Face au boom du vélo, comment Bruxelles va-t-elle se transformer ?
Les cyclistes sont de plus en plus nombreux à arpenter les rues de Bruxelles et cette tendance n’a pas encore fini son ascension. Dans le cadre de son dossier “C’est pour demain”, LaLibre.be fait le point sur la mobilité du futur.
- Publié le 27-06-2021 à 11h49
- Mis à jour le 20-07-2021 à 19h03
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Le futur proche ne nous réserve probablement pas de voitures ni de vélos volants. Mais les cyclistes de demain promettent de composer un joli melting-pot de tous genres, tous âges, chevauchant tous types de vélos. Les deux roues sont de plus en plus nombreux dans nos rues et, après une année confinée, il existe un véritable boom du vélo.
Depuis la crise sanitaire
Fin avril 2020, un déconfinement est annoncé. Pour éviter un flux trop important de personnes dans les transports en commun durant cette crise sanitaire, la Région bruxelloise met en place 40 kilomètres de pistes cyclables provisoires. Et après une année confinée, ces pistes "Covid" se traduisent en chiffres. Les compteurs vélos de bruxelles.mobilité annoncent pour 2020 une augmentation de 64% par rapport à l’année précédente. Selon le cabinet de la ministre de la Mobilité, Elke Van den Brandt, ce sont ces pistes qui expliquent entre autres l’augmentation de cyclistes dans nos rues. “Il y a eu une augmentation de cyclistes un peu partout dans les villes européennes, mais celles qui ont installé une infrastructure pour encourager les gens à se mettre au vélo ont pu remarquer une augmentation d’utilisateurs beaucoup plus élevée", explique la porte-parole de la ministre. A Lille, par exemple, où aucune infrastructure n’a été mise en place, l'augmentation n'est que de 15%.

"C'est une tendance qui continuera à grimper”, affirme la porte-parole de Pro Velo. Chaque année, cette ASBL, dans le cadre de l’Observatoire du Velo, effectue des comptages à 27 lieux stratégiques de la Région durant les heures de pointe. De 2010 à 2019, l’ASBL rapporte un taux de croissance annuel moyen de 13% des utilisateurs de vélos. C’est une tendance que le cabinet de la ministre espère entretenir et développer dans les objectifs du plan régional de Mobilité, Good Move. L'espoir est d'atteindre deux fois plus de cyclistes sur les routes en 2025 et jusqu’à 4 fois plus en 2030.
Imaginons : juin 2031
Projetons-nous dans une décennie. Bruxelles a changé pour une mobilité plus équilibrée. Comment imaginer la ville en 2031 ?
Patrick habite Kortenberg, petite commune du Brabant flamand mais travaille à Bruxelles. Une fois sur son vélo électrique, ce jeune cycliste se dirige vers la gare afin de rejoindre le RER vélo, un nouveau circuit de pistes cyclables qui longe les voies ferrées jusqu'au centre de Bruxelles. Après un trajet de 30 minutes, Patrick se retrouve sans perdre haleine derrière son bureau.
Grâce à un partenariat entre la Région bruxelloise et la Région flamande, le RER vélo, un réseau allant au-delà des frontières régionales, a vu le jour. Certains navetteurs, aux alentours de la capitale, en profitent pour délaisser leur voiture au profit du vélo. D’autres navetteurs, vivant plus loin, occupent les sièges du train.
Autre situation. Un peu en retard, Robert décide d'éviter le métro et de prendre vélo. Il habite Koekelberg, et se rend dans le centre de Bruxelles pour une après-midi shopping. Grâce au réaménagement de la place Sainctelette , il peut maintenant passer le canal sans se soucier de se retrouver face à un carrefour dominé par les voitures.
La future place Sainctelette à Bruxelles
(La future place Sainctelette à Bruxelles)
En 2025, la Région avait terminé les rénovations des places de Sainctelette, Schuman, Toison d’Or et Louise. Des aménagements physiques parfois importants avec des trottoirs plus larges, des pistes cyclables, ou de la verdurisation permettent un meilleur équilibre de l’espace public. En 2030, les travaux aux carrefours de Meiser et de Montgomery ont été finalisés.
Troisième cas concret. Le soleil commence à se coucher, mais le cimetière d’Ixelles s’anime. Marie gare rapidement son vélo dans un box parking, avant de rejoindre ses amis en terrasse. Plus besoin de garder un œil soucieux sur son vélo de crainte de se le faire voler.
