Maurice Krings, le nouveau bâtonnier de Bruxelles, veut sévir contre le harcèlement des avocates
Michel Forges cède sa place de bâtonnier à Maurice Krings ce mardi. À quelques heures de son entrée en fonction, Maurice Krings nous reçoit dans son futur bureau qui jouxte la salle du Conseil de l’Ordre. C’est là qu’ont lieu les réunions du bâtonnier et de son conseil. Parmi ses objectifs, lutter plus encore contre le harcèlement des avocats et atténuer la crise qui est également économique au sein de la profession. Le nouveau "chef" des avocats bruxellois a aussi quelques mots à propos du ministre de la Justice, Koen Geens, "un peu trop hyperactif" selon Maurice Krings.
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Publié le 01-09-2020 à 06h44 - Mis à jour le 25-09-2020 à 16h58
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Ce 1er septembre est synonyme de rentrée un peu spéciale pour la plupart des écoliers. Mais la journée sera tout aussi particulière, ce mardi après-midi, au Palais de Justice de Bruxelles jour de l’entrée en fonction du nouveau bâtonnier, Maurice Krings. Après avoir occupé la fonction de dauphin, il sera donc à la tête de ce qu’on appelle officiellement l’Ordre français du barreau de Bruxelles qui rassemble près de 5000 avocats.
Le monde la Justice fortement touché par le Covid
À quelques heures de son entrée en fonction, Maurice Krings nous reçoit dans son futur bureau qui jouxte la salle du Conseil de l’Ordre. C’est là qu’ont lieu les réunions du bâtonnier et de son conseil. Les futurs stagiaires prêteront serment cette année-ci dans le respect des consignes de distanciation, c’est-à-dire dans l’immense salle des pas perdus du palais de justice et non dans la salle des audiences solennelles de la Cour d’appel. Les cérémonies sont réduites au strict minimum, Covid oblige. “Mais les conséquences réelles et dramatiques de la crise sanitaire vont surtout se faire sentir les prochaines semaines. Nous aurons beau nous préparer, personne ne peut mesurer ou anticiper l’ampleur des dégâts de cette crise dans un secteur qui a déjà quelques maux à traiter”, confie Maurice Krings.
Il se dit, toutefois, confiant pour mener à bien la mission qui l’attend. On ressent même un peu d’excitation à l’idée d’enfiler le costume de bâtonnier pour continuer le combat entamé par son prédécesseur, Michel Forges. “Il a été un soutien important pendant mon dauphinat qui a duré deux ans. Certains estiment que la période est longue, mais pour se préparer à une telle prise de fonction, c’est nécessaire, d’autant que le contexte au sein du monde de la justice n’est pas évident”, explique Maurice Krings. Car les dossiers à traiter pour cette rentrée sont nombreux, et le Covid n’est pas la seule raison qui explique pourquoi Maurice Krings n’a presque pas pris de vacances pour se préparer au mieux. L’homme est d’ailleurs bien connu au sein de la profession pour sa rigueur et sa ténacité. “J’aime que les réponses aux problèmes soient apportées rapidement. Je suis, certes, attentif à la célérité, mais aussi à la qualité du travail”, s’exclame le bâtonnier.
Il rappelle d’ailleurs volontiers que sa mission première est de veiller au bon respect des règles déontologiques. “C’est la base de notre profession. Michel Forges l’a rappelé tout au long de son bâtonnat, et je ferai en sorte que cela soit clair dans l’esprit de chaque avocate et avocat. Ceux-ci savent, par ailleurs, que ma porte leur est toujours ouverte, surtout dans ce contexte socio-économique compliqué que notre profession subit, elle aussi, de plein fouet”.

Le crise est aussi économique
La crise au sein de la justice est, en effet, également économique. Le mal-être n’est pas neuf, mais il a été accentué par la crise sanitaire. Un sondage réalisé en début de pandémie évoquait d’ailleurs une volonté des avocats, surtout en début de carrière, de quitter la profession si la crise (économique) perdure. Maurice Krings se dit vigilant, mais tient malgré tout à relativiser. “Les chiffres n’étaient pas publics, mais je peux vous dire à présent que près de 9 % des répondants, en avril 2020, ont dit vouloir quitter l’avocature si la crise ne s’atténuait pas. Le mal-être est bien réel et il est pris en compte au sein du barreau. Mais je crois que ce baromètre réalisé en début de pandémie reflète surtout l’inquiétude qui était intense à cette époque”.
Quid des problèmes liés au harcèlement, qui sont, eux aussi, remontés à la surface avec le Covid ? Maurice Krings est très clair : s’il y a un sentiment d’impunité de la part de certains avocats à ce sujet, il doit cesser. “Pour lutter contre cela, Michel Forges et moi-même avons décidé qu’un dossier disciplinaire sera en principe systématiquement ouvert si des faits de harcèlement nous sont rapportés. Mais notre plus grand souci, c’est la preuve des faits lorsque ceux-ci sont contestés par le harceleur. En effet, les victimes de harcèlement ne souhaitent pas toujours que l’affaire éclate, et le manque de preuve décourage la plupart des victimes. Mais une fois encore, nous veillons à ce que la ligne rouge ne soit pas dépassée, c’est aussi ça, être bâtonnier”.
Koen Geens “un peu trop hyperactif”
Avant de conclure cet entretien, nous posons à Maurice Krings la question fatidique : que pensez-vous du ministre de la justice, Koen Geens, dont les soutiens se font de moins en moins nombreux au sein du monde judiciaire.
Maurice Krings préfère, pour sa part, resté nuancé, tout en taclant, en finesse non pas l’homme, qu’il juge intelligent, mais plutôt les projets du ministre. “Koen Geens est un ministre hyperactif, parfois un peu trop. Certains de ses projets sont novateurs et intéressants, d’autres en revanche sont potentiellement dangereux pour la justice et son fonctionnement. Le ministre veut, par exemple, instaurer une série de réformes à travers la digitalisation. Mais si l’objectif, officiel, c’est de rendre la justice plus rapide et moins couteuse, ce type de réformes législatives, parfois hâtivement rédigées risque surtout de déshumaniser la justice. Et le jour où la population aura le sentiment que la justice n’est plus rendue, on risque de retomber dans la loi du Talion. On évoque beaucoup le mauvais état de la justice qui, dans les faits, fonctionne malgré tout. Le défi de mon bâtonnat, c’est de faire en sorte que la confiance des citoyens soit rétablie, dans l’intérêt du justiciable et du mot Justice”.