Magnette: "C'est le retour à Germinal"
Le PS s’inquiète du recours abusif aux travailleurs étrangers en Belgique. Son président présente une série de mesures à prendre.
Publié le 02-12-2013 à 05h38 - Mis à jour le 22-12-2013 à 09h34
Au détour des nombreux chantiers qui peuplent Bruxelles et les grandes villes wallonnes, on est parfois surpris d’entendre parler portugais ou polonais massivement. Rien d’illégal cependant, mais jusqu’à preuve du contraire bien évidemment.
L’Europe permet en effet aux travailleurs de l’Union de bénéficier d’un statut de travailleur détaché dans un autre pays de l’Union. L’entreprise qui les envoie n’a pas de siège social en Belgique, elle a obtenu directement ou indirectement (par sous-traitance) un marché public lui permettant d’envoyer ses travailleurs pour une période normalement limitée. Le principe des travailleurs détachés est particulièrement utilisé dans le secteur de la construction, mais également dans l’informatique, l’agroalimentaire, etc.
Si le gouvernement fédéral vient de s’accorder sur un plan visant à lutter contre le dumping social, c’est tout simplement parce que la directive européenne qui encadre ce type de procédé est parfois entachée d’un certain flou. "Elle est incomplète", explique le président du Parti socialiste, Paul Magnette, qui dénonce : "Rien n’est en effet prévu pour les travailleurs qui bénéficient d’un statut d’indépendant, aucun cadre commun organisant le contrôle n’existe, les cotisations sociales sont payées dans le pays d’origine des travailleurs ou encore certaines sociétés belges créent des filiales fictives à l’étranger pour pouvoir bénéficier du système. Au final cela crée une concurrence déloyale à l’égard des travailleurs résidant en Belgique et des entreprises."
On constatera d’ailleurs que si en 2007, 55 000 travailleurs détachés étaient actifs légalement en Belgique dans le secteur de la construction, ils étaient près de 173 000 en 2013. "Nous avons obtenu que soit utilisée la convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. Pour l’exemple, il y avait un cas aux Pays-Bas où des travailleurs étrangers étaient obligés de louer un logement de 900 € qui était directement défalqué de leur salaire; c’est le retour à ‘Germinal’", poursuit Magnette qui souhaite que le fédéral aille encore plus loin que l’accord intervenu jeudi.
La première mesure à prendre concerne la passation des marchés publics. "Il faut imposer l’annonce préalable des sous-traitants, limiter un seul niveau maximum de sous-traitance et refuser la sous-traitance en cascade qui fait qu’on ne sait plus vraiment qui est responsable du chantier. Il serait bien également d’étudier la faisabilité d’instaurer un système d’agrément." Paul Magnette en est bien conscient, ce n’est pas en agissant uniquement au niveau belge que l’on va résoudre l’ensemble des problèmes liés au dumping social des travailleurs. L’ensemble étant réglé par une directive européenne, c’est à ce niveau que les choses doivent être renégociées.
Les droits syndicaux. "Il est nécessaire que le respect des droits syndicaux soit repris dans la directive."
Limitation dans le temps. "Le détachement d’un travailleur doit être encore plus limité dans le temps et le dépaysement doit être justifié."
Les critères. "Nous voulons que soit adoptée une liste de critères cumulatifs qui détermine si un travailleur est détaché ou non. Je vise ici le lieu d’installation de l’entreprise, le lieu de recrutement par exemple."
Les conventions collectives. Actuellement, les entreprises qui détachent des travailleurs dans notre pays ne sont pas obligées d’appliquer intégralement les conventions collectives. "Et non uniquement les volets obligatoires de la législation nationale."
Les contrôles. "Il est nécessaire de donner aux Etats membres de l’Union des moyens pour réaliser des contrôles efficaces. Il s’agit encore de mettre en place une coordination des services européens d’inspection, assortie de sanctions réelles et dissuasives."
Le lieu de travail. "Nous voulons que soit établie une présomption que le lieu de travail habituel soit celui de l’Etat d’accueil, à charge pour l’entreprise d’apporter les preuves contraires."
Les cotisations sociales. "Imposons également que les charges sociales, bien que versées au pays d’origine, soient calculées au tarif du pays d’accueil sur base du salaire réellement perçu."