Les magistrats sont inquiets: "On parle de justice sans penser aux justiciables, c’est comme parler de santé sans penser aux patients"
Plusieurs sources, principalement issues de la magistrature, disent avoir des craintes pour l’avenir de la justice.
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- Publié le 30-05-2023 à 21h09
- Mis à jour le 30-05-2023 à 21h32
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Nos interlocuteurs, principalement issus de la magistrature, sont en colère. Mais ils refusent de s’exprimer, sauf anonymement. Au-delà du texte de loi sur l’autonomie de gestion qu’ils jugent “dangereux, mal fichu, nébuleux et indigeste”, c’est le manque de transparence du Collège des cours et tribunaux qu’ils dénoncent allègrement.
”Le Collège des cours et tribunaux ne me pose pas problème en soi. C’est un organe qui peut jouer un rôle positif, mais actuellement, il semble mener des combats qui ne sont pas les siens et, surtout, il le fait sans aucune légitimité. Le souci, c’est qu’actuellement, nous assistons à une prise injustifiée du pouvoir de la part de cet organe, entame un interlocuteur. Ce qui est négocié par le Collège des cours et tribunaux l’est sur la base de modèle de gestion des sociétés de conseils, c’est en totale déconnexion avec les réalités du terrain. Dans tout ça, on oublie le justiciable et ses intérêts. Parler de justice sans penser aux justiciables, c’est comme parler de santé sans penser aux patients”.
Une autre source ajoute : “On ne peut pas imaginer une démocratie sans contre-pouvoir, c’est pourtant le risque avec les projets discutés actuellement puisque les décisions du Collège des cours et tribunaux pourraient dorénavant être contraignantes et, en plus, il ne sera pas possible de les contester. On fera des plans, on nous consultera pour la forme, mais dans le fond, on n’écoutera personne”.
Le barreau de Bruxelles solidaire
Ce n’est pas la première fois que le Collège des cours et tribunaux est critiqué dans la gestion de ce dossier. Ce fut le cas dans un avis rendu le 22 juin 2022 par le Conseil supérieur de la Justice (CSJ) qui ciblait surtout le côté évasif de certaines formulations dans le projet de loi sur l’autonomie de gestion. L’avis pointe également un problème de représentativité du Collège des cours et tribunaux.
Bien que la problématique concerne, en premier lieu, les cours et tribunaux, le bâtonnier de l’Ordre français du barreau de Bruxelles, Emmanuel Plasschaert a également réagi. Il dit comprendre les inquiétudes exprimées par de nombreux magistrats et se veut solidaire de ceux-ci. “Nous savons que l’Association syndicale des magistrats, l’Union professionnelle de la magistrature et le Conseil consultatif de la magistrature sont inquiets. Et nous partageons leurs craintes de voir les cours et tribunaux ne plus pouvoir être maîtres dans leurs propres juridictions. La transparence insuffisante et l’absence de consultation large qu’exige une telle réforme, qui touche à la gestion des cours et tribunaux, posent également problème. Le barreau n’a absolument pas été impliqué, alors qu’il devrait l’être dans l’intérêt des justiciables dont il est le porte-parole par nature. N’oublions pas que les justiciables, et donc les avocats, sont en réalité les “clients” des juridictions. Nul doute que les avocats pourraient apporter leur pierre à l’édifice. Il n’en est rien, et nous le regrettons.”