pas de démarchage dans notre chef
De son côté, le président de l’ASBL, nous a affirmé que sa démarche n’avait aucun caractère mercantile. “Il n’est pas question de démarchage de notre part. Nous avons voulu affirmer la liberté thérapeutique des généralistes et le fait qu’elle soit entravée par la décision de l’Etat de mettre l’hydroxychloroquine en quarantaine. Surpris par le peu d’échos reçus au sein du monde médical et par le silence de l’Ordre des médecins face aux manquements de l’Etat, nous avons également à informer les patients de leurs droits et de leur légitimité à exiger des traitements appropriés et des réponses quand les médecins refusent de le faire...” Selon lui, le dynamisme dont son ASBL ferait preuve aurait de quoi irriter quelque peu Avocats.be.
Quoi qu’il en soit, il est aussi question, notamment au centre hospitalier chrétien MontLégia, à Liège, de menaces de poursuites de la part de familles désireuses de voir admettre coûte que coûte des patients, parfois très âgés et très malades, aux soins intensifs. Ce service aurait été sous la menace d’une procédure en référé imposant la mise sous respirateur d’un homme de 91 ans, atteint de nombreuses co-morbidités. Et le cas ne serait pas unique.
Ajouter de la pression à la pression
On sait que la loi sur les droits du patient impose au médecin de respecter la volonté du patient et sur le plan théorique, rien n’empêche qu’un juge soit saisi en cas de refus d’admission aux soins intensifs. “L’Etat d’insécurité juridique dans lequel certains médecins sont placés s’ajoute à tous les maux auxquels le personnel soignant doit faire face et qui sont d'un tel poids que, désormais, les psychologues des hôpitaux s'occupent exclusivement de ses membres. Leur mettre des avocats sur le dos ne fera qu’ajouter à la tension extrême à laquelle ils sont soumis. Ne peut-on leur laisser la liberté de juger s’il est adéquat de démarrer des soins intensifs et lourds sur une personne qui n’a aucune chance de survie et à qui ces soins n’apporteront qu’une souffrance inutile tandis qu’ils empêcheront de soigner et de sauver quelqu’un qui, lui, a des chances d’être sauvé ?”, commente le Dr Devos.