Que dit la future loi pour manifester sans casser ?
Mercredi, le projet de loi visant à interdire les casseurs dans les manifestations doit être voté en commission Justice de la Chambre.
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- Publié le 05-06-2023 à 19h37
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Manifester, mais sans casser. C’est ainsi que l’on peut résumer les objectifs du ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD) qui, dans son projet de loi visant à rendre la justice “plus humaine, plus rapide et plus ferme”, veut s’attaquer aux violences qui émaillent les manifestations. Comment ? En interdisant l’accès à ces rassemblements aux fauteurs de troubles connus de la justice pour s’être fait remarquer durant ce que le ministre nomme un “rassemblement revendicatif”.
Le texte vise les infractions suivantes : association de malfaiteurs ; menace d’attentat contre les personnes ou contre les propriétés ; homicide, coups et blessures volontaires ; incendie volontaire ; certaines formes de vandalisme ; destruction ou détérioration de denrées ; marchandises ou autres propriétés mobilières ; dégradation des propriétés immobilières ; infractions à la loi sur les armes.
Concrètement, les personnes qui seraient connues de la justice pour l’une (ou plusieurs) des infractions précitées pourraient être interdites d’accès à une manifestation par un juge durant trois ans. En cas de récidive, l’interdiction pourrait atteindre six années.
Interrogé, en mai en commission Justice de la chambre, sur la praticabilité de telles mesures sur le terrain, Vincent Van Quickenborne avait assuré qu’il n’est pas question de contrôler systématiquement chaque manifestant, ni même d’imposer aux organisateurs un contrôle préalable. Par contre, lorsqu’un “rassemblement revendicatif” est prévu, les polices locales pourront suivre les individus concernés par une interdiction si les motifs de la manifestation et ceux pour lesquels une personne est “fichée” sont similaires.
Contacté, le cabinet Van Quickenborne a rappelé qu’il n’y avait “aucune volonté de nuire au droit de manifester”.
Le projet de loi devrait être évoqué une dernière fois, mercredi en commission Justice, en vue d’être voté dans la foulée. Écolo et le PS veulent toutefois que le texte soit amendé. Le député PS Khalil Aaouasti a expliqué que “si l’objectif n’est pas de viser les mouvements sociaux et de grève, il faut pouvoir le dire clairement. Il faut pouvoir écrire ce que l’on a dit. Aujourd’hui, ce texte n’est pas assez clair pour répondre à une série d’inquiétudes légitimes”.
Le modèle français
L’idée d’une “loi anticasseurs” n’est pas neuve. En septembre 2022, une circulaire allant dans le même sens a été évoquée à la suite d’une succession de faits de violence lors de manifestations. Ce fut le cas au lendemain de la marche contre les mesures sanitaires organisée en janvier 2022 à Bruxelles et durant laquelle une poignée d’individus a saccagé du mobilier urbain et ciblé la police. À l’époque, le bourgmestre de la Ville de Bruxelles, Philippe Close (PS), avait réclamé une loi anticasseurs.
Un message manifestement reçu cinq sur cinq, puisque Vincent Van Quickenborne s’est inspiré de la législation française qui a mis en place de telles interdictions en 1995. En 2019, face à l’ampleur des manifestations des Gilets Jaunes, la loi a été renforcée, avant d’être partiellement cassée par le Conseil constitutionnel français. Ce dernier ciblait… la mesure permettant aux préfets de police de prononcer des interdictions administratives de manifester, estimant que cela portait atteinte “au droit d’expression collective des idées et des opinions, une atteinte qui n’est pas adaptée, nécessaire et proportionnée”. Les ministres français de la Justice et de l’Intérieur ont récemment évoqué la possibilité d’une “nouvelle loi anticasseurs” pour mieux “s’adapter” aux “nouveaux usages” lors des manifestations.