Plaidoyer bilingue pour revoir la loi de financement
Voilà qui ne devrait pas laisser indifférents le préformateur Elio Di Rupo (PS) et tous ceux qui se retrouveront autour de la table des négociations pour la formation d’une majorité fédérale. Une table sur laquelle (re) tombera, à un moment ou à un autre, le lourd dossier de la révision de la loi de financement de 1989. Politic Twist, le blog politique décalé Forum: Qu’est-ce qu’être belge aujourd’hui?
Publié le 07-08-2010 à 04h15 - Mis à jour le 07-08-2010 à 10h54
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Voilà qui ne devrait pas laisser indifférents le préformateur Elio Di Rupo (PS) et tous ceux qui se retrouveront autour de la table des négociations pour la formation d’une majorité fédérale. Une table sur laquelle (re) tombera, à un moment ou à un autre, le lourd dossier de la révision de la loi de financement de 1989. Un groupe d’universitaires flamands et francophones, réunis sous la bannière "Re-Bel Initiative", vient, en effet, de mettre en ligne, ce jeudi, un "e-book" intitulé "Vers un financement des régions belges plus efficace et plus juste ?". (1) Dans celui-ci, est présentée une comparaison de travaux récents d’économistes des Facultés de Namur (Robert Deschamps,...) et de la KULeuven (Dirk Heremans,...), qui plaident tous deux pour une réforme de la loi de financement, estimant qu’elle constitue un obstacle à la bonne gouvernance. "Il n’y a pas si longtemps, écrivent, en anglais, Mathias Dewatripont (ULB) et Paul De Grauwe (KUL) dans l’introduction de ce livre, il aurait été très difficile pour des chercheurs flamands et francophones de converger sur la manière de réformer le système de financement des Régions et Communautés." Une manière de souligner l’importance de cette démarche.
La décentralisation de la Belgique, rappellent les deux universitaires, a mené à une situation où les Communautés et Régions gèrent aujourd’hui 25 % des dépenses totales de gouvernement (y compris la Sécu). Cette substantielle faculté de dépenser n’est cependant pas traduite par un aussi grand pouvoir de taxation, puisque la plupart des revenus des entités fédérées proviennent de transferts du gouvernement fédéral. Ce qui n’est pas sans avantage : cela empêche notamment la compétition fiscale entre Régions. "Mais un consensus croissant est apparu parmi les économistes pour dire que cette asymétrie est allée trop loin et qu’elle rend la bonne gouvernance difficile" , écrivent-ils.
Le raisonnement des chercheurs namurois et louvanistes est le suivant : dans le système actuel, c’est en fonction de l’inflation et de l’augmentation du produit intérieur brut (PIB) que les revenus des entités fédérées augmentent chaque année. Les efforts d’une Région pour développer l’activité économique régionale et, partant, la base d’imposition régionale, n’influencent donc pas directement les rentrées du gouvernement de cette Région. Les bénéfices de cette politique sont partagés entre les différentes entités, ce qui peut décourager les Régions d’introduire des réformes structurelles destinées à doper l’activité économique. Pire, si une Région réussit à développer son activité économique et augmente ainsi son revenu par habitant, les ressources qu’elle percevra en vertu du système de péréquation (ou de solidarité) diminueront. Au bout du compte, la bonne gouvernance régionale est donc pénalisée. Pour les deux équipes de chercheurs, cet argument suffit à lui seul à justifier un changement de la loi spéciale de 1989.
De surcroît, Flamands et francophones s’accordent sur la manière de réformer le système, via l’introduction d’un système d’impôt régional sur le revenu. Cela signifierait que la variation annuelle des rentrées régionales dépendrait de la variation de la base d’imposition régionale. Les efforts des autorités fédérées pour booster l’activité seraient récompensés par une augmentation des rentrées régionales. La fixation du taux d’imposition devrait, quant à elle, rester du ressort du Fédéral. Enfin, pour compenser les inégalités qui risqueraient d’être créées par ce nouveau système, il serait nécessaire de maintenir un mécanisme de solidarité en faveur des entités qui tomberaient sous un certain seuil de revenu par habitant. Cette compensation ne devrait toutefois pas déboucher sur un mécanisme pervers par lequel une Région qui augmente son revenu par habitant serait pénalisée par une baisse de rentrées.
Sur la manière d’organiser concrètement cette solidarité, des divergences apparaissent entre les équipes flamande et francophone, qui ne doivent cependant pas éclipser la belle unanimité scientifique en faveur d’une révision de la loi de financement.
(1) Disponible sur www.rethinkingbelgium.eu