Strasbourg déboute le controversé Yacob Mahi, qui avait été sanctionné pour des propos sur "Charlie"
Sanctionné pour des propos sur "Charlie", le prof estimait que son droit à la liberté d’expression était violé.
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Publié le 04-09-2020 à 07h36 - Mis à jour le 04-09-2020 à 07h37
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La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a débouté jeudi Yacob Mahi, controversé professeur de religion islamique, qui avait été écarté de l’athénée royal Leonardo Da Vinci (Anderlecht) après des propos polémiques sur Charlie Hebdo, dans la foulée des attentats qui avaient visé le magazine satirique le 7 janvier 2015.
Professeur controversé et médiatique, Yacob Mahi avait été accusé d’avoir téléguidé une pétition d’élèves pour demander le départ d’un professeur d’histoire qui avait pris le parti de Charlie Hebdo et de la liberté d’expression. L’ambiance était délétère à l’école Leonardo Da Vinci, où un élève avait affirmé avoir été agressé par des condisciples car il refusait de signer la pétition.
M. Mahi s’était défendu d’être à l’origine de la pétition. Il l’avait dit dans une lettre ouverte diffusée le 4 février 2015 qui n’avait fait que mettre de l’huile sur le feu.
"Oui, j’ai dit dans les médias que l’islam considère l’homosexualité comme contre nature et je n’ai jamais stigmatisé un homosexuel, ni même jugé ou condamné sa personne. J’ai le droit, au nom de la liberté d’expression, de considérer que son acte me pose un souci", écrivait-il.
Il y évoquait le philosophe Roger Garaudy, condamné pour négationnisme : "Ai-je péché quand je cite un auteur, non pas dans ses excès éventuels, mais dans sa pensée élaborée même si je ne pense pas comme lui ?" Il désignait Roger Garaudy comme son "maître à penser".
"Toute dérision qui ne prend pas en compte les sensibilités et les règles de civilité, et qui a pour objet de froisser quiconque en le tournant en dérision, dans le seul souci de jouir du droit, […] fait de la liberté d’expression un abus", écrivait-il encore.
Invité à se prononcer, le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (aujourd’hui Unia), tout en affirmant que les propos de M. Mahi ne contrevenaient pas aux législations anti-discrimination, fit part de sa préoccupation sur le fait qu’un enseignant eût pu tenir de tels discours.
Déplacé à La Louvière
Le 31 octobre 2017, la ministre de l’Éducation, estimant que les propos de M. Mahi contrevenaient à son devoir de réserve, lui infligea une sanction de déplacement disciplinaire vers une école de La Louvière.
Par un arrêt du 16 mai 2019, le Conseil d’État rejeta le recours en annulation introduit par M. Mahi contre cet arrêt.
M. Mahi saisit dès lors la Cour européenne des droits de l’homme, invoquant notamment l’article 10 (liberté d’expression). Il se plaignait d’avoir fait l’objet d’une sanction disciplinaire en raison des propos contenus dans sa lettre ouverte.
La CEDH a relevé que la sanction disciplinaire à l’encontre de M. Mahi constituait une ingérence dans l’exercice du droit de ce dernier à la liberté d’expression. Mais que cette ingérence était prévue par les articles 5 et 7 de l’arrêté royal du 22 mars 1969, prévoyant un devoir de réserve des enseignants.
Pour la Cour, les propos de M. Mahi "pouvaient légitimement être regardés comme incompatibles avec le devoir de réserve qui s’appliquait à lui, en particulier dans le contexte de tension qui régnait au sein de l’établissement scolaire à la suite des attentats de Paris de janvier 2015".
Par conséquent, la Cour estime que, compte tenu de l’impact potentiel des propos de M. Mahi sur ses élèves, la sanction de déplacement disciplinaire vers une autre école à 50 km, avec horaire complet, n’était pas disproportionnée.
Interdit d’enseignement
Yacob Mahi n’est plus enseignant. Il ne peut plus pratiquer. En novembre, il a été condamné par le tribunal correctionnel de Bruxelles à trois ans de prison avec sursis et une interdiction d’enseigner de 10 ans.
Les juges l’ont reconnu coupable d’attouchements sur un mineur de 16 ans et d’avoir fait "usage de violence afin d’asseoir son autorité auprès des élèves". Des violences physiques "aucunement tolérables dans une école moderne", selon le tribunal.