Les défenses avancent leurs premiers pions au procès des attentats
Les conditions de transfert des accusés du 22 mars seront examinées en référé vendredi.
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- Publié le 19-12-2022 à 18h21
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Ce n’est encore qu’une ébauche. Les plaidoiries de la défense ne sont prévues qu’à la toute fin du printemps. Mais, lundi, par petites touches, les avocats de plusieurs accusés ont laissé entrevoir leur axe de défense lors d’une courte intervention, qui peut se décrypter comme un contrepoint à l’acte accusation, la présentation des faits par le ministère public dont la lecture s’est clôturée la semaine dernière.
À nouveau, ces interventions ont été parasitées par le débat sur les conditions de transfert des accusés détenus, que les défenses considèrent comme dégradantes, disproportionnées et humiliantes.
La présidente de la cour d’assises l’a répété : cette question, qui n’est pas de son ressort, ne la distraira pas de la marche du procès. Une audience en référé, au cours de laquelle les défenses pourront faire valoir leurs arguments face au ministre de la Justice, est programmée vendredi devant le tribunal de première instance.
Quelques jours plus tard, le tribunal rendra son ordonnance dans laquelle il dira s’il maintient ou lève, éventuellement partiellement, ces mesures coercitives. Le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD), les assume. Il les juge compatibles avec la Convention européenne des droits de l’homme et de nature à répondre aux préoccupations de l’Ocam (Organe de coordination pour l’analyse de la menace).
Pour les défenses, ces conditions de transfert avec mise à nu, génuflexion, port d’un gilet pare-balles et casque contreviennent au droit à un procès équitable. Ce qui agace les parties civiles : “On essaie de faire dépendre les réponses des accusés à leurs conditions de transfert”, a ainsi souligné Me Guillaume Lys, avocat de l’association de victimes V-Europe.
Par petites touches, les avocats de plusieurs accusés ont laissé entrevoir leur axe de défense
Le référé aura néanmoins une influence sur le déroulé du procès. La cour doit interroger les accusés mercredi et jeudi. Les défenses d’Abrini et d’El Haddad Asufi ont signifié qu’ils ne parleront pas avant que le référé ne soit examiné. Abdeslam ainsi que les deux soldats de l’État islamique projetés en Belgique, Krayem et Ayari, devraient camper sur la même position.
Bilal El Makhoukhi et Hervé Bayingana Muhirwa, les deux autres accusés détenus, sont par contre prêts à répondre aux questions de la présidente mercredi, ont indiqué leurs avocats.
À chacun ses arguments de défense
Leurs défenses ont laissé entrevoir leurs cartes. Me Nicolas Cohen a indiqué qu’à côté des lois réprimant le terrorisme, il y avait un droit international humanitaire, un “droit de la guerre” qui fixe des limites aux belligérants. Or, son client, Bilal El Makhoukhi, a combattu dans les rangs de l’État islamique, qui laisse-t-il entendre, peut être vu, par certains côtés, comme une force combattante.
Hervé Bayingana, qui a brièvement hébergé Abrini et Krayem, peu avant et après les attentats, a un tout autre passé, arrivé, orphelin de père, en Belgique après le génocide rwandais. Pour son avocat, Me Vincent Lurquin, il faudra garder à l’esprit, le parcours difficile de son client qui “assumera ses responsabilités mais qui souhaite que l’on sache, qu’avant les attentats, il n’était pas au courant”.
Ali El Haddad Asufi a été condamné à Paris à dix ans de prison pour son implication dans les attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Son avocat, Me Jonathan De Taye, a relevé que tous les témoins ont relevé l’absence totale de radicalisation de son client. “Pourquoi s’associerait-il dès lors à un acte terroriste ?”, s’est-il interrogé.
Sofien Ayari, condamné à Paris (30 ans) comme pour la fusillade de la rue du Dries (20 ans), et arrêté quatre jours avant les attentats de Bruxelles a grandi dans un contexte de printemps arabe. “Il ne faudrait pas qu’il soit condamné pour ce qu’il n’a pas fait et pour ceux qui ne sont plus là”, a souligné Me Isa Gultaslar, qui s’insurge contre un découpage en trois procès, estimant que ce n’est pas équitable.
Smaïl Farisi, qui avait mis son appartement à disposition d’un des kamikazes dès octobre 2015, a été acquitté en juin par le tribunal correctionnel de Bruxelles pour les faits relatifs aux attentats de Paris du 13 novembre 2015. “Le tribunal a dit qu’il avait alors été grugé”, dit son avocat, Me Sébastien Courtoy, qui ne voit dès lors pas comment son client pourrait être condamné en assises.
Les lignes de défense se précisent donc.