Le masterplan Stationnement Vélo a permis de créer jusqu’à 480.000 places de parking pour vélo depuis son lancement en 2021.
Retour au présent : le plan Good Move
Fictifs, ces projets ? Ils sont en tous cas inscrits dans le plan régional de Mobilité, Good Move. Ce plan, qui se projette durant la décennie 2020-2030, a l’objectif de transformer la capitale en “une ville agréable et sûre, constituée de quartiers apaisés, reliés par des axes structurants intermodaux, et centrée sur des transports en commun efficaces et une circulation plus fluide.”
Quelques changements peuvent déjà être aperçus. Les pistes cyclables "Covid", par exemple, sont en préparation de pérennisation. Ou encore, des pistes cyclables autour de la Petite Ceinture qui sont bientôt complètement aménagées. Et un parking vélo dans la station du pré-métro à Bourse avait déjà ouvert ses portes en 2019.

Le plan "Ville 30", en application depuis le premier janvier 2021, s’inscrit aussi dans les objectifs de Good Move. Selon la porte-parole de la ministre de la Mobilité, cette diminution de vitesse encourage les automobilistes à se déplacer principalement par les grands axes, exempts de la nouvelle limitation à 30km/h, et de limiter le trafic dans les quartiers résidentiels. “Il s’agit de canaliser le trafic et d’améliorer la fluidité”, note le cabinet de la ministre. “Deux tiers des trajets à Bruxelles sont de moins de cinq kilomètres. On veut désengorger la ville pour laisser la place aux vélos et aux piétons.” Mais le cabinet rassure, l’idée n’est pas de bannir la voiture de la ville, mais seulement de diminuer le trafic et de laisser place aux automobilistes qui n’ont d’autres choix que de se déplacer en voiture.
Effet boule de neige : moins de voitures, plus de vélos
Avec deux tiers des déplacements internes à moins de cinq kilomètres, le potentiel pour encourager les citoyens à se mettre en selle est grand. “Le taux de cyclistes reste encore relativement faible, surtout quand on compare aux pays du Nord”, explique Pierre Vanderstraeten, sociologue de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire (UCLouvain). L’exemple simple, c’est Amsterdam. La capitale néerlandaise se place 5e dans le Urban Mobility Readiness Index 2020, un classement mondial des villes les mieux préparées à la mobilité du futur. 22% de tous les trajets sont y effectués à vélo. A Bruxelles, il ne s’agit que de 4%. Comment faire pour augmenter le nombre de cyclistes ? “De la sécurité et du confort dans l’infrastructure”, répond le cabinet de la ministre de la Mobilité.
“Un bon indicateur de la sécurité à vélo, c’est la parité hommes-femmes”, explique la porte-parole du Gracq, le groupe de recherche et d’action des cyclistes quotidiens. “Si les comptages révèlent que le nombre d’hommes à vélo reste plus important (60,63%), l’écart semble se resserrer par rapport aux femmes (39,38)”, rapporte l’asbl Pro Velo. S’il y a augmentation de femmes et d’enfants qui prennent le vélo, c’est grâce à une meilleure sécurité routière offerte par l’amélioration des infrastructures, d'après le cabinet de la ministre.
“Il y a aussi un sentiment de sécurité qui se crée par le nombre”, explique Claire Pelgrims, chercheuse à l’ULB et experte en mobilité rapide et lente dans l’évolution des infrastructures à Bruxelles. “Plus on est nombreux, plus on est en sécurité.” C’est la règle de la masse critique. “La meilleure garantie de sécurité tient à cette notion de masse critique”, ajoute Pierre Vanderstraeten. “C’est lorsqu'il y a vraiment une présence claire des cyclistes dans la ville que le nombre d’accidents est le moins élevé.” Cette notion devient dès lors un cercle vertueux. Avec un sentiment de sécurité accru dans la ville, le nombre de cyclistes continue son ascension.
En route vers le futur
Et si Bruxelles ne change pas ? Pour Claire Pelgrims, on n'a plus vraiment le choix. La qualité de l’air est en dessous des recommandations de l'Organisation mondiale de la Santé et les problématiques liées au changement climatique ne disparaîtront pas d'elles-mêmes. “Il y a aussi la qualité de vie, la question du bruit, le plaisir de (re)découvrir la ville, l’expérience en terrasse ou dans un parc qui sont totalement différents”, conclut la chercheuse.
