Brigade policière Uneus: "La politique de type 'tolérance zéro' n'est pas une solution"
Uneus est une unité spéciale de proximité de lutte contre l'insécurité, fondée en 2012 par Charles Piqué. Aujourd'hui, le projet suscite la polémique et quelques frictions politiques.
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- Publié le 14-05-2020 à 13h36
- Mis à jour le 14-05-2020 à 16h47
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Sybille Smeets connaît bien les dispositifs du type Uneus. Professeure à l’École des sciences criminologiques de l’ULB, elle est notamment spécialisée dans les matières liées aux questions policières.
"Uneus n’est pas un dispositif particulièrement novateur. Au contraire, c’est un bon exemple du modèle policier classique d’application stricte de la loi ( policing by coercion ). Ce qui a été développé avec Uneus en 2012 est très proche, à mon sens, d’une politique de type ‘tolérance zéro’, telle que mise en place à New York dans les années 90 et qui, depuis, a été remise en question dans ses résultats : une baisse spectaculaire des chiffres de la criminalité mais attribuable en grande partie à d’autres facteurs que les mesures policières et, surtout, une augmentation tout aussi spectaculaire des plaintes à l’égard des violences policières et des discriminations, qui s’est jumelée à une diminution de la satisfaction des populations." Dans ce cadre, Sybille Smeets estime que la baisse des statistiques policières, parfois invoquée comme positive, doit être interprétée avec prudence. "Cela peut signifier que les policiers travaillent moins (il y a moins de P.-V.) ou que les gens ne viennent plus porter plainte en raison d’une perte de confiance à l’égard de la police." Si la réputation d’Uneus n’est pas des plus belles selon la professeure, elle estime que, pour réellement être en mesure d’évaluer l’efficacité d’un projet policier, il est nécessaire de prendre en compte plusieurs indicateurs, notamment l’impact sur les territoires et les personnes concernées directement par ce projet, y compris les jeunes, mais aussi les conditions de travail des policiers et les tensions internes à la police. "Il faut prendre cet élément en considération, tout en prenant en compte la satisfaction des populations, la diminution des plaintes et l’avis des commerces locaux. Non pas tant en leur demandant leur ‘opinion’ mais en évaluant les effets concrets de l’action policière sur la qualité de vie. Et pour cela, il ne faut pas nécessairement opposer prévention et répression. Pour qu’un travail policier soit efficace, il faut qu’il fasse surtout l’objet d’une reconnaissance et d’une approbation. De la part des citoyens, des acteurs de terrain et des policiers eux-mêmes."
D’autres projets similaires devraient-ils voir le jour ailleurs en Belgique ? "Uneus n’est pas la panacée. Ce qui pourrait fonctionner dans un quartier de Saint-Gilles pourrait échouer ailleurs, mais le plus important, c’est de diagnostiquer les problèmes avant la mise en place du projet policier et d’évaluer celui-ci pendant et après cette mise en place", conclut la professeure.