Flahaut : "Ce n'est pas le PS qui a fait mousser les choses"
Outre ministre du Budget de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le socialiste se présente comme "observateur de la vie politique", dont il scrute les détails et la symbolique. L'ancien président de la Chambre s'exprime notamment sur l'opposition menée par le PS, les exigences du gouvernement et du patronat, mais aussi sur l'influence de Sigfried Bracke (N-VA). André Flahaut est l'Invité du samedi de LaLibre.be.
- Publié le 12-11-2014 à 20h05
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Outre ministre du Budget de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), André Flahaut se présente comme "observateur de la vie politique", dont il scrute les détails et la symbolique. Les "absences troublantes" des ministres de l'Intérieur et de la Défense, tous deux N-VA, lors des commémorations marquant le centenaire de la bataille de l'Yser, font partie de ces éléments auxquels "il faut être attentif", affirme le socialiste. L'ancien président de la Chambre s'exprime notamment sur l'opposition menée par le PS, les exigences du gouvernement et du patronat, mais aussi sur l'influence de Sigfried Bracke (N-VA). André Flahaut est l'Invité du samedi de LaLibre.be.
Le but d'une manifestation comme celle de jeudi, c'est que le gouvernement modifie certaines mesures ?
Les gens ont exprimé leurs peurs et ils savaient de quoi ils parlaient. D'ailleurs, les manifestants n'étaient pas forcément membres d'un syndicat. Chaque jour, un segment de la société civile découvre l'impact que pourront avoir les mesures. Jusqu'à présent, il n'y a aucun signal donné par le gouvernement pour rassurer la population...
Vous allez pousser ces manifestants à poursuivre leurs actions jusqu'à ce que le gouvernement fléchisse ?
Il va maintenant y avoir une répétition des grèves dans différentes régions pour arriver à la grande grève nationale. D'ici là, il faut espérer que le gouvernement va se ressaisir et constater qu'il doit revoir ses chiffres. Certains ministres devraient d'ailleurs revoir les leurs et ils devraient accorder leurs violons. Charles Michel a promis une concertation sociale donc soit on aboutit à un accord soit on conclut à un désaccord. Mais il ne doit pas simplement écouter et se dire "cause toujours tu m'intéresses" ou "t'as peut-être des problèmes mais moi j'ai mes objectifs".
Vous estimez qu'il existe du mépris à l'égard des travailleurs ?
Il y a une certaine forme de brutalité dans le discours politique du gouvernement, ou de certains membres du gouvernement. Mais aussi du mépris venant d'une part du patronat. Quand le patron du Voka dit que "350 euros d’économies par personne et par année, cela ne représente même pas une bière par jour", c'est une insulte. Manifestement, ces gens ne vivent pas dans le même monde que nous. Ils ont perdu le sens du réalisme et ne jurent que par les chiffres.
Récemment, le PS était, lui aussi, à la tête d'un gouvernement de rigueur. Et des critiques similaires, sur les citoyens qui trinquent, vous étaient adressées...
Le PS a pris ses responsabilités en 2011 mais il l'a fait de manière respectueuse à l'égard des interlocuteurs sociaux. Aujourd'hui, on a l'impression que le gouvernement n'a qu'une oreille, qui ne perçoit que les chiffres. L'autre oreille est sourde par rapport à ce que vit la grosse majorité de la population. Même certains membres du gouvernement estiment qu'il sera difficile de gérer leur département avec les contraintes actuelles.
Le PS a été aux affaires fédérales durant 25 ans. Il a donc une responsabilité dans la rigueur qui s'abat aujourd'hui... Votre parti avait-il sa place dans la manifestation ?
Pourquoi n'aurait-il pas sa place ? Je ne vois pas pourquoi on reproche au PS d'être dans cette manifestation alors que le PS a été rejeté dans l'opposition. Lorsque nous étions au pouvoir, il y a eu des moments de tension, mais la relation avec les organisations syndicales a toujours été maintenue... Si on n'a pas purement et simplement coupé les allocations de chômage dans le temps, c'est parce que nous étions là ! Et parce que nous ne voulions pas faire ce que d'autres autour de la table auraient souhaité. Et qu'ils risquent de faire maintenant de façon brutale...
Kris Peeters affirme que ces mesures doivent être prises en vue de réduire le handicap salarial belge par rapport aux pays voisins...
Les mêmes partis disent cela depuis des années. Notre système d'indexation est une obsession dans le chef des partis de droite. Ils veulent le mettre à mal. C'est très facile de se comparer à l'Allemagne qui écrase ses travailleurs. Pour une question de chiffres et d'austérité, peut-on à ce point maltraiter sa population ? Il va falloir revenir à un point d'équilibre et entendre le ras-le-bol.
