Le patrimoine caché et les fausses factures en pagaille de Serge Kubla, le "Lion de Waterloo"
Le procès pour corruption, faux et blanchiment de l’ancien ministre s’ouvre mercredi.
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- Publié le 14-12-2022 à 06h36
- Mis à jour le 14-12-2022 à 18h50
Nous étions le 24 février 2015. Les gardiens de la prison de Saint-Gilles pensent avoir affaire à une visite ministérielle. Serge Kubla se présente, entouré de policiers à l’entrée. Mais l’homme est nerveux : c’est en qualité d’inculpé, placé sous mandat d’arrêt, que Serge Kubla se rend à la prison. Il y reste deux jours. Ce fut le Waterloo de l’homme politique libéral qui fut parlementaire de 1977 à 2014 et bourgmestre de Waterloo de 1983 à 2015, hormis entre 1999 et 2004, où il fut ministre wallon de l’Économie.
Un peu moins d’un mois plus tard, ce sont deux autres personnalités, du monde des affaires cette fois, qui sont incarcérées. Antonio Gozzi et Massimo Croci, respectivement président et directeur général du groupe italo-suisse Duferco, venus s’expliquer sur l’affaire, sont eux aussi envoyés quelques jours derrière les barreaux par le juge d’instruction Michel Claise. Le groupe sidérurgique avait repris les Forges de Clabecq en 1997 et, à ce titre, avait bénéficié d’aides régionales wallonnes lorsque Serge Kubla était aux affaires.
La carrière politique de M. Kubla est terminée. Plutôt que les pages politiques des journaux, le “Lion de Waterloo” se retrouve désormais dans les pages judiciaires. Sept ans et demi plus tard, le procès s’ouvre ce mercredi devant le tribunal correctionnel. Il y a dix prévenus, dont deux personnes morales, y compris la S.A Duferco.
Un ancien Premier ministre congolais poursuivi
Trois des personnes physiques, de nationalité congolaise, ne devraient être ni présents, ni représentés. C’est notamment le cas d’Adolphe Muzito, qui fut premier ministre de la République démocratique du Congo entre octobre 2008 et mars 2012. Il sera jugé pour corruption passive, ayant reçu alors qu’il était en fonction, selon le ministère public, 20 000 euros des mains de M. Kubla.
On ne devrait dès lors retrouver que MM. Kubla, Croci et Gozzi ainsi qu’un homme d’affaires français assis sur le banc des prévenus. Le cinquième, Stéphane De Witte, est celui par qui tout a commencé lorsqu’en juin 2014, son épouse, s’inquiétant de la disparition de son mari au Congo où il était établi pour affaires, a porté plainte.
Le comptable n’a jamais réapparu. Il aurait été assassiné. Il était actif dans la société Successfull Expectations, une filiale de Duferco, qui avait investi dans le secteur des jeux et des loteries en Afrique. Cette diversification devait permettre à Duferco de pénétrer le marché congolais. Elle a fait perdre beaucoup d’argent aux actionnaires de l’entreprise.
Des fausses factures en pagaille
Peu avant sa disparition, Stéphane De Witte avait menacé de révéler les activités réelles de MM. Kubla, Croci et Gozzi et de Duferco au Congo. L’enquête a déterminé que Serge Kubla était derrière la société de droit maltais Socagexi, via laquelle il recevait d’une société liée à Duferco 60 000 euros trimestriels.
Serge Kubla disait faire de la consultance en Afrique. En réalité, il conseillait Duferco en matière d'immobilier en Wallonie.
Pour le ministère public, Socagexi aurait facturé, entre 2009 et 2014, un total de 660 000 euros qui seront utilisés “en tout ou en partie” pour permettre à Serge Kubla “de récolter le prix de sa corruption et/ou prise illégale d’intérêt sur le sol belge”.
L’accusation pointe encore des fausses factures pour un total de 555 000 euros, dont une partie a été soi-disant consacrée à “la consultance et la prospection industrielle au Congo et en Guinée ainsi que la constitution d’une société au Congo” alors que, en réalité, “l’activité principale prestée pendant cette période était de conseiller le groupe Duferco sur ses projets immobiliers en Belgique”.
Ce qui vaut aussi à l’ancien homme fort du MR au Brabant wallon de devoir répondre de prise illégale d’intérêts, à savoir d’avoir favorisé les projets d’investissements de Duferco dans le cadre de réaménagement du site des anciennes Forges de Clabecq après 2009, soit quand il n’était plus ministre mais bourgmestre et député.
Le patrimoine caché de Serge Kubla
Homme politique, Serge Kubla était soumis à une obligation de déclaration de patrimoine. Les enquêteurs découvriront qu’en février 2013, il y a de gros oublis, à savoir sa BMW série 7, les avoirs de Socagexi et le patrimoine détenu en compte auprès de la Banque Pictet en Suisse pour au moins 793 000 euros.
Cette somme conséquente de près de 800 000 euros, Serge Kubla, la retirera en espèces à la suite d’une visite à Genève en septembre 2013. Car visiblement, l’homme apprécie le cash : entre mai 2010 et août 2013, ce sont 675 000 euros qu’il retirera à l’issue de cinq visites chez Pictet à Luxembourg.
Le procès est prévu pour une durée cinq jours.