"Chaque matin, j’enfile mon costume de Wonder Woman": le témoignage poignant d'une survivante des attentats de Bruxelles
Orphée était dans le métro à Maelbeek le 22 mars. Elle s’est relevée.
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Publié le 14-03-2023 à 19h01 - Mis à jour le 14-03-2023 à 19h11
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Orphée ne prenait quasiment jamais le métro. Mais, par réflexe écolo, a-t-elle expliqué mardi devant la cour d’assises, elle avait décidé d’emprunter les transports en commun et de vendre sa voiture. Elle fit un test pour gagner le salon de coiffure qu’elle avait ouvert cinq mois plus tôt. Son mari la déposa donc en voiture à la station Merode. Elle acheta un ticket, un café et deux couques avec l’intention de rejoindre le salon en métro.
Elle n’arrivera jamais. Nous sommes le 22 mars 2016 à 09 h 00 et elle a la malchance de monter dans la deuxième voiture du métro, celle où le kamikaze se fera exploser à Maelbeek, la deuxième station après Merode. “Je pense me souvenir de Schuman, soit la station intermédiaire, a-t-elle expliqué. Et puis plus rien. Je remercie dieu pour cela. Ma tête et mon corps me préservent de ce moment.”
Elle apprendra plus tard que l’explosion l’a jetée à terre, près du kamikaze et que l’on a marché sur elle. “Sonnée”, elle revient à elle dans la rue de la Loi. Un homme, employé à l’hôtel Thon qui a accueilli les victimes, lui présente un drap blanc pour s’éponger le visage. Elle hésite : “Je me disais. Il est trop propre”. Elle est hospitalisée. On lui recoud le visage.
Quelques jours plus tard, elle récupère son fils chez sa mère. “Il ne m’a pas reconnue. Je lui ai fait une blague en lui disant que j’étais un œuf de Pâques. Là, il a reconnu mon rire”. Dans les mois qui ont suivi, on devra lui retirer des fragments métalliques, dans l’oreille, sur le dos, sur la tête, chaque fois qu’elle en découvre.
Son tympan droit est atteint. Elle souffre d’acouphènes, 24 heures sur 24. Elle doit arrêter la plongée. “C’est la seule chose qu’ils ont réussi à briser en moi”, dit-elle, rappelant, des étoiles plein les yeux que “c’est magnifique la plongée”.
Un profond sentiment de culpabilité
Un sentiment de culpabilité s’installe. “Je ne comprends pas pourquoi, moi, je suis en vie. Pourquoi une mère avec ses trois enfants est morte et moi je suis toujours là ?” La colère monte “pas contre le terroriste de base”, mais face aux médecins, devant lesquels elle doit justifier ses maux. “J’aurais préféré perdre un bras ou une jambe. Cela aurait été plus facile de justifier”, dit-elle.
La naissance d’un second enfant a été d’un grand réconfort.” Mon salon de coiffure a été mon échappatoire. Je me suis plongée là-dedans. J’avais un plaisir fou de rendre mes clientes belles”, explique-t-elle. Mais le Covid est passé par là. Elle a dû fermer.
Aujourd’hui, Orphée est toujours dans la reconstruction. Elle est constamment dans l’hypervigilance. Elle n’a jamais pu reprendre le métro. Elle y est allée pour une cérémonie. “Mais l’odeur, l’odeur me hante. C’était horrible.”
Les acouphènes la fatiguent : “Tout le monde pense que je vais bien”. Mais cela reste extrêmement compliqué. “Le matin, j’enfile mon costume de Wonder Woman pour mon mari, mes enfants, mes amis”, avant de retrouver ses angoisses le soir, dans la pénombre. Elle a arrêté de prendre des médicaments quand elle était enceinte : “Mes enfants, ce sont mes médicaments, ma raison de vivre, ma lumière”.
Profondément croyante, elle ne peut pardonner aux terroristes. “Je ne vais pas être clémente. Seul dieu peut l’être”, dit-elle. Mais pour sa part, elle est “sur le chemin de la paix”, reconnaissante envers les gens qui l’ont soutenue. Et elle a un souhait : que l’arrêt de la cour d’assises soit “un exemple pour que cela n’arrive plus”.