"Même Moureaux n'a pas toujours été aussi loin" que Magnette
Les attaques fusent entre Paul Magnette et des ténors du MR. Comment interpréter une telle stratégie de communication? Est-ce porteur d'un point de vue électoral? LaLibre.be a interrogé Alain Raviart, spécialiste en communication politique.
Publié le 25-02-2013 à 13h48 - Mis à jour le 25-02-2013 à 15h47
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Ce jeudi, Paul Magnette n'y est pas allé par le dos de la cuillère. Dans une interview, il s'en est pris violemment au Mouvement réformateur, "ce parti sans valeur, sans idéal et qui défend les nantis", qu’il accuse de "dépenser sans compter pour faire des cadeaux fiscaux aux multinationales et aux riches", pendant que "la gauche assainit les finances". Évidemment, du côté libéral, les répliques ont fusé. Qualifié de "Che Guevara du pauvre" ou de "mangeur de caviar", le nouveau président du PS en prend pour son grade. LaLibre.be a interrogé Alain Raviart, spécialiste en communication politique.
Comment interprétez-vous une telle stratégie de communication?
C'est une technique bien connue où vous désignez ou critiquez un ennemi. Cette posture politique a, au moins, un double avantage : vous entrainez une situation où coexistent un gentil et un méchant, et le gentil est bien évidemment vous. Mais vous créez aussi une stratégie de la distraction: les caméras sont alors braquées sur un phénomène nouveau tout en faisant oublier d'autres paramètres.
Par exemple?
Dans ce cas, faire oublier que le PS et le MR gouvernent ensemble depuis 1999 au niveau fédéral. Le PS masque aussi certaines insuffisances, comme le fait qu'il n'arrive pas à imposer ses mesures au gouvernement fédéral qui est plutôt au "centre" voire au "centre droit". Le parti tente donc de désengager sa responsabilité puisque c'est le méchant qui est responsable.
Le MR n'a pas tardé à réagir. Didier Reynders, Denis Ducarme puis Charles Michel s'en sont pris au président du PS...
Le MR a réagi de la même manière, en ciblant le méchant PS. Et dans une certaine mesure, cela arrange Paul Magnette parce que, pour danser le tango, il vaut mieux être deux. C'est une vieille grosse ficelle de communication. Mais elle est agréable pour les téléspectateurs.
Finalement, peu importe qu'on parle de moi en bien ou en mal. L'essentiel, c'est qu'on parle de moi...
Il faut voir quels sont les objectifs. Si vous voulez rassembler votre matelas électoral, et dans ce cas-ci le peuple de gauche, c'est une bonne technique. Mais ici, en quoi cela peut apparaitre comme une bonne technique? En tant que Premier ministre, Elio Di Rupo tient un discours de rassemblement. Comme président du PS Paul Magnette doit donc s'en dissocier pour rassurer les électeurs de gauche. Mais aussi pour contrer l'éventuelle progression du PTB, du Mouvement de gauche, voire d'Ecolo.
Dans le cas présent, Paul Magnette critique ses anciens collègues du gouvernement, qu'il a quittés il y a à peine un mois. N'est-ce pas contradictoire et peu crédible?
Effectivement, il est dans la caricature. Même Philippe Moureaux n'a pas toujours été aussi loin. Mais avec une telle méthode, il réussit à se faire entendre, et pas qu'un peu. Il faut donc trouver le dosage pour émettre des critiques tout en restant crédible, et, dans ce cas, il est clair que Paul Magnette est vraiment sur un fil. Il suffirait d'un petit coup de vent pour qu'il perde l'équilibre.
Pensez-vous que ces attaques vont durer jusqu'aux élections de 2014?
Il y a fort à parier que ça continue jusqu'à la cacophonie. Et à ce moment, Paul Magnette apparaitra comme l'agresseur puisqu'il a commencé et que personne ne va oublier que la première attaque est venue de lui jeudi, jour de manifestation contre la politique d'austérité du gouvernement.