Une maman condamnée pour avoir nourri son enfant exclusivement au lait maternel pendant plus de deux ans : “C’est par amour que j’ai fait tout ça”
L’enfant a été hospitalisé en urgences lorsqu’il avait deux ans et demi. Il avait le poids d’un bébé de six mois.
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- Publié le 19-09-2023 à 09h01
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Elle l’a répété à de très nombreuses reprises, tant durant son procès en première instance que devant la cour d’appel de Bruxelles : Lin (prénom d’emprunt) n’a pas voulu faire de tort à son petit garçon, Tom (prénom d’emprunt). Ses intentions étaient louables, a-t-elle plaidé. Sans succès.
Le jugement au pénal est confirmé : cette maman d’une quarantaine d’années est condamnée à deux ans de prison, avec un sursis de trois ans. Elle s’est rendue coupable de privation d’aliments et de soins à son enfant dont la garde lui a d’ailleurs été retirée. Le jeune vit désormais aux États-Unis, avec son papa, Etienne (prénom d’emprunt).
Lait maternel et petites soupes
Tout a commencé en 2018. Etienne, professeur de mathématiques dans une grande université américaine, souhaite rendre visite à ses parents en Belgique. Il fait le voyage avec sa petite famille. À Bruxelles, le papa d’Etienne se montre inquiet : son petit-fils n’a pas l’air en grande forme. Il le trouve anormalement amaigri et insiste pour que l’enfant soit emmené aux urgences au plus vite. Lin, la maman, refuse. Elle s’explique.
S’il a l’air pâlot, le petit n’est pas en mauvaise santé, assure-t-elle. Cela pourrait s’expliquer par le fait que Tom est nourri exclusivement au lait maternel. En dehors de l’allaitement, il ne reçoit rien, sauf des petites soupes d’Omega 3 que l’enfant aspire dans des petites pipettes. Un régime alimentaire strict, mais sain et préparé dans l’intérêt du petit, justifie la maman. Mais le grand-père insiste : Tom ne va pas bien. Sans plus attendre, ils prennent la direction des cliniques universitaires Saint-Luc.
Sur place, les médecins sont sans appel : le pronostic vital de Tom est engagé. Il est dans un état de dénutrition sévère, son poids est inférieur à celui d’un enfant de six mois. Il sera traité en urgence, mais une année d’hospitalisation sera nécessaire pour le sortir d’affaire. Il est notamment question d’une rééducation de la mâchoire (qu’il ne sait pas utiliser puisqu’il n’a jamais mâché d’aliment solide), ainsi que d’un suivi psychologique pour réduire les séquelles pour sa santé mentale.
Durant ce long processus de guérison pour l’enfant, Lin, la maman est auditionnée par la police d’abord, par des experts psychiatriques ensuite. Ces derniers sont formels : la maman n’est pas atteinte de troubles mentaux, sa capacité de discernement est totale et elle ne représente pas un danger social global. Mais – même si elle défend agir avec bienveillance -, elle est un danger pour son enfant. Elle sera donc poursuivie puis condamnée.
Quid du papa ?
Pour la justice, Lin est coupable de ne pas avoir volontairement nourri et soigné son enfant. Elle s’est fiée, pour cela, à ses propres recherches, sans jamais consulter de médecin, ni pour un avis médical, ni pour la moindre consultation. On apprend également que Tom n’a fait l’objet d’aucune vaccination depuis sa naissance. Là aussi, il s’agit d’une décision prise par la maman, dit-elle, dans l’intérêt de l’enfant.
Une série d’éléments qui auraient pu être lourds de conséquence pour Tom et qui n’ont pas permis à Lin d’échapper à une condamnation. Si la peine n’a pas été alourdie en appel, la cour a été plutôt sévère en détaillant l’arrêt, insistant sur la gravité de la situation, qui plus est de la part d’une maman qui doit avant tout protéger son enfant. Si Lin a échappé à une peine plus lourde, c’est en raison de l’ancienneté des faits, et d’une forme d’introspection de sa part, certes “limitée” mais qui donne l’impression que, peut-être, elle a compris qu’il ne fallait plus réitérer la chose.
Dans sa plaidoirie, Maître Catherine Toussaint, la défense de Lin, a épinglé un élément qui n’aura toutefois pas été retenu par la justice : le fait que le papa de l’enfant soit considéré comme partie civile, alors qu’il est devrait être considéré tout aussi responsable du sort de Tom et de sa dégradation. Mais la justice a estimé que c’est la maman de l’enfant, seule, qui a décidé de ne pas nourrir son enfant sur la base de ses propres réflexions, menées seule également.
En sortant de la salle d’audience, Lin (qui ne parle pas le français) semblait complètement désarçonnée. Seule en Belgique, elle y était le temps que la procédure judiciaire se termine. C’est le cas, mais elle s’estime lésée par ce jugement. “Ce n’est pas de la maltraitance, c’est par amour que j’ai fait tout ça”, a-t-elle répété. Elle songe à la Cour de cassation et, même, à porter l’affaire devant la justice européenne.