Mes employés peuvent-ils utiliser ChatGPT ?

Chaque lundi, avec “Droit de savoir”, La Libre et l’Ordre français du barreau de Bruxelles répondent à une question juridique. Ce lundi, Me Eliot Sanam Ilung vous parle de ce nouvel outil dont tout le monde parle : ChatGPT.

Contribution externe
Eliot Sanam Ilung, avocat au barreau de Bruxelles
Eliot Sanam Ilung, avocat au barreau de Bruxelles ©Photo : DR / Vignette : Raphaël Batista

Depuis quelques mois ChatGPT ne cesse de défrayer la chronique, son nom est sur toutes les lèvres.

Mais qu’en est-il de son utilisation au travail ?

ChatGPquoi ?

ChatGPT est un chatbot fonctionnant grâce à une intelligence artificielle conçue par OpenAI LLC, une société américaine, et mis gratuitement à disposition depuis le 15 décembre 2022 sous forme d’interface web. Bien que le chatbot en tant que technologie n’ait rien de nouveau, ChatGPT s’est distingué des autres outils du genre par ses prouesses et sa capacité à répondre comme un humain à des requêtes des plus complexes.

De tels exploits sont rendus possibles grâce à sa capacité d’apprentissage permanent. D’une part, l’outil se base sur les connaissances acquises lors de sa phase de développement, au moyen de techniques d’apprentissage supervisé et renforcé sur base d’un échantillon de données. D’autre part, l’outil se base sur les données saisies par les utilisateurs dans ChatGPT et depuis peu sur les données trouvées sur le web afin de répondre aux requêtes nécessitant des connaissances plus actuelles.

Il est important de garder à l’esprit que les données saisies dans ChatGPT, de quelque nature qu’elles soient, sont mises à la disposition d’OpenAI. Cette dernière est, en vertu des conditions générales du service et d’utilisation, autorisée à utiliser le contenu fourni par l’utilisateur et le contenu généré dans le but d’entretenir, de développer et d’améliorer sa technologie.

ChatGPT dans le radar des autorités, dois-je m’en inquiéter ?

Aussi pratique soit elle, l’utilisation de ChatGPT n’est pas sans risque, notamment d’un point de vue juridique. Outre le risque de plagier du contenu protégé par des droits de propriété intellectuelle, il existe également des risques en matière de protection des données personnelles. Ce qui a d’ailleurs mené les autorités italiennes à interdire son utilisation. À l’exception des usages purement privés, il est impératif de se conformer aux règles protégeant les données personnelles.

Dans bien des cas des professionnels de tous secteurs utilisent ChatGPT pour optimiser leur temps. Que ce soit pour organiser une réunion en fonction des agendas de chacun, pour rédiger du contenu marketing, des rapports, des mails ou encore pour filtrer des CV. Dans la plupart de ces exemples, des données personnelles (c’est-à-dire des informations qui identifient directement des individus ou les rendent identifiables) peuvent être saisies dans le chat. Or, la saisie de telles informations constitue un traitement de données personnelles, qui est régi par le règlement général sur la protection des données (RGPD). Les employés qui traitent des données personnelles pour le compte de l’entreprise peuvent engager la responsabilité de leur employeur, car l’entreprise sera considérée dans ce cas comme le responsable de traitement et devra se conformer aux exigences du RGPD.

Quels sont les risques ?

La plupart des obligations imposées par le RGPD peuvent facilement être traitées en mettant à jour les registres, les politiques internes ainsi que les documents informant les tiers à l’entreprise ou son personnel que leurs données personnelles pourraient être traitées.

En revanche, cela peut s’avérer plus compliqué en ce qui concerne la mise en place d’un accord de sous-traitance (NdlR : à ce jour OpenAI le prévoit uniquement pour les APIs), une clause de réutilisation des données ou le respect de certains droits des personnes concernées.

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Enfin, l’utilisation de ChatGPT requière nécessairement d’effectuer des transferts internationaux de données personnelles puisque celles-ci sont rendues accessibles au fournisseur du service basé aux États-Unis, ce qui peut soulever des difficultés à un moment où les transferts de données vers les Etats-Unis attisent toutes les tensions. À l’heure actuelle, il est nécessaire de respecter une procédure très stricte pour effectuer le transfert légalement.

A défaut de mettre la documentation nécessaire en place pour démontrer sa mise en conformité les entreprises agissant de la sorte s’exposent à un risque de sanctions telles que des amendes ou des recours judiciaires. Le risque étant accru si des données sensibles sont saisies dans le chat. À l’heure actuelle, en Belgique, les amendes pour violation du RGPD oscillent, en moyenne, entre 10 000 € et 50 000 €.

En définitive, l’utilisation de ChatGPT n’est pas à proscrire. Elle peut même s’avérer utile en permettant d’automatiser certains procédés au sein de votre entreprise. Toutefois, afin de limiter les risques financiers et médiatiques il est judicieux de consulter un avocat expert en protection des données pour encadrer l’usage de ChatGPT par vos employés.

Qui est Eliot Sanam Ilung

Eliot Sanam Ilung est un avocat au barreau de Bruxelles et travaille au sein du cabinet Fieldfisher. Il conseille quotidiennement des clients dans des secteurs très variés par rapport aux problématiques qu’ils rencontrent en matière de protection de la vie privée et droit des nouvelles technologies.

Droit de savoir

Cette série est un partenariat entre La Libre et l’Ordre français du barreau de Bruxelles.

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