Bart De Wever informateur, stop ou encore ?
L’informateur doit présenter son rapport au Roi, ce mardi après-midi, sur les possibilités de majorité au fédéral. Ce rapport ne devrait pas être le dernier : Bart De Wever a intérêt à prolonger (un peu) sa mission même si on parle déjà d’échec. Analyse et entretien.
Publié le 02-06-2014 à 19h46 - Mis à jour le 03-06-2014 à 10h13
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L’informateur Bart De Wever doit remettre son rapport au roi Philippe, ce mardi, en début d’après-midi. On risque d’en parler… Pour rappel, ce document est le fruit d’une première phase de rencontres officielles au Sénat et de contacts informels noués ce week-end par le grand vainqueur des élections en Flandre.
En tant qu’informateur, le président de la N-VA a tâté le terrain auprès des présidents de partis francophones et néerlandophones afin de voir si une coalition incluant la N-VA est envisageable au fédéral. Une coalition de quel type ? Bart De Wever a déclaré à plusieurs reprises que son choix n°1 était de constituer une majorité qui serait idéologiquement cohérente (de centre-droit) et qui écarterait le PS.
Mais cela semble très difficile. En particulier car la N-VA va avoir du mal à trouver des partenaires du côté francophone. En effet, le MR et le CDH n’ont vraiment pas l’air très chauds pour un gouvernement fédéral avec les nationalistes flamands.
Au sujet du contenu du fameux rapport "De Wever" attendu ce mardi, le top de la N-VA se montre évidemment très peu loquace. Le contenu mis à part, plusieurs questions sensibles se posent à son sujet. Est-ce un simple rapport intermédiaire ou bien un rapport définitif ? De fins connaisseurs de la vie politique belge estiment qu’il s’agira probablement d’un rapport intermédiaire et que Bart De Wever continuera, au moins encore quelques jours, son travail d’informateur royal. Dans ce cas, le Roi ne pourra pas désigner ce mardi un formateur, c’est-à-dire celui qui sera chargé de négocier le carnet de route d’une majorité déjà bien définie.
Crédits photo : Belga
D’ailleurs, il est probable que "BDW" veuille lui-même poursuivre sa mission d’informateur.
Pourquoi ? S’il veut convaincre les libéraux et les humanistes francophones de le rejoindre dans un gouvernement, il va falloir du temps et des concessions très importantes, de lourds pourparlers. Le MR et le CDH savent que s’ils cèdent aux sirènes N-VA pour le pouvoir fédéral, ils risquent de le payer très cher aux prochaines élections. Ils seront bombardés par les autres partis francophones car ils auront cédé aux nationalistes flamands. Cela pourrait se payer cash...
Ne pas humilier la N-VA
Ensuite, au-delà des (in-)compatibilités d’humeur et des (im-)possibilités d’alliance, Bart De Wever doit aussi donner le change en termes d’image politique. Remettre dès à présent un rapport définitif qui conclut à l’échec de sa mission royale, ce ne serait tout simplement pas très sérieux… Depuis des mois, le président de la N-VA tente au contraire de montrer que son parti est un partenaire crédible.
Il faut donc qu’il donne l’impression d’avoir tout tenté avant de constater qu’il est impossible de s’entendre avec les francophones au fédéral, que la N-VA doit sortir des négociations, qu’un autre informateur doit être nommé au sein des partis dits "traditionnels" (CD&V, Open VLD, SP.A, PS, MR et CDH).
A ce sujet, les autres formations ne sont pas spécialement pressées non plus de voir le bourgmestre d’Anvers jeter l’éponge. En effet, il y a un mot d’ordre : ne pas laisser les électeurs N-VA penser que les partis (surtout les francophones) ne tiennent pas compte de leur choix et ne considèrent par un gouvernement Bart Ier comme une alternative crédible à un Di Rupo II ou à un Peeters Ier… Laisser penser que les dés du fédéral sont pipés serait une humiliation inutile qui profiterait aux nationalistes.
"Pour être au fédéral, il devra se mettre à plat ventre"
Le CD&V est le parti qui fera les prochaines coalitions. Il est à la fois l’arbitre et le sélectionneur. Il peut se tourner vers la N-VA et tenter de forcer "une coalition des droites". Ou, au contraire, décider de la reconduction de la tripartite classique. Vers où son cœur et son esprit balancent-ils ? Nous avons interrogé l’ancien Premier ministre belge Mark Eyskens - quand le CD&V était encore le CVP - la veille du premier rapport au Roi de l’informateur Bart De Wever. Son opinion ? La N-VA est difficilement contournable au Parlement flamand, mais aura en revanche du mal à entrer dans le gouvernement fédéral.
Crédits photo: Christophe Bortels
Quelle coalition voyez-vous se dessiner ?
Etant donné le résultat des élections en Flandre, j’imagine qu’au niveau du gouvernement flamand, la N-VA est incontournable…
Même si les trois partis traditionnels possèdent une majorité ?
Oui. Cela me paraît difficile de contourner la N-VA au niveau flamand. Le problème se pose au niveau du gouvernement fédéral. En Flandre, beaucoup voudraient aussi voir la N-VA au fédéral. Mais cela dépendra entièrement de Bart De Wever.
