Le voleur de Rolex, qui visait les conducteurs de belles voitures, a traumatisé un médecin bruxellois: "Il s'est jeté sur moi et m'a roué de coups"
Le prévenu a pris la fuite avec la montre de luxe. Depuis son agression, très violente, le praticien, choisi comme les autres victimes sur la base de signes extérieurs de richesse, ne porte plus rien sur lui: ni cash, ni montre.
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- Publié le 10-09-2023 à 09h33
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Les vacances judiciaires sont finies depuis deux semaines. Au palais de justice de Bruxelles, il faut un peu chercher son chemin entre des portes condamnées, des panneaux indiquant des travaux et la file réservée aux avocats. À 8 h 45, la salle des pas perdus est presque vide. Au premier sous-sol, dans une chambre correctionnelle à un juge, on ne se bouscule pas davantage. Si les détenus de Saint-Gilles patientent dans les cellules du palais, ceux de la prison de Haren ne sont pas encore arrivés. La routine.
À 9 heures, la magistrate doit déjà suspendre l’audience, faute de combattants. Dans la première affaire, le prévenu manque à l’appel. “Le temps de laisser passer le temps et de voir s’il y a un véritable défaut”, soupire-t-elle.
Une certaine distance
Les parties civiles sont, elles, présentes. Un quinquagénaire tiré à quatre épingles s’avance d’un pas décidé jusqu’à toucher le bureau du tribunal, pour montrer des documents. “Il ne faut pas venir si près. C’est un peu formel, mais on garde une certaine distance avec les gens”, intervient gentiment la substitute. L’homme, qui se présente sans avocat, n’a visiblement pas l’expérience des prétoires. Il ne se formalise pas. En déclinant son identité, il plaisante à propos de son prénom : “Je sais : il n’existe pas. Ce sont mes parents qui l’ont complètement inventé”.
Après dix minutes d’interruption, l’audience reprend. Les aiguilles affichées par l’horloge de la salle n’ont pas bronché : elles restent obstinément bloquées sur 8 h 18 (ou 20 h 18, comment savoir ?).
La présidente donne quelques mots d’explication à la victime. “Normalement, le prévenu est interrogé. C’est beaucoup plus intéressant quand l’auteur est là. Mais, bon, malheureusement, ce n’est pas le cas… Comme il n’est pas là, la parole est donnée directement aux parties civiles. Vous pouvez expliquer ce qui s’est passé ? Quels dommages réclamez-vous ?”
”C’était très violent”
L’intéressé est médecin dans un grand hôpital bruxellois. Les détails de l’agression qu’il a subie en 2021 restent gravés dans sa mémoire. Deux ans plus tard, il garde des séquelles. “J’étais devant l’hôtel Plaza (au centre de Bruxelles, NdlR). Je sentais que quelqu’un m’observait. J’allais entrer dans ma voiture et un individu s’est jeté sur moi et m’a roué de coups”. Il comprend assez vite que l’inconnu vise la montre qu’il porte au poignet, explique-t-il. “C’était très violent. J’étais couché sur le siège conducteur et il me frappait.” L’auteur est parvenu à ses fins ; il a filé avec la Rolex.
La victime, blessée notamment aux mains, se rend aux urgences du centre hospitalier où il travaille. Son collègue le met en arrêt maladie pour une semaine. “Je suis praticien : j’ai besoin de mes mains pour les interventions”.
Le médecin a apporté à l’audience tous les documents probants pour étayer sa demande d’indemnisation : une photo de l’objet volé ; son prix actuel sur Chrono24, la première plateforme internet pour les montres de luxe ; le certificat d’achat. Lors de sa constitution de partie civile, il a évalué son dommage à 162 000 euros, auquel s’ajoute un dommage corporel de 2 000 euros sur la base de l’expertise médicale réalisée la nuit des faits.
La “technique football”
Ce dernier montant reste provisoire. “Sincèrement, cette histoire m’a traumatisé, poursuit le médecin. Dès que quelqu’un s’approche de moi, je me fige. Quand je sors, je n’ai plus rien sur moi : je ne porte plus de montre et je ne prends jamais de cash.”
Le docteur n’est pas la seule victime du prévenu qui est poursuivi pour quatre vols avec violence. Circonstances aggravantes : les faits ont été commis en bande (il avait un complice) et pendant la nuit. La tactique du suspect est bien rodée. Il repère une Maserati ou une Jaguar devant un hôtel de luxe. Pendant que son complice fait diversion, il en profite pour se ruer sur la victime et lui arracher la montre avant de prendre la fuite. Variante de ce modus operandi : viser des “clients” fortunés qui se baladent dans le quartier chic du Sablon avec le même objectif : subtiliser la belle toquante, selon la “technique football” : on propose de prendre une photo ; il y a une bousculade ; la montre disparaît.
Même physionomie, même short, mêmes baskets
À chaque fois, les caméras de surveillance des hôtels et/des lieux publics ont filmé la scène. Interpellé le 3 juillet 2021 et confronté aux photos, le suspect conteste en bloc. Le dossier est mis à l’instruction. Mais le juge considère qu’il n’a pas suffisamment d’éléments pour inculper le suspect. Il n’ordonne aucun devoir… Et puis il y a le dernier fait, où le prévenu est clairement reconnaissable sur les images : même physionomie, même coupe de cheveux, même short, mêmes baskets, mêmes chaussettes que les fois précédentes… Le doute n’est plus possible. Tout concorde : il s’agit du même homme pour l’ensemble des faits.
La procureure du Roi réclame 40 mois de prison contre l’auteur qui n’hésite pas à recourir à la violence pour dérober des montres de luxe à ses victimes “choisies sur la base de signes extérieurs de richesse”.
Le jugement sera prononcé le 20 octobre.