Vincent Macq prévient le ministre de la Justice: "Nous donner des directives comme si nous étions des petits soldats, ça sera sans nous”
Les magistrats appellent Vincent Van Quickenborne à respecter leur indépendance.“Nous ne voulons pas d’un ministre qui joue le rôle d’un tuteur”, explique Vincent Macq, président de l'Union Professionnelle des Magistrats (UPM) qui souhaite, avec l'Association Syndicale des Magistrats (ASM), interpeller le ministre de la Justice après une sortie dans la presse peu appréciée...
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- Publié le 19-11-2020 à 20h54
- Mis à jour le 07-05-2021 à 18h00
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Le 15 novembre dernier, trois policiers de la zone de police Bruxelles-Ixelles ont été légèrement blessés à la suite d’un contrôle Covid qui a dégénéré. L’incident a eu lieu dans le quartier de La Tulipe, à deux pas de la place Flagey à Ixelles.
La scène a d’ailleurs été filmée, faisant le tour de la toile et suscitant de nombreuses critiques et des condamnations notamment du monde politique. Parmi ces réactions, celle du ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD).
Une sortie “gênante”
Ce dernier, invité sur la VRT dans l’émission Zevende dag, a vivement condamné l’agression des policiers. Mais le ministre a surtout demandé au parquet de s’expliquer sur un point précis : la remise en liberté des individus interpellés dans ce dossier.
Vincent Van Quickenborne a par ailleurs souligné que “cela ne signifiait nullement que ces personnes n’étaient pas coupables. S’il apparaît qu’elles ont commis des faits répréhensibles, elles seront déférées devant un juge d’instruction, seront poursuivies et sanctionnées”, a-t-il insisté.
Ce jeudi, en séance plénière, le libéral a réitéré sa volonté de sévir contre les violences policières et a précisé que “les violences commises à l’encontre des policiers ne pourront plus être classées sans suite”.
Mais toutes ces sorties passent plutôt mal du côté des magistrats qui estiment que le ministre de la Justice sort de son rôle à travers des déclarations qui posent question.
Des propos qui sous-entendent un laxisme
Ainsi, l’Association syndicale des magistrats (ASM) et l’Union professionnelle de la magistrature (UPM) ont tenu à s’exprimer au nom de la magistrature pour rappeler quelques principes au ministre, notamment à propos de l’indépendance de la Justice.
“Évidemment, et il est même inutile de le préciser tant cela paraît normal, les agressions dont ont été victimes ces policiers sont inadmissibles. Mais le ministre semble oublier, en demandant au parquet de littéralement lui rendre des comptes, que s’il est bien le ministre de la Justice, les juges et la justice de façon globale travaillent de façon indépendante. Lorsque, à la télévision flamande, il dit être le “patron du parquet”, ça ne va pas. Non, le ministre de la Justice n’est pas le patron du parquet. Lorsqu’il ajoute que les suspects dans ce dossier seront poursuivis et condamnés, ça ne va pas non plus puisque nous ne pouvons pas tirer de telles conclusions dans une enquête qui est toujours en cours. Ces propos sous-entendent un certain laxisme de la part des juges. Or nous ne sommes ni laxistes, ni coupés de notre obligation, celle de rendre une justice indépendante”, explique Vincent Macq, président de l’Union professionnelle des magistrats.
Le magistrat insiste d’ailleurs sur l’indépendance de la Justice, qu’il estime menacée par des propos “impropres à une démocratie régie sur le principe de la séparation des pouvoirs”.
Plus de “respect mutuel”
“Nous avons beaucoup d’attention vis-à-vis de ce ministre, d’autant qu’il y a des éléments positifs dans sa note de politique générale. Mais il a un discours très managérial qui pose question. Il parle de la Justice comme d’une administration, sauf que nous ne sommes pas une administration, la Justice constitue un pouvoir indépendant, à côté de l’exécutif et du législatif. Nous ne voulons pas d’un ministre qui joue le rôle d’un tuteur ou d’un procureur général. Nous sortons de quelques années pour le moins compliquées avec Koen Geens, mais nous sommes confiants et nous croyons en la bonne volonté de Vincent Van Quickenborne. Notre sortie est une forme d’interpellation, pour qu’il puisse travailler avec nous, dans un respect mutuel, puisque nos objectifs sont communs : une justice efficiente et humaine”, assure Vincent Macq.
Si le magistrat est conscient que des évolutions dans le monde la Justice sont nécessaires, il rappelle que cela doit se faire dans la concertation, et surtout avec du respect et non du mépris. “Moderniser la Justice en travaillant avec nous, oui, mais nous donner des directives comme si nous étions des petits soldats, ça sera sans nous”, conclut Vincent Macq.