Gilkinet : "L'opposition du MR est caricaturale, voire dangereuse"
Le député fédéral Ecolo Georges Gilkinet est le fer de lance francophone de l’opposition au gouvernement Di Rupo. En tant qu' Invité du samedi de LaLibre.be, il détaille, non sans égratigner certains politiques, ses positions sur l'abdication, le budget, les coups pris par Ecolo, la campagne de 2014 et le risque de basculer dans l'opposition à tous les niveaux.
Publié le 25-07-2013 à 11h44
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Le député fédéral Ecolo Georges Gilkinet est le fer de lance francophone de l’opposition au gouvernement Di Rupo. En tant qu'Invité du samedi de LaLibre.be, il détaille, non sans égratigner certains politiques, ses positions sur l'abdication du roi, le budget, les coups pris par Ecolo, la campagne de 2014 et le risque de basculer dans l'opposition à tous les niveaux.
Êtes-vous surpris par l'abdication du roi ?
A la fois, elle était dans l'air du temps et, à la fois, elle est surprenante, parce qu'on n'en voit pas tous les jours, des abdications. Au niveau du timing, compte tenu des prochaines élections et de l'état de santé et de fatigue du Roi, c'était sans doute le bon créneau. Pour le nouveau souverain, le Roi Philippe, j'ai envie de croire que la fonction fera l'homme. Les débuts de mandat des rois Baudouin et Albert ne se sont pas faits sans poser de questions. Au final, ils se sont révélés être de bons souverains, avec leurs limites mais une utilité institutionnelle et une reconnaissance populaire évidentes, malgré quelques polémiques.
En fin de compte, Ecolo est républicain ou monarchiste ?
Cen'est pas aussi simple. Comme le Roi l'a dit dans son discours demercredi, la monarchie doit pouvoir évoluer, se moderniser. Nousattendons qu'elle soit représentative, exemplative, au-dessus de lamêlée, à sa juste place. Mais il est clair que dans le contexte dela Belgique - trois communautés, trois langues - il est importantd'avoir un chef de l'Etat qui joue un rôle de médiateur, detemporisateur. La caractéristique institutionnelle de la Belgiquerend la fonction particulièrement utile, sans qu'on soit monarchistepar conviction. Dans l’absolu, le modèle républicain seraitdiscutable, mais on ne vit pas dans l’absolu, on vit en Belgique !
Dans le budget bouclé par le fédéral ce dimanche, y a-t-il des mesures qui vous fâchent ?
Evidemment,parce qu'elles s'additionnent à d'autres mesures qui ont étéprises plus tôt dans la législature et qui font très mal aux plusfragiles. Après l’assurance-chômage et les pensions, on s'attaquecette fois à deux autres piliers de la sécurité sociale : lesallocations familiales et les soins de santé. On affaiblit ce quiest le premier filet contre la pauvreté et l’exclusion. Et dans lemême temps, on épargne largement ceux qui ont les épaules les pluslarges et les responsables de la crise : le secteur financier et lesspéculateurs !
Les libéraux flamands voulaient aller encore plus loin dans les coupes dans les allocations familiales. Finalement, on a limité la casse, non ?
Onpeut toujours faire la politique du pire. Ce que je retiens, ce sontles faits : l'agenda du gouvernement est un agenda néo-libéral,qui conduit à la régression sociale. Je constate que les libéraux,tant flamands que francophones, se réjouissent à chaque exercicebudgétaire que leur programme est en œuvre. Il y a vraiment unelogique de deux poids, deux mesures : les réformes du secteurfinancier sont toujours reportées, celles en matière socialedécidées et mises en œuvre.
La "fairness taxe" n'est pas suffisante ?
Onn'a pas fini d'en parler de cette taxe d’équité. C'esttypiquement une mesure qui va conduire à de l'ingénierie fiscale età des contournements. Quand on dit qu'elle va rapporter 350 millionsd'euros, c'est une hypothèse invérifiable, une vue de l'esprit. Cequ’il aurait fallu faire, c’est revoir fondamentalement lemécanisme des intérêts notionnels. Ce tabou sur le sujet, ça nousfâche. Il y a, dans le chef de la majorité fédérale, un manqued'audace, d'imagination et de projets pour préparer demain. Je suisinquiet de la faiblesse des marges dégagées pour des politiquesnouvelles.
