Koen Geens sur l'affaire Chovanec: “Je regrette que cela n’a pas davantage attiré mon attention, mais je reçois énormément d'e-mail”
Elle était réclamée depuis le 19 août, jour où les images de l’arrestation tragique de Jozef Chovanec en février 2018 à l’aéroport de Charleroi ont été publiées avant de faire le tour du monde. Réclamée mais aussi très attendue, cette fameuse commission parlementaire Intérieur et Justice était prévue à 10 h 15 ce mercredi. Elle a démarré avec 15 minutes de retard dans une salle comble.
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Publié le 26-08-2020 à 20h59 - Mis à jour le 28-09-2020 à 20h43
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Face aux députés, le ministre de la justice Koen Geens (CD&V) et Pieter De Crem, ministre de l’Intérieur (CD&V) ont répondu à une série de questions – 26 au total prévues à l’agenda. Une interrogation était au centre des préoccupations : deux ans et demi après la mort de Jozef Chovanec, qui était au courant de cette affaire et quelle suite y a-t-on donné ?
Lenteur de la procédure et manque de clarté
Avant même d’entamer la séance, Ahmed Laaouej, chef de groupe PS à la Chambre, prévenait déjà : “Face au drame qu’il nous faut déplorer, il faut consacrer un débat entier plutôt que de cadenasser les discussions avec une série de questions de deux minutes par député”. La présidente de la commission, Kristien Van Vaerenbergh (N-VA), confortera le socialiste et promet “de ne pas chronométrer la séance”, avant de permettre aux députés de poser leurs questions à Pieter De Crem d’abord, à Koen Geens ensuite.
L’ensemble des députés, toute couleur politique confondue, ont entamé la séance en présentant leurs condoléances à la veuve de Jozef Chovanec et ses proches. S’en est suivie une salve de questions pointant du doigt le manque de clarté et de transparence sur la procédure judiciaire, mais aussi sur le fait qu’il a fallu la diffusion, la semaine dernière, de la vidéo de cette intervention policière pour savoir qu’un homme a été tué “dans des circonstances dramatiques”. “Cela traîne à cause du Covid d’après le parquet, mais cette justification est inadmissible. Moi je ressens une sensation d’un désintérêt. Permettez-moi une comparaison : pour l’affaire Anders Breivik, en 2011, vous savez combien de temps il a fallu pour le juger ? Neuf mois. Ici, nous ne savons toujours rien après plus de deux ans, voilà le problème dans notre pays”, tacle, sans broncher, Stefaan Van Hecke (Groen).
“Ne pas jeter l’opprobre sur toute la police”
Ahmed Laaouej (PS), qui avait demandé l’organisation de cette réunion, a aussi asséné qu’un audit extérieur de la police aéroportuaire était nécessaire, tout comme l’audition du commissaire général, Marc De Mesmaeker. Objectif : comprendre où en est la procédure au niveau pénal, mais aussi au niveau disciplinaire à l’encontre des policiers, notamment l’inspectrice qui s’est fendue d’un salut nazi alors que ses collègues tentaient d’immobiliser Jozef Chovanec. “Nous avons dénoncé la mort de Georges Floyd avec émotion, mais doit-on penser que cela se passe ici aussi ? Comment est-ce possible que des agents soient aussi mal formés pour gérer une telle situation ? Quant au salut hitlérien, les bras nous en tombent”, ironise Ahmed Laaouej, avant de s’interroger, comme l’ensemble des députés, sur le rôle joué par Jan Jambon, à l’époque, ministre de l’Intérieur.
Vanessa Matz (CDH) en est, elle, persuadée : il est impossible qu’une telle affaire puisse avoir lieu sans que la hiérarchie en soit avisée. “S’il y a des responsabilités à établir, qu’elles le soient pour permettre de ne pas jeter l’opprobre sur l’ensemble des policiers”. Face à ces nombreuses questions, les ministres de la Justice et de l’Intérieur ont tenu à répondre avec les éléments à disposition, rappelant toutefois qu’ils étaient soumis au secret de l’instruction, toujours en cours.
Koen Geens, qui était déjà ministre de la Justice au moment des faits, a admis que l’affaire avait été rendue publique, à l’époque, par le magistrat. “Je regrette que cela n’a pas davantage attiré mon attention, mais je reçois énormément de communiqués dans ma boîte e-mail”, a justifié le ministre qui avoue faire un “examen de conscience”.
“La police fédérale savait”
Pieter De Crem a, lui, tenu à prendre ses distances quant à l’attitude des policiers lors de cette interpellation. “J’ai pour habitude de défendre les policiers, mais les images qui montrent des gestes fascistes sont incompatibles avec la fonction de police. Pour l’usage de la force, attendons de voir ce qu’en dira l’enquête”. Quant à la question cruciale “qui savait au sein de la hiérarchie”, Pieter De Crem a été clair : entré en fonction 9 mois après les faits, il n’était pas au courant de cette affaire.
“La police fédérale était au courant de l’incident en février 2018”, a précisé le ministre. Tout comme Jan Jambon (N-VA), son prédécesseur, a-t-il ajouté. Cette information a évidemment suscité une vague d’indignations et de nouvelles questions des députés qui, à l’unanimité, ont réclamé l’audition de Jan Jambon très prochainement. “Je suis abasourdie, je me disais que la hiérarchie savait, mais je ne pensais pas que Jan Jambon le savait également. J’ai fait preuve de grande naïveté, mais il est clair à présent qu’il doit être entendu, tout comme le commissaire général doit l’être”, s’est exclamé Vanessa Matz.
Une réponse partagée par toute l’assemblée. Cette commission, très attendue, n’est donc que l’épilogue d’une longue série de réunions, pour comprendre dans quelles circonstances, un homme a perdu la vie dans des conditions dramatiques pour devenir ce que certains dans la presse internationale ont qualifié de “Georges Floyd belge”.