Que doit-il faire ?
Monsieur De Wever devra faire des concessions importantes. Pour le dire très crûment, il devra se mettre à plat ventre. Les autres partis exigeront qu’il renonce à son dogme séparatiste. Deuxièmement, ils demanderont qu’il mette son concept confédéral au frigo pendant 5 ans. Troisièmement, Monsieur De Wever devra montrer qu’il est capable de mettre en place un fédéralisme de coopération et pas un fédéralisme de combat. Et sur le plan économique et social, il devra aussi faire d’énormes concessions. Il devra abandonner son idée de limiter le chômage à deux ans, de désindexer les salaires, il devra revoir la réforme fiscale que son parti propose et qui favorise quand même les plus nantis. Et puis, humiliation suprême, il devra accepter de siéger au gouvernement fédéral avec le PS.
Vous pensez donc qu’on ne peut pas avoir de gouvernement fédéral sans le PS ?
C’est évident. Et c’est bien une partie du problème de Bart De Wever. Pendant la campagne, il a présenté le PS comme une sorte de Frankenstein... Les concessions de la N-VA devront donc être énormes pour participer à un gouvernement fédéral. Or les statuts du parti prévoient que cette participation doit être acceptée par deux tiers des membres. Ce sera pour lui une gymnastique très compliquée.
Vous avez dit, au soir des élections, que pour entrer dans les majorités, la N-VA devra accepter de mettre en œuvre la sixième réforme de l’Etat qu’il a combattue sous la précédente législature…
La sixième réforme de l’Etat doit maintenant être exécutée. Cela a des conséquences importantes pour les Régions qui vont avoir de nouvelles compétences sans tous les moyens qui y étaient affectés. Tout cela devra être exécuté dans la loyauté avec le fédéral et les autres régions. Il y a un autre dossier qui est très important pour le CD&V et dont la N-VA devra tenir compte, c’est le dossier des coopérateurs d’Arco/Dexia. De Wever a traîné l’ACW dans la boue pendant 2 ans. S’il veut aller dans une majorité avec le CD&V, il devra collaborer à une solution dans ce dossier.
Ce mardi, l’informateur Bart De Wever remet son premier rapport. Compte tenu des difficultés que vous avez identifiées, que préconisez-vous pour la suite ?
Les partis traditionnels doivent donner une chance à Monsieur De Wever. Ils doivent l’inviter à commencer des négociations. Et l’obliger à mettre sur papier un programme gouvernemental, noir sur blanc, pour le fédéral et pour le niveau flamand. On verra alors ce qu’il mettra dedans, quelles concessions il est prêt à faire.
Peut-on imaginer la N-VA dans la majorité flamande et dans l’opposition au fédéral ? Ne serait-ce pas un facteur d’instabilité pour le pays ?
C’est la situation d’avant les élections. Sous la précédente législature, il y a bien eu quelques frictions entre les deux niveaux de pouvoir, mais rien de dramatique. Le CD&V se trouvera dans les deux. Il sera le trait d’union.
C’est le CD&V qui a les clés des prochaines coalitions ?
Pas toutes les clés. Au niveau fédéral, nous ne serons pas les seuls à dire si on fait un gouvernement avec la N-VA ou pas. Mais Bart De Wever pourrait proposer la présidence du gouvernement flamand au CD&V qui, en échange, promet de réduire le prix du ticket d’entrée dans une coalition fédérale pour la N-VA. Mais cela risque d’être difficilement vendable aux autres partis. Même du côté flamand. Je ne crois pas que l’Open VLD est prêt à faire des cadeaux à la N-VA.
Le CD&V pourrait aussi revendiquer le poste de Premier ministre, non ?
En effet. Mais il sera difficile d’obtenir la présidence du gouvernement flamand et le poste de Premier ministre au fédéral. Les deux, c’est un peu trop.
Le PS continue son premier tour de piste
Wallonie. Les présidents du PS Elio Di Rupo et Paul Magnette ont à nouveau reçu hier pour le prochain gouvernement wallon et pour celui de la Fédération Wallonie-Bruxelles. A ce sujet, malgré la lourde défaite électorale d’Ecolo, la coprésidente Emily Hoyos a fait savoir que son parti reste disponible pour entrer dans une majorité, même si le scénario de l’opposition est probable. Quant au FDF, également reçu hier par le duo PS, le président Olivier Maingain a estimé à l’issue de l’entrevue qu’il fallait que Bruxelles soit à l’avenir plus présent au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles (anciennement : Communauté française).
Bruxelles. De son côté, la présidente de la fédération bruxelloise du PS, Laurette Onkelinx, a poursuivi le premier tour d’échanges pour la formation du prochain gouvernement bruxellois en recevant les présidents du CDH et d’Ecolo (Emily Hoyos a tenu le même discours que devant Di Rupo et Magnette) avant les leaders du PTB. Laurette Onkelinx devrait s’atteler à la rédaction d’un rapport vendredi prochain, après avoir planché sur le cadre budgétaire de la Région et avoir reçu les interlocuteurs sociaux.