Qu'aurait prôné Ecolo si vous aviez été autour de la table ?
Denombreuses mesures proposées par Ecolo auraient pu accompagner cetaccord en vue de la création des emplois de demain. Prenons troisexemples de mesures non coûteuses, audacieuses et qui peuventréorienter notre modèle économique. Tout d'abord, la révisionradicale du système des intérêts notionnels, qui conditionneraitces aides au maintien ou au développement de l'emploi. Ensuite, le Plan Tandem, qui vise à permettre aux travailleurs âgés detravailler à temps partiel sans perdre trop d'argent, tout enengageant des jeunes à mi-temps et qui bénéficient, eux, d'untutorat des plus âgés, et d’une première expérienceprofessionnelle. Et finalement, le Livret Vert : l'argent desBelges sur les comptes d'épargne n'est pas suffisamment investi dansl'économie réelle. Il faut obliger les banques à jouer davantageleur rôle de financement de l'économie réelle. Cettemajorité travaille trop peu sur les conditions de création ou departage de l'emploi. C'est dû à l'influence du dogme néolibéralet à la pression omniprésente de la Commission européenne.
Beaucoup disent qu'Ecolo risque de se retrouver dans l'opposition à tous les niveaux après 2014, d'autant que le MR vous en veut de l'avoir délaissé au niveau régional en 2009. Vous le craignez ?
Cen’est écrit nulle part. Nous avons un projet porteur que nouscontinuerons de mettre en œuvre, sans nous laisser démonter. Et nousserons disponibles pour poursuivre et accentuer cette action sil'arithmétique post-électorale le permet et si nous pouvonsnégocier de bons accords de gouvernement. Mais c'est clair qu'il y adans le chef des libéraux une attitude particulièrementrevancharde. Cela se ressent dans la tonalité de leur opposition.
Les sorties individuelles de Philippe Henry et Jean-Marc Nollet ont été vivement critiquées par les autres ministres wallons… Les Ecolo laissent donc une image médiocre de partenaires de majorité…
C’estvous qui le dites. Ces sorties s'appuyaient sur des éléments del'accord de majorité que nous avons signé à trois. On peut parcontre s'interroger dans le chef de certains députés de la majoritésur leur cohérence et leur loyauté à l'égard d'un partenaire.Cela dit, quand on est dans la majorité, on ne devient pas tout àcoup le même parti, on n'est pas marié à tout prix, on reste desconcurrents. Il peut y avoir des moments de tensions, comme il y a eudes tensions suite aux mesures d’interdiction ou de restriction decumuls, que nous avons obtenues, qui embêtent des élus des partistraditionnels. Donc on a pris des coups comme on en prend quand onest en majorité, mais on avance !
Mais vous en avez pris plus que les autres...
Ily a quelques mois, nous en avons sans doute pris beaucoup plus queles autres. Et il faut être à l’écoute des critiques. Mais nousavons décidé de garder la tête haute et de poursuivre sur notreligne de projets et de réformes, en nous appuyant sur un contrat quiest l'accord de majorité régional. Certains ont essayé de nousfaire sortir de la route mais nous n'en sommes pas sortis parce qu'onestime que les projets que nous sommes en train de mettre en œuvrevalent la peine et méritent d’être portés jusqu’au bout de lalégislature.
Les électeurs ont parfois des difficultés à positionner Ecolo sur l'échiquier politique. Vous en êtes conscient ?
Sur le plan socio-économique, très clairement, on est à gauche, c'est-à-dire pour une meilleure redistribution, davantage de justice sociale. Mais une gauche moderne, totalement indépendante de ceux qui voudraient s'arroger le concept de gauche mais aussi qui inclut les questions environnementales. C'est notre modernité, notre originalité.