L'une des mesures qui font mal décidées par le fédéral doit arranger le ministre du Budget que vous êtes : le saut d'index. Il engendre des économies...
Le budget tel qu'il est établi ne tient pas compte du saut d'index. Dans l'état actuel des choses, la mesure n'a pas encore été prise. En outre, le ralentissement de l'inflation fait que l'indexation normale est en train de reculer de mois en mois pour 2015... Elle devait être fixée à février et a été reculée à avril 2015. Mais nous restons favorables au maintien de ce système d'indexation.
Des économies doivent aussi être entreprises au sud du pays. Les fonctionnaires et mandataires ne vont-ils pas les subir ?
Les négociateurs ont établi une trajectoire sérieuse pour un retour à l'équilibre en 2018. Il y a une différence entre couper dans un budget et ralentir l'investissement. Au sud du pays, nous disons honnêtement aux gens que les années 2015 et 2016 vont être difficiles mais que 2017 ira mieux. On respecte les citoyens.
Revenons au niveau fédéral. Le PS y mène une opposition musclée dans la presse, sur les réseaux sociaux, en vidéos,... N'y a-t-il pas un relent populiste ?
Il n'y a certainement pas de populisme là-dedans. Cette sensibilisation vise à attirer l'attention de la population. Je suis désolé mais ce n'est pas le PS qui a été chercher les étudiants en médecine, les cheminots, les postiers. Ce n'est pas le PS qui a fait mousser les choses.

Laurette Onkelinx a tout de même semblé hystérique au Parlement.
Non, elle exprimait un sentiment de colère par rapport à une série de propos maladroits et de comportements inadaptés, notamment dans les nominations de la N-VA. Elle a exprimé avec vigueur le dégoût que provoquaient certaines attitudes. Nous allons mener une opposition structurée, argumentée pour montrer que beaucoup de choses ne tiennent pas la route.
Le cdH a invité les partis francophones à former un front pour discuter des mesures fédérales. Le PS est pour ou contre ?
Je ne suis pas président du parti donc ce n'est pas à moi à répondre.
Mais remettre maintenant des questions communautaires sur la table, comme le veut le cdH, c'est une bonne idée ?
Je ne sais pas. A la limite, j'entends dire que les socialistes sont la cause du problème communautaire... Mais j'ai vu cet appel du cdH et j'ai vu surtout qu'il faisait "pshiiit". J'ai aussi entendu la présidente du Sénat, Christine Defraigne (MR), dire que de toutes façons les questions communautaires allaient revenir à un moment. Je ne sais pas si c'est une bonne chose de les anticiper. Le tout, c'est d'éviter un déséquilibre dans les dossiers.
Qu'un politique N-VA, Steven Vandeput, soit à la tête de la Défense, est-ce un paradoxe ?
C'est clair que son parti a dans ses statuts la fin de la Belgique alors que, comme ministre de la Défense, sa préoccupation c'est l'intégrité du territoire... C'est peut-être un paradoxe. Tout dépend de la façon dont il va mener son travail.
Il a affirmé qu'il serait "ministre de tous les gens de la Défense, aussi des francophones".
Heureusement. On suivra avec attention la répartition des postes au sein de la Défense. La partie Défense de la déclaration gouvernementale contient beaucoup de zones d'ombre et laisse planer des inquiétudes pour la communauté militaire.
Vous avez pu voir les débuts d'un autre de vos successeurs, à la présidence de la Chambre cette fois. Que pensez-vous des premières semaines de Sigfried Bracke ?
Je suis étonné par le manque de réaction qu'il a eu. Patrick Dewael a même dû lui faire la leçon. Pourtant, il était déjà pressenti à ce poste en 2010, ce qui montre qu'il en avait vraiment envie. Il devait donc être préparé. D'autant que c'est un ex-parlementaire, mais aussi un ancien observateur médiatique averti puisqu'il était journaliste. Il savait très bien que cette rentrée parlementaire ne serait pas aisée. Pour ce genre d'événement, on prépare et on essaie de savoir d'où viendront les coups.

De son perchoir, Sigfried Bracke peut-il orienter la politique vers le confédéralisme, comme la N-VA le souhaite ?
Il a la gestion du calendrier et des séances. Ca a son importance... Ensuite, il préside une série de comités, notamment le comité P. Il peut donc exercer une certaine influence par l'exercice de ses fonctions, et dans la relation privilégiée qu'il a avec le Premier ministre et le gouvernement.
Vous allez être braqué sur Bracke pendant cette législature ?
Non, mais il est clair que je vais garder un regard aiguisé sur l'ensemble de la politique belge. Je ne voudrais pas que ce gouvernement fédéral foute en l'air tout ce que les gouvernements précédents ont mis en oeuvre.
Entretien : @JonasLegge