Un nébuleux règlement de comptes jugé à Bruxelles
Seule certitude : il y a eu des coups de feu. Mais qui a tiré ? Et pourquoi ?
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Publié le 26-04-2023 à 18h37
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Ils sont six sur les bancs des prévenus : trois sur le banc de gauche et trois sur le banc de droite. Ils comparaissent libres mais ont dû, comme toutes les personnes rentrant dans cette chambre correctionnelle, se soumettre à une fouille en règle après avoir montré leurs documents d’identité.
Les deux trios, séparés par l’allée centrale, n’ont pas échangé un mot avant le début de l’audience. Curieusement, dans chaque groupe de trois, il y a deux frères. Ils ne se regardent pas véritablement en chiens de faïence, mais il est clair que les relations sont tendues entre les deux groupes. Tous ont le visage fermé.
Ils sont jugés pour détention d’armes et, pour certains, de tentative de meurtre. Ce serait – mais le conditionnel est de mise, car ils ne sont pas très bavards – un règlement de compte entre trafiquants de stupéfiants.
Seule certitude, le 8 juillet 2019, vers 01 h 00 du matin, Marwan a été découvert près de la gare du Nord à Saint-Josse, atteint de deux balles au genou et à la jambe. Non loin de lui, un pistolet-mitrailleur Skorpion, avec deux chargeurs, dont un scotché sur l’arme. L’ADN retrouvé sur l’arme n’est pas le sien.
L’enquête a montré que Marwan s’est retrouvé à bord d’une BMW avec deux frères, Fouad et Jawad. Il y aurait eu un échange de coups de feu avec le deuxième groupe, soit Brahim, son frère Ilias et leur beau-frère, Mohamed. Ceux-ci seront arrêtés quelques jours plus tard. On découvrira des impacts de balles dans la Mercedes Vito de Mohamed.
Des “matches aller-retour”
Selon la représentante du ministère public, ce serait Marwan ou Fouad, qui aurait d’abord fait feu, tandis qu’un homme appartenant au deuxième groupe aurait riposté atteignant Marwan. Autre certitude : trois armes ont été utilisées. Cet échange de coups de feu ferait suite à deux précédentes fusillades. Le 30 mai 2019, un homme venu en scooter aurait fait feu à neuf reprises à Saint-Josse à 23 h 00. Il se serait agi de cibler Fouad et son frère Jawad qui habitaient là-bas.
La “rumeur publique” disait que le tireur était Hamza, le frère de Brahim et Ilias. Il sera cependant mis hors cause car, sous bracelet électronique, il n’aurait pu être présent. Le 6 juillet 2019, il y eut à nouveau des échanges de tirs, à Evere cette fois : les voitures semblent montrer que c’était à nouveau un échange de tirs entre les deux groupes.
Pourquoi ces matches aller-retour ? Le mystère reste entier. Marwan ne s’explique pas pourquoi il a été visé et dit ne pas avoir distingué de tireur. Il affirme par ailleurs avoir été atteint alors qu’il fuyait à pied, mais n’explique pas pourquoi il est sorti de la BMW. “C’est un réflexe”, dit-il.
Le chauffeur du véhicule, Jawad, dit qu’il était pétrifié quand les coups de feu ont débuté. “J’ai paniqué. Arrêté au feu rouge, je n’ai même pas eu la force de mettre la première vitesse”, dit-il. L’avocat de son frère Fouad, Me Jonathan De Taye, demande l’acquittement de son client qui, dit-il, n’est en rien impliqué. Me Nathalie Gallant, conseil de Marwan, réclame aussi l’acquittement : elle s’appuie sur l’ADN, retrouvé sur le Skorpion, qui n’appartient pas à Marwan.
Les positions du deuxième trio sont tarabiscotées. Brahim aurait eu un “différend” avec une personne qu’il ne désigne pas. Il aurait été question de “régler le problème”. Mohamed, le beau-frère, a pris sa Mercedes Vito. Les deux frères, Brahim et Ilias, auraient pris place à l’arrière tandis qu’un quatrième homme – dont ils ne donnent pas l’identité car, soi-disant, ils ne le connaissent que par son prénom et par sa qualité de médiateur – était à l’avant. Et ce serait lui le tireur.
Aucun des trois prévenus n’aurait pu tirer, disent-ils : Mohamed car il était au volant ; Brahim et Ilias car, dans ce Vito, il était impossible de baisser les vitres à l’arrière. Me Henri Laquay, avocat de Brahim, demande donc l’acquittement ou, à défaut et s’appuyant ainsi sur la thèse de tirs de riposte, la légitime défense.
Le ministère public marche sur des œufs. Sa représentante a requis cinq ans pour Marwan et Fouad, trois ans pour Brahim et des peines symboliques pour les trois autres prévenus. Les dernières défenses s’expriment jeudi, avant un jugement, attendu dans un mois.