Pour les nouveaux réfugiés, obtenir le statut ne signifie pas "fin de la galère ni de la misère"
Logement, emploi… les défis sont nombreux pour les réfugiés qui sortent du réseau d’accueil Fedasil. Témoignages.
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- Publié le 04-06-2023 à 14h19
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Christine aura dû attendre trois ans. Trois ans de patience, d’anxiété et d’incertitudes depuis son arrivée du Rwanda, avant d’obtenir le statut de réfugié en Belgique. Après deux recours contre deux décisions négatives, elle reçoit une réponse positive du commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA). “Lorsque j’ai reçu le document, j’étais contente. Pendant trois ans, je me suis posé la question de savoir si je pouvais rester en Belgique ou si je devais aller ailleurs.” Elle doit alors quitter le réseau Fedasil et se met en quête d’un logement. Elle accumule les refus. “Dans les recherches immobilières, il y a une sorte de préjugé quand on voit un étranger, et encore plus quand il est noir”, constate-t-elle.
Selon la loi belge sur l’accueil, les demandeurs d’asile en procédure ont droit à une place dans le réseau Fedasil. Mais l’État belge ne parvient plus, depuis de nombreux mois, à respecter cette obligation, ce qui conduit des centaines de personnes à la rue. Depuis quelques semaines, la file d’attente pour accéder au réseau diminue et est passée sous la barre des 3000. Depuis le mois de mars, l’agence Fedasil compte davantage de sorties que d’entrées. On peut y voir les conséquences d’une baisse des arrivées sur le territoire belge, mais aussi les conséquences du paquet de mesures décidées par le gouvernement fédéral en mars et qui visait, notamment, à accélérer les sorties des centres. Mais les obstacles sont nombreux sur la route des nouveaux réfugiés, bien souvent mal préparés à quitter les structures d’accueil, même pour ceux qui avaient déjà pu avoir une expérience professionnelle.
"Impossible sans salaire"
”Lorsque j’étais en procédure d’asile, j’ai d’abord été hébergée dans un centre Fedasil à Lint (Anvers). J’avais trouvé un travail dans la logistique à Anvers mais Lint est un village mal desservi. J’ai travaillé trois mois de 14 à 22 heures. Je prenais le tram, le train et mon vélo pour aller travailler. Parfois, je dormais chez des collègues. En trois mois, j’ai perdu sept kilos”, se souvient Christine. Elle a alors cherché un logement à Anvers mais son profil n’intéressait pas les propriétaires. “Des connaissances demandaient à ma place. Et pas n’importe lesquelles : seulement des blancs qui parlaient flamand”, explique-t-elle aujourd’hui.
Après avoir perdu son boulot et son logement, elle est retournée dans un centre Fedasil à Hasselt, en ville, à proximité duquel elle trouve un travail. Elle y reste jusqu’en février, date à laquelle elle obtient son statut de réfugié. Elle doit alors trouver elle-même un nouveau toit et un nouveau travail, “mais sans salaire ni contrat, c’est impossible. Et sans adresse, il est impossible de recevoir une aide du CPAS”.
La jeune femme contacte alors une assistante sociale qui la dirige vers Singa, une association qui accompagne les nouveaux réfugiés. Elle est désormais en collocation à Woluwe Saint-Pierre, mais seulement pour six mois. “Niveau boulot, je n’ai aucune piste”, soupire cette diplômée en coopération au développement. “Je me demande si je ne vais pas devoir aller balayer les routes…”
Des centres trop isolés ?
Abdullah a lui aussi connu la galère. Ce trentenaire originaire du Soudan est arrivé en Belgique en 2019. Une fois sa procédure de demande d’asile entamée, il séjourne dans un centre à Hotton (Luxembourg), ensuite à Yvoir (Namur). Il commence à ce moment-là une formation en menuiserie, mais il peine à assurer les trajets. “Il n’y avait pas de bus après 17 heures pour rejoindre le centre”, se souvient-il. “Quand on vit dans un centre, on est comme coupé de la société, on ne sait pas comment ça fonctionne à l’extérieur. Il n’y a pas vraiment d’accompagnement préparant l’arrivée dans la société belge. La plupart des centres sont isolés”. À l’instar de ce centre près de Libramont, où il faut réserver une navette pour aller faire des courses, faute de bus. Abdullah y voit un paradoxe. “On met la plupart des centres dans des endroits reculés pour ne pas déranger les habitants. Mais nous sommes réfugiés, nous allons vivre dans la société. Pourquoi ne pas nous inclure directement ?”, soupire-t-il. Pour lui, l’isolement des centres constitue l’un des nœuds du problème. “Pour en sortir, il faut beaucoup de volonté.” Ou un peu de chance, ce qui fut son cas. Abdullah a été logé plusieurs mois chez un hébergeur contre un très petit loyer. Il a pu continuer à travailler et à suivre une formation en langue.
Dans des squats plusieurs mois après
Après deux années de procédure, il a finalement obtenu le statut de réfugié. Il veut s’installer à Bruxelles, Anvers ou Gand, trois villes aux promesses d’emploi, croit-il. Il cherche alors un logement -” sur Facebook, parce que les agences ne veulent pas de nous”- mais n’essuie que des refus. Même lorsqu’il trouve un emploi de contrôleur qualité dans une boîte à Gand, il ne reçoit que des non. Deux mois plus tard, il quitte son poste, éreinté par les trajets. Il se tourne alors lui aussi vers l’association Singa qui lui trouve un logement à Bruxelles. À côté de sa recherche de logement, Abdullah suit des cours de langue et commencera une formation l’année prochaine. “J’ai eu beaucoup de chance en rencontrant les bonnes personnes, précise-t-il toutefois. J’ai des amis qui sont encore dans des squats, plusieurs mois après avoir reçu le statut de réfugié.”