Les détenus se bousculeront encore plus en prison à partir de décembre
Il faut encourager le recours aux peines alternatives, insiste le Conseil central de surveillance pénitentiaire.
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- Publié le 14-09-2021 à 09h30
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Pendant une courte période, au début de la crise sanitaire, la population carcérale a diminué d’un bon millier d’unités, pour descendre sous les 9 600 prisonniers. Les congés pour cause de pandémie de coronavirus, la suspension de l’exécution de peines inférieures à 5 ans, une libération anticipée pour ceux qui n’avaient plus que 6 mois à purger ont relâché un peu la pression sur les prisons pendant la première vague. Les acteurs judiciaires ont aussi réfléchi à d’autres solutions que d’envoyer des suspects risquer de choper le virus derrière les barreaux. Résultat : au plus fort de la crise sanitaire, les établissements pénitentiaires ont compté jusqu’à 10 % de détenus en moins. Sans que cela entraîne de problèmes de sécurité ou une mise en danger de la société.
Pas de solutions structurelles
Mais le réflexe - infliger une peine de prison comme sanction - est ensuite revenu au galop. Les mesures prises sous la pression du Covid "ne se sont pas révélées être une solution à long terme au problème de surpopulation", regrette le Conseil central de surveillance pénitentiaire (CCSP) dans son rapport annuel publié lundi.
Avant la pandémie, la surpopulation carcérale causait déjà de nombreux problèmes et désagréments, tant pour la direction et le personnel, en sous-nombre, que pour les détenus, obligés de vivre dans la promiscuité et, parfois, de dormir à même le sol, souligne l’organe indépendant chargé de veiller à garantir les droits et la dignité humaine des personnes détenues.
Face à cette problématique, "des solutions structurelles ne sont pas à l'ordre du jour", relève le CCSP. C'est d'autant plus inquiétant que la pression sur la capacité carcérale va bientôt s'intensifier. La loi relative au statut juridique externe des détenus entrera en vigueur le 1er décembre 2021 pour l'exécution des courtes peines. Ce sera au juge de l'application des peines (Jap), et plus à l'administration pénitentiaire, de décider de la modalité d'exécution des peines jusqu'à trois ans - à l'image du tribunal de l'application des peines (ou Tap) déjà compétent pour les peines de plus de trois ans.
Passage par la case prison
Dans le système actuel, les condamnés à des peines privatives de liberté de trois ans ou moins sont mis en interruption de peine par les directeurs de prison et peuvent exécuter leur peine avec un bracelet électronique sans être incarcérés au départ.
Ce qui change ? Le nouveau dispositif les obligera (quasi) tous à passer d’abord par la case prison d’où ils devront demander au Jap les modalités d’exécution de leur peine (bracelet électronique, détention limitée…).
Autre modification : actuellement, les courtes peines bénéficient, sauf exceptions, de la libération provisoire après avoir purgé (en prison ou sous bracelet) une très courte partie incompressible de leur peine : après un mois pour les peines de 6 à 7 mois ; après 2 mois pour les peines de 7 mois à 1 an, etc. À partir du 1er décembre prochain, la partie incompressible à purger sera plus longue et la libération (conditionnelle, désormais) ne sera plus automatique, mais accordée au cas par cas par le Jap.
Sensibiliser les juges et les procureurs
L'inflation de la population carcérale sera donc automatique, ce qui aggravera encore la surpopulation dans les prisons belges. Dans ce contexte, le Conseil central de surveillance pénitentiaire recommande au ministre de la Justice de prendre, "en concertation avec les autres acteurs concernés, les mesures nécessaires pour encourager le recours aux peines alternatives". Le CCSP recommande aussi de "sensibiliser les juges et procureurs à leur rôle dans la lutte contre la surpopulation". Ce sont en effet les magistrats (et pas le ministre) qui placent un suspect en détention préventive, qui décident de la nature de la peine (prison, travail…) et de son tarif.
Réagissant lundi dans De Ochtend (Radio 1, VRT), le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD) s'est dit ouvert à l'idée : le nouveau Code pénal en préparation prévoit des peines alternatives pour certaines infractions, a-t-il dit. Mais le ministre estime que ce n'est pas suffisant et qu'il faudra créer de nouvelles places de prison, au-delà de celles prévues à Haren et Termonde l'année prochaine. Ce qui va à l'encontre des recommandations du CCSP qui réclame des mesures appropriées et suffisantes pour contrôler la croissance du nombre de détenus, "sans pour autant augmenter la capacité carcérale existante".