Des ministres sulfureux, on en a vu dans d’autres pays
Jérôme Jamin est professeur de science politique à l’Université de Liège (ULg). Il recense quelques cas très interpellants de participation au pouvoir. Entretien.
Publié le 16-10-2014 à 11h13 - Mis à jour le 16-10-2014 à 11h55
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Jérôme Jamin est professeur de science politique à l’Université de Liège (ULg). Il recense quelques cas très interpellants de participation au pouvoir.
Le président du FDF, Olivier Maingain, a déclaré que si M. Jambon avait sollicité la fonction de commissaire européen, il n’aurait pas tenu cinq minutes lors de son audition devant le Parlement européen en raison de ses déclarations sur la collaboration…
C’est possible. Quiconque postule à la présidence de la Commission européenne ou à une charge de commissaire est soumis à un contrôle beaucoup plus poussé que s’il voulait entrer dans l’exécutif d’un Etat. Faire carrière à ce niveau en ayant fait un jour des déclarations douteuses, comme l’éloge du fascisme ou une minimisation des faits liés au nazisme, risquerait d’être extrêmement handicapant.
On a entendu d’autres responsables politiques affirmer que jamais des personnalités comme Jan Jambon ou Theo Francken n’auraient pu faire partie d’un gouvernement dans un pays voisin. Est-ce bien le cas ?
Des exemples récents montrent que non. Je peux vous en citer au moins trois qui montrent que des individus ayant tenu des propos ambigus voire carrément sulfureux, bien plus sulfureux que ceux que l’on attribue à certains membres de la N-VA, ont été au pouvoir. Prenons le cas des gouvernements Berlusconi. Le président du Conseil italien a siégé pendant près de quinze ans avec, à ses côtés, dans sa coalition, un parti comme la Ligue du Nord, dont des représentants, à commencer par Umberto Bossi, n’ont pas seulement tenu des propos islamophobes (cela, c’est plutôt dans un passé récent) mais ont aussi, dans les années 1990 et au début des années 2000, utilisé un discours ambigu sur l’Italie de l’entre-deux-guerres, les Juifs, la responsabilité de l’Italie dans le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale.
On peut aussi évoquer Jörg Haider, gouverneur de Carinthie et président du Parti autrichien de la liberté, qui a fait partie, aux côtés du parti conservateur, d’une coalition qui a dirigé l’Autriche en 1999. Cet homme n’a jamais hésité à exalter le courage des anciens SS, qui, disait-il en substance, ont tenu bon malgré la diabolisation dont ils étaient l’objet. Il avait même été demandé à l’époque que Haider condamne ouvertement le nazisme, ce qui en dit long sur ce que l’on pensait de l’individu et de son parti.
Et je pourrais également citer le cas de l’Union démocratique du Centre, parti suisse d’extrême droite, au discours très dur à l’égard de l’islam et de l’immigration, dont un membre siège au Conseil fédéral, l’exécutif national.
Compareriez-vous la N-VA à toutes ces formations ?
Non. Il y a au sein de la N-VA des personnes qui ont une position ambiguë à l’égard du passé trouble de la collaboration et qui suscitent naturellement des inquiétudes, mais il ne faut pas faire de généralisation. Ce parti comprend des gens issus de toutes les tendances politiques. Ce qui les rassemble, c’est le projet nationaliste et la place du mérite qui structure le programme de la N-VA.
Depuis la Chine, M. De Wever a parlé de foutaises francophones en évoquant les réactions dans le sud du pays. Que faut-il en penser ?
C’est du calcul politique. Il accuse certains francophones d’instrumentaliser un problème connu et ancien pour s’attaquer au nouveau gouvernement. Je ne crois pas qu’il veuille dire que le fascisme ou la collaboration soient des foutaises. Il veut dire : l’opposition francophone, le PS qui digère mal ce qui se passe, le PTB qui se positionne comme le représentant de la vraie gauche, essaie de nous diaboliser en ressortant de vieilles histoires pour nous abîmer.