Opération anti-terroriste en Belgique: le timing fédéral est parfait
Ce vendredi matin, la majorité fédérale va très probablement adopter un premier paquet de mesures destinées à durcir l’arsenal légal antiterroriste, anti-jihadiste et anti-radicalisation
Publié le 15-01-2015 à 22h33 - Mis à jour le 16-01-2015 à 09h17
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Voilà en tout cas une séance du gouvernement fédéral qui tombe à pic. Le timing est même parfait. Jeudi soir, des interventions antiterroristes un peu partout en Belgique. Ce vendredi matin, la majorité fédérale va très probablement adopter un premier paquet de mesures destinées à durcir l’arsenal légal antiterroriste, anti-jihadiste et anti-radicalisation… Une réunion intercabinets a eu lieu jeudi après-midi sur la question et plusieurs accords ont déjà été engrangés, confie une source fédérale. Et ce, avant même que l’on apprenne l’étendue des interventions des forces spéciales de police contre les milieux jihadistes et islamistes.
Arsenal de mesures
Les mesures qui devraient être validées aujourd’hui sont connues : l’accélération des décisions de mises sur écoute de suspects, les militaires utilisés pour des missions dévolues à la police, la lutte contre le radicalisme dans les prisons, le gel des avoirs des personnes finançant le terrorisme, l’extension des possibilités de déchéance de la nationalité, la possibilité pour les Affaires étrangères de retirer ou de refuser de délivrer des passeports, intégrer dans le Code pénal une nouvelle infraction relative aux déplacements à l’étranger à des fins terroristes, la surveillance des "returnees" (les combattants revenus sur le territoire belge), etc.
Pourtant, sur ces questions relatives à la sécurité, l’unanimité n’est pas garantie au sein du gouvernement Michel. Au sein de l’équipe "suédoise", en effet, le CD&V fait (comme d’habitude) de la résistance. Les démocrates-chrétiens flamands ont un problème de principe sur l’importance que le package de mesures en discussion laisse au volet répression par rapport au volet prévention. En gros, à nouveau, le CD&V abat la carte d’une formation politique qui a une sensibilité de gauche dans un gouvernement de centre-droit.
Le CD&V est récalcitrant
Selon nos informations, à ce stade, le CD&V coince particulièrement sur les propositions du ministre de l’Intérieur, Jan Jambon (N-VA), au sujet du recours à l’armée dans certaines circonstances à la place des forces de police. "On est récalcitrant car on rentre trop dans un discours sur la répression, explique une source gouvernementale CD&V. On ne va pas résoudre la radicalisation en appliquant des mesures répressives. Le CD&V veut bien sûr protéger la population et éviter des scénarios comme celui de "Charlie Hebdo". Mais il faut aussi se rendre compte que le risque zéro n’existe pas et que ce n’est pas parce qu’on met des militaires dans la rue qu’on empêchera systématiquement des gens qui veulent de toute façon mourir pour leur cause de faire des victimes. On n’est pas contre le principe de mettre des militaires dans les rues, de leur faire accomplir des tâches policières, mais il faut que cela soit vraiment lorsqu’il y a une menace terroriste très élevée."
Tensions possibles ce vendredi
Toutefois, les opérations antiterroristes coordonnées hier soir mettent une pression sur le CD&V. Ses ministres au fédéral se rendent bien compte que leur discours axé sur la prévention va avoir plus de mal à passer dans le contexte actuel. "On ne veut pas se réveiller un matin dans un Etat-policier ou dans un Etat-totalitaire. Si les gens d’origine allochtone se sentent exclus de la société, on crée une terre fertile pour la radicalisation, nous explique-t-on chez les démocrates-chrétiens. La société a aussi la responsabilité dans ce phénomène. C’est un discours qui peut sembler fort à gauche mais c’est le point de vue du CD&V. On risque d’en reparler ce vendredi matin en gouvernement…"
Le MR aussi dans la prévention
Le CD&V est-il seul dans le dossier "sécurité" ? Non, il semble que l’axe MR-CD&V relancé récemment vit toujours. En effet, le vice-Premier MR, Didier Reynders, s’est lancé dans un plaidoyer en faveur de la prévention jeudi soir lors des vœux des libéraux à Bruxelles. "Il y a un énorme travail de prévention à faire pour éviter la radicalisation, en prison ou à l’école", a déclaré Didier Reynders. Après avoir repris des accents plus "sociaux", le MR veille décidément à ne pas paraître trop à la droite de l’échiquier politique.
Quoi qu’il en soit, la majorité fédérale devrait profiter globalement de la manière dont la Belgique a réagi très rapidement à la menace terroriste sur son territoire. Pour rappel, c’est le Premier ministre lui-même qui avait tout récemment demandé à son équipe de hâter le travail sur les nouvelles mesures antiterroristes.