Les liaisons dangereuses d’Ali El Haddad Asufi, proche des kamikazes de Zaventem: cela fait-il de lui un terroriste?
Il était très proche d’un des kamikazes de Zaventem. Cela en fait-il un membre de la cellule terroriste ?
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Publié le 26-01-2023 à 22h06
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Il est, parmi les sept accusés détenus jugés pour leur participation présumée dans les attentats du 22 mars 2016, celui qui intrigue le plus. Ali El Haddad Asufi est le seul chez qui, malgré toutes les vérifications, on n’a pas véritablement trouvé trace de radicalisation.
Cet homme, aujourd’hui âgé de 38 ans, est l’accusé qui avait la vie la plus stable en 2016. Il avait un contrat à durée indéterminée à l’aéroport au moment des attentats. Il était, depuis décembre 2012, chauffeur pour le compte de la société LSG Skychefs, qui assure le catering des avions qui décollent du tarmac de Zaventem.
Le 22 mars 2016, à 07 h 58, lorsque les deux kamikazes ont déclenché leurs bombes, Ali El Haddad Asufi était à l’aéroport, mais suffisamment loin pour n’avoir rien vu, ni entendu, a relaté, jeudi devant la cour d’assises, la policière qui a synthétisé le volet El Haddad Asufi.
Cet homme au casier judiciaire alors vierge est apparu dans l’enquête pour une raison quelque peu fortuite. Un troisième terroriste, qui sera identifié plus tard comme Mohamed Abrini, avait fui après avoir abandonné son sac d’explosifs. Les caméras de surveillance l’ont montré, à 08 h 08, non loin de l’autoroute, une main sur l’oreille, comme s’il était en train de téléphoner. Après son arrestation, Mohamed Abrini racontera qu’il simulait un appel, pour ne pas attirer l’attention quand il croisait des passants ou des policiers.
Soupçonné d’emblée
Vu ces images, les policiers avaient dès lors collationné tous les appels téléphoniques qui avaient transité par ce pylône, entre 08 h 03 et 08 h 13, dans l’espoir de remonter vers une personne connue de l’antiterrorisme. À l’aide d’un logiciel, ils ont comparé les numéros de téléphone avec leur base de données qui répertorie le numéro de suspects de terrorisme ainsi que les numéros de téléphone avec lesquels ils ont été en contact.
C’est ainsi qu’ils ont identifié qu’un de ces numéros, se terminant par 109, avait été en contact avec Khalid El Bakraoui, déjà identifié comme le kamikaze du métro, ainsi qu’avec deux autres suspects identifiés dans le cadre des attentats de Paris. C’était suffisant pour interroger le détenteur de ce numéro se terminant par 109.
C’était Ali El Haddad Asufi. On était le 24 mars 2016. À 17 h 00, il est intercepté alors qu’il est au volant de sa voiture. Auditionné par la police, Ali El Haddad Asufi le reconnaît : Ibrahim El Bakraoui est un ami d’enfance. Mais, précise-t-il, il ne l’a plus vu depuis l’été 2015. Il avait noté chez lui un changement depuis que ce dernier avait quitté la prison, à l’automne 2014 : de délinquant, il était devenu radical. Le juge ne l’auditionne pas. Ali El Haddad Asufi ressort libre.
Mais, au fil des jours, il apparaît qu’Ali El Haddad Asufi n’a peut-être pas tout dit lors de cette première audition. Il n’a jamais rompu avec Ibrahim El Bakraoui. Le 9 juin 2016, il est arrêté et n’a plus quitté la prison depuis lors.
Les enquêteurs ont subodoré qu’il aurait fourni les armes utilisées lors des attentats au Bataclan et/ou sur les terrasses le 13 novembre 2015 à Paris. Mais les charges ne sont pas transformées en preuve. La cour d’assises de Paris, qui l’a condamné à dix ans de prison avec peine de sûreté pour les deux-tiers, a jugé simplement qu’il a été à la recherche d’armes pour la cellule, pas qu’il les a acquises ou fournies. Ayant purgé 6 années et demie de prison, il est libérable.
L’homme de confiance d’Ibrahim El Bakraoui
Cet homme, qui s’est souvent faufilé entre les questions des enquêteurs, a souvent changé de version en cours d’instruction. Il apparaît comme un fil rouge dans le parcours d’Ibrahim El Bakraoui lorsque ce dernier tente de rejoindre une terre de djihad.
La juge d’instruction Berta Bernardo-Mendez l’a dit jeudi : il est un homme de confiance de Ibrahim El Bakraoui. Il a été dans toutes ses planques, entre septembre 2015 et mars 2016. Sa trace a ainsi été trouvée dans les deux appartements, d’où partiront le 22 mars 2016 les kamikazes de Zaventem et de Maelbeek.
Ali El Haddad ne l’a pas reconnu d’initiative. Ce n’est que quand il a été confronté aux analyses ADN ou aux images prises par des caméras de surveillance qu’il l’a admis, du bout des lèvres. D’autres éléments attestent de sa proximité avec la cellule, dont il connaissait de nombreux protagonistes.
On a aussi retrouvé chez lui une clé USB qui contient des audios enregistrés par Ibrahim El Bakraoui la nuit qui a précédé les attentats. Mais là aussi, Ali El Haddad Asufi a une explication.
Mis bout à bout, tous ces éléments intriguent. Mais cela en fait-il un membre de la cellule et un co-auteur des attentats ? Ce sera au jury de le dire.