Oussama Atar était "l’émir" des attentats de Bruxelles, selon le parquet fédéral
Les procureurs ont entamé mardi leur réquisitoire devant la cour d'assises. Premiers visés : le très secret Atar, grand absent du procès, et Mohamed Abrini.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/3db27521-05f2-4d07-b3b8-02602abf6d9b.png)
- Publié le 30-05-2023 à 16h55
- Mis à jour le 30-05-2023 à 21h51
:focal(1531x1156:1541x1146)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/Q3GHOTAU5JCSLIISPWHM3MMWWE.jpg)
Un nouveau chapitre s’est ouvert mardi au procès des attentats de Bruxelles, avec le début du réquisitoire du parquet fédéral. Les deux procureurs, Paule Somers et Bernard Michel, ont cinq jours pour expliquer les charges qui pèsent sur les dix accusés. Ils ont commencé avec Oussama Atar, le grand absent de ce procès qu’ils considèrent comme le dirigeant de la cellule, puis ont enchaîné sur le rôle “de la première heure” de Mohamed Abrini, présent lui dans le box des accusés.
“C’est à nous d’apporter la charge de la preuve”, a rappelé aux douze jurés Paule Somers. “Les juges, c’est vous et personne d’autre”. Sur un mode pédagogique, elle a souligné les grands principes qui animent le droit pénal, dont la présomption d’innocence, et la gravité des crimes qui sont reprochés : des attentats qui, le 22 mars 2016, ont “terrorisé la population belge” et ont été revendiqués par l’État islamique en français, en anglais et en arabe pour avoir une portée internationale.
“Tuer un maximum de personnes”
Les accusés sont poursuivis principalement pour assassinats à caractère terroriste. Aucun doute à ce sujet, note le parquet fédéral. Le meurtre était prémédité et s’est déroulé dans un contexte terroriste. “L’utilisation du TATP et de multiples clous et boulons n’avait pour seul but que de tuer un maximum de personnes. Pour les terroristes, l’identité des victimes importait peu. Ils voulaient faire un maximum de victimes”, a souligné Mme Somers.
Les attentats à Zaventem et dans le métro à Maelbeek ont fait 32 morts et 695 blessés ou traumatisés. Les magistrats réclament que quatre victimes supplémentaires soient ajoutées au bilan, car leurs proches ont établi la preuve qu’elles sont décédées des suites des attentats, soit par suicide, soit par longue maladie.
Oussama Atar, “l’émir qui donne les instructions”
Oussama Atar était “le dirigeant du groupe terroriste” qui a frappé Bruxelles le 22 mars 2016. “Il est le commanditaire, l’émir qui donne les instructions après avoir envoyé les commandos en Europe”, a souligné Paule Somers, qui a réclamé qu’il soit condamné comme dirigeant, coauteur des attentats et participation à un groupe terroriste.
La justice pense qu’il est mort en novembre 2017, tué par une frappe de drone lors de combats dans la ville de Mayadin, à l’est de la Syrie. Sans “aucune certitude” sur son décès, il reste accusé. Il a été condamné à la perpétuité l’an dernier dans le procès des attentats de Paris et doit encore être jugé en France pour son rôle central dans les prises d’otages occidentaux en Syrie dans les années 2013-2014.
Le CV d’Atar, né le 4 mai 1984 à Laeken, de nationalité belge et marocaine, est long comme le Danube. Paule Somers a expliqué, point par point, les raisons qui amènent le parquet à le considérer comme l’homme clé de ces attentats. Son séjour dans les prisons irakiennes, entre 2005 et 2012, a été déterminant. C’est là qu’il a rencontré ceux qui allaient devenir les dirigeants de l’État islamique, dont le Syrien Mohamed al-Adnani avec lequel il va combattre l’occupant américain en Irak au sein d’un petit groupe djihadiste et l’Irakien Abou Bakr Al-Baghdadi, qu’il côtoie à Camp Bucca, une prison américaine au sud de l’Irak.
Ce séjour lui vaut le surnom dans les rangs de l’État islamique d’“Abou Ahmed al-Iraki”. C’est lui qui de Raqqa sélectionne les commandos, les suit dans leur parcours vers l’Europe, réceptionne les testaments des kamikazes et pilote les attentats. Atar était l’Européen le plus haut gradé dans l’État islamique. “Il n’y avait pas de hiérarchie entre lui et Mohammed al-Adnani”, a souligné Osama Krayem dans un interrogatoire. “Ils travaillaient ensemble”.
Mohamed Abrini: “La lâcheté plutôt que la bravoure”
Deuxième accusé : Mohamed Abrini. Selon le Parquet fédéral, il a fréquenté en Syrie “la crème de la crème” et s’il en revient après quinze jours, c’est avec une mission à faire en Europe. Il devient un membre “bien intégré” de la cellule. On retrouve son ADN sur des gants en caoutchouc qui ont servi à fabriquer l’explosif à la planque de la rue Max Roos. C’est lui qui achète les boîtes de haricots qui, une fois vidés, vont servir à la fabrication du TATP. “Sans son assistance”, tranche Bernard Michel, “le crime n’aurait pas pu être commis”.
Enfin, le Parquet fédéral doute de son renoncement à se faire exploser dans le hall de Zaventem. Après la première bombe, “il se presse les oreilles car il sait qu’il y en une deuxième. Il abandonne son chariot dans une zone très fréquentée” au risque que celui-ci n’explose à la seconde détonation ou soit utilisé pour transporter des blessés. “La bravoure de celui qui s’est désisté ? Non la lâcheté de celui qui n’a pas voulu renoncer plus tôt à ce projet”.
Pour lui aussi, le parquet en fait un coauteur des attentats. Suite du réquisitoire ce mercredi.