Procès des attentats à Bruxelles: le pesant silence d’Osama Krayem
Il devait se faire exploser à Maelbeek. Il n’a pas voulu s’exprimer au procès.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/0906a181-9f27-446f-986d-ad9375b3fa83.png)
Publié le 25-05-2023 à 22h27
:focal(3440x1943:3450x1933)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/E2ZKXIWPWNCYBJVU7SJBNPX34Y.jpg)
Qui est Osama Krayem qui devait se faire exploser dans le métro le 22 mars 2016 à Bruxelles avant de renoncer in extremis, sans toutefois dénoncer son comparse qui fera un carnage à Maelbeek ?
Quel était alors son état d’esprit ? On ne le saura pas. L’accusé, qui a déjà été condamné à 30 ans de prison à Paris pour son implication dans la cellule qui a frappé le 13 novembre à Paris, a choisi le mutisme à Bruxelles. Et même la politique de la chaise vide devant la cour d’assises. À peine les audiences débutent-elles qu’il signale qu’il veut retourner en cellule.
On n’a pas entendu le son de sa voix. Tout au plus quelques signes de tête, les rares fois où il a été présent, pour dire qu’il ne dira rien.
De Syrie, en janvier 2015, il est apparu sur une des pires vidéos de l’État islamique. En treillis, il a assisté, impassible, à la mise à mort du pilote jordanien, brûlé vif en cage.
Au procès, on n'a pas entendu le son de la voix d'Osama Krayem. Tout au plus quelques signes de tête, pour dire qu’il ne dira rien.
Face à de telles atrocités, difficile de voir l’homme. Le témoignage, jeudi devant les assises, d’un bénévole qui l’a rencontré à la prison de Leuze-en-Hainaut, est dès lors d’autant plus déconcertant. Pierre, professeur de mathématiques à la retraite, avait accepté de donner à Krayem des cours particuliers de français. Entre 2017 et juin 2021, il l’a vu à 175 reprises. Il lui a enseigné le français et les mathématiques.
Le respect de la parole donnée
La constance d’humeur d’Osama Krayem l’a frappé. Il a constaté qu’une valeur fondamentale pour lui était le respect de la parole donnée. “Un jour, il m’a dit : cela fait un an que j’ai dit à la directrice de prison qu’elle n’aurait pas d’ennuis avec moi et je tiens parole.”
Pierre a été frappé par la volonté de ne pas déranger de Krayem, qui, malgré des maux de dents, ne voulait pas recevoir des soins car cela aurait mobilisé des gardiens qui n’auraient pas été disponibles pour d’autres détenus.
Cette image positive était confirmée par la direction de la prison de Leuze. “Un membre de la direction a dit de lui : abstraction des choses commises, c’est quelqu’un qui a beaucoup d’humanité. Je le confirme”, a avancé Pierre. Ce dernier avait interdiction de parler des faits avec Osama Krayem. Il fut horrifié quand il apprit, par la radio, qu’Osama Krayem était impliqué dans l’exécution du pilote jordanien.
En prison, Osama Krayem évitait les contacts. Il ne quittait sa cellule que pour les cours de Pierre. “Il s’est renfermé et s'en désolait. Il s’inquiétait de ce changement de caractère”, a dit le témoin.
Redevenir un enfant
Pierre lui a fait lire “Le petit Prince”, que son auteur, Antoine de Saint-Exupéry, a dédié à son meilleur ami quand ce dernier était enfant. “J’aimerais bien pouvoir redevenir un enfant pour faire ma vie autrement”, a dit Osama Krayem, dans une rare confidence.
”On peut dire qu’il s’en est éloigné. Peut-il y revenir ? Ce serait renoncer à la parole donnée, apparaître comme quelqu’un qui va trahir le groupe. Ce serait extrêmement difficile pour lui vu la parole donnée”, décrypte le témoin.
Pierre n’avait plus vu Osama Krayem depuis 2021, quand il a été transféré pour son procès en France. Exceptionnellement, Osama Krayem était dans le box des accusés jeudi. Pierre, en fin de témoignage, s’est tourné vers lui : “Osama, si un jour tu découvrais que la volonté du très haut serait que tu renonces à l’action violente, te soumettrais-tu à la volonté divine ?”. Osama Krayem n’a pas cillé, gardant les deux mains croisées devant sa bouche.