Poursuivis pour trafic de stupéfiants, l'un nie et l'autre se justifie: “Des odeurs de drogue chez moi? Je n’ai rien remarqué, je n’ai pas d’odorat”
Un jeune homme et son beau-père sont poursuivis pour trafic de stupéfiants. D’importantes quantités de drogues ont été retrouvées à leur domicile. L’un nie, l’autre se justifie.
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- Publié le 28-05-2023 à 10h05
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Dans cette petite salle d’audience quelque part au fin fond du palais de justice de Bruxelles, il se raconte souvent qu’il n’y a pas de grande histoire à se mettre sous la dent. Deux ténors du barreau viennent pourtant de pénétrer les lieux. Vu leur pedigree, cela sent bon l’histoire de gros bonnets.
À l’intérieur, pas grand monde sauf Ali (prénom d’emprunt) la vingtaine, installé sur la banquette de droite. Et Esteban (prénom d’emprunt), la septantaine, assis de l’autre côté, accompagné d’un traducteur hispanophone.
Difficile d’imaginer que ce vieil homme et ce grand gamin puissent former un duo criminel. À se demander ce qu’ils ont fait pour se retrouver dans la même affaire, le même pétrin. “À votre avis, c’est quoi le type de dossiers qu’on traite le plus, en ce moment ?”, explique un des avocats. Stupéfiants ? “Bingo.”
Jusqu’à 4000 euros
Il s’agit donc bel et bien d’un duo criminel poursuivi pour vente et trafic de stupéfiants. Esteban est en fait le beau-père d’Ali. Arrivé du Maroc il y a près de quinze ans, le garçon n’a jamais pu obtenir la nationalité belge. Pour tenter de s’intégrer, il ira à l’école et trouvera des petits boulots ici et là. Malgré sa situation irrégulière, il se débrouille et arrive à joindre les deux bouts. Jusqu’à ce que la crise sanitaire mette tout en suspens. Sans le sou, Ali doit quitter son logement. Il trouve refuge chez Esteban, même s’ils ne parlent pas la même langue (l’un ne parle qu’Espagnol et l’autre uniquement le Français).
Pour passer le temps, Ali consomme un peu de cannabis. Il alterne avec d’autres trucs, “mais c’est purement récréatif”, assure-t-il. Un jour, son dealer lui propose de vendre l’un ou l’autre pacson. En cas de bonne opération, la paie est attrayante : jusqu’à 4000 euros. Ali accepte. Le consommateur devient dealer. Le mode de vie change. Les problèmes apparaissent.
Cocaïne, héroïne, cannabis
Quand il s’est fait prendre, Ali n’était pas dans le viseur de la justice pour des faits de drogue, mais pour une nébuleuse “histoire de fille”. Quoi exactement ? Le juge ne livre aucun élément à ce propos. Ce que l’on sait, c’est que les enquêteurs sont tombés sur une importante quantité de drogue au domicile des prévenus, alors qu’ils étaient venus pour une perquisition liée à une affaire de mœurs. Cocaïne, héroïne, cannabis, il y en avait pour tous les goûts. Un carnet a également été retrouvé avec les noms des clients et les livraisons qui leur étaient destinées.
Compliqué pour Ali de nier les faits. Mais quel est le rôle du beau-père dans cette affaire ? Là aussi, c’est peu clair. Ce qui est certain, c’est que des tests sanguins seront réalisés et qu’Ali et Esteban seront testés positifs tant à la cocaïne qu’à l’héroïne.
”Mensonge, s’exclame le vieil homme. De ma vie, je n’ai jamais pris cette saloperie.” Les examens médicaux sont pourtant formels, lui répond la juge. ” C’est honteux de penser qu’un homme de 70 ans puisse prendre de la drogue. À part des bières chaque soir, il ne consommait rien”, intervient Ali. La magistrate observe les deux prévenus. Puis poursuit son instruction d’audience. “Monsieur, outre ces examens sanguins, les enquêteurs ont retrouvé une importante quantité de drogue à votre domicile. Pourquoi avoir laissé faire ça chez vous ?"
”Le gamin passe son temps à rien foutre de ses journées. S’il vendait de la drogue, moi je n’en savais rien et je n’y suis pour rien”, rétorque Esteban. ” Les odeurs de cannabis étaient très fortes, vous ne pouvez pas nier que vous ne saviez pas…”, lance la juge. ” Des odeurs de drogue chez moi ? Je n’ai rien remarqué, je n’ai pas d’odorat”, se défend le “padre”.
La juge lève les yeux d’un air surpris. Voilà un argument de défense qu’elle n’avait pas vu venir. Et qui semble toutefois peu convaincant au vu des sourires esquissés par le reste de l’assemblée. Dont Ali. Ce dernier va, lui, tenter de justifier ses mauvaises activités par des circonstances de vie compliquées. “Avec le Covid, je n’avais plus de boulot. J’ai été appâté par l’argent facile. Je n’ai pas fait le meilleur des choix et je le regrette”.
Dans sa plaidoirie, les avocats insisteront sur le fait qu’Ali est en aveux, tout en niant l’implication de son beau-père. Et de plaider l’acquittement pour Esteban, un sursis probatoire pour Ali. La procureure, elle, n’est pas persuadée qu’Esteban soit véritablement tout blanc. Mais face à un vieil homme sans passé judiciaire, elle propose une peine de travail. Pour Ali, deux ans de prison avec sursis sont requis.
Les deux prévenus seront fixés sur leur sort la semaine prochaine.