Au Nord du pays, lors des élections de 2014, la N-VA risque d'écraser la concurrence. Pourra-t-on faire sans cette formation ?
LaN-VA ne m'empêche pas de dormir. Et ce serait une erreur de croireque le seul enjeu de 2014 sera de connaitre son score. Nous,écologistes, voulons suivre notre propre agenda. J'observe lesmembres N-VA au Parlement fédéral. Ils crient fort, ils ont peu desolutions. Ils sont obsédés par les questions communautaires etmisent tout là-dessus. Ils sont les chantres de l'austérité. Et onvoit les limites de leur système aujourd'hui à Anvers: désinvestissement du secteur associatif, surinvestissementdans le sécuritaire, remise en cause du lien social,... Lesélecteurs flamands identifieront-ils ces limites avant les élections? Il faut l’espérer. Mais ne soyons pas obsédés par ce parti.
Comme figure de l'opposition au fédéral, on a l'impression de peu vous entendre ou vous voir...
Noussommes partenaires de la réforme de l'Etat et nous sommes dans lesmajorités régionales, ce qui ne nous empêche pas d'être trèsdurs ou critiques sur ce qui se passe au fédéral. Nos interventionsà la Chambre le prouvent. Mais nous soutenons aussi les mesurespositives, c’est notre éthique. Ily a un autre phénomène, c'est qu'on a trois partis francophonesdans la majorité. C'est le bon, la brute et le truand et ilsinversent les rôles en fonction des dossiers. Il y a suffisammentd'animation, de catch au sein de la majorité fédérale pourmobiliser l’attention des médias. Quand la majorité se tapedessus, l'opposition compte les points. Mais je n'ai vraiment pasl'impression qu'on mène une opposition faible.
Pourtant, en Wallonie, Willy Borsus rue dans les brancards à la moindre occasion alors que le MR est partenaire du cdH et du PS au fédéral... !
Le MR mène une opposition qui me semble assez caricaturale, pas très juste, voire dangereuse. Quand je lis les discours de Willy Borsus sur la possibilité pour des personnes non belges d'accéder à des postes d'enseignants, je trouve qu'on est dans des excès vraiment inquiétants dans la ligne de ce parti. Je me dis qu'ils sont bien nerveux. L'opposition a un rôle important à jouer de surveillance des choix posés par la majorité, de ses lacunes, mais nous essayons de rester intellectuellement honnêtes et justes. Je ne ressens pas, dans la manière dont les libéraux fonctionnent, ce même souci de justesse d'analyse. Le MR a une capacité à tirer sur tout ce qui bouge, jusqu'à être dans l'outrance.
Venons-en à une question personnelle. Quelles seront vos ambitions lors des prochaines élections ? Vous suivez les affaires fédérales et parlez bien néerlandais. Vous visez un portefeuille au fédéral ?
AEcolo, l’ambition est collective, c’est ce que j’aime ! Jene suis pas Didier Reynders qui s'annonce candidat ministre-présidentbruxellois. Je serai candidat à continuer le travail passionnant aufédéral, comme député ou dans une autre fonction si lescirconstances sont favorables. Cependant, je ne place pas monambition personnelle au-dessus du reste. Et la question estprématurée. Mais merci de m'imaginer ministre fédéral (rires).
En France, la ministre PS de l'Ecologie, Delphine Batho, a été remerciée ce mardi. Elle avait critiqué le fait que son budget était réduit de 7%. Beaucoup considèrent que lorsqu'il faut faire des économies, c'est dans l'Ecologie qu'on sabre...
C'estune constante des partis traditionnels de considérer que lespolitiques environnementales peuvent être mises en œuvre une foisqu'on a fait tout le reste. En Belgique, de tout temps, la variabled'ajustement du gouvernement a été la SNCB : pour réaliserl’équilibre budgétaire, on sabrait dans ses investissements. Cesont des calculs de court terme, qui sont choquants. D'autant que lasolution pour créer de l’emploi et améliorer la vie de nosconcitoyens se trouve justement dans des politiquesenvironnementales, énergétiques ou de mobilité différentes.
Entretien : Jonas Legge