La Chambre auditionne des philosophes sur les valeurs fondamentales de la société
Le philosophe Guido Vanheeswijck, qui enseigne à l'Université d'Anvers (UA), a notamment évoqué l'idée d'une inscription dans le préambule de la Constitution des concepts de respect, de solidarité et de fraternité.
Publié le 09-03-2016 à 19h15 - Mis à jour le 09-03-2016 à 19h16
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La commission de révision de la Constitution et de la réforme des institutions de la Chambre a auditionné, mercredi, des philosophes issus des universités du pays dans le cadre de ses travaux sur le caractère de l'État et les valeurs fondamentales de notre société. Les différents exposés ont longuement abordé l'opportunité d'inscrire la laïcité dans la norme juridique suprême de la Belgique.
Le philosophe Guido Vanheeswijck, qui enseigne à l'Université d'Anvers (UA), a notamment évoqué l'idée d'une inscription dans le préambule de la Constitution des concepts de respect, de solidarité et de fraternité. Il a également estimé que ce débat était particulièrement important et qu'il faudrait bien plus que deux mois, le délai prévu par la commission, pour le mener.
Le professeur Guy Haarscher (ex-ULB) a pour sa part souligné qu'il convenait avant toute chose de définir le concept de laïcité, qui n'est pas perçu de la même manière en Belgique et en France, ou encore dans les pays anglo-saxons, et qui peut de surcroît être instrumentalisé. Il a aussi insisté sur la nécessité de s'interroger sur le moment auquel ce débat sur l'introduction de ce concept dans la Constitution est mené. "A quel problème sommes-nous confrontés ? Pourquoi à un certain moment, cette question devient-elle pressante", s'est demandé le philosophe.
Interrogé par la députée Laurette Onkelinx (PS) sur la manière dont on peut utiliser l'outil constitutionnel, notamment contre le fondamentalisme, M. Haarscher a estimé qu'il y avait "matière à inscrire dans la Constitution belge le primat de la loi civile sur la loi religieuse". Selon lui, la notion de liberté de conscience qui figure dans le texte est trop large et trop floue. Le philosophe a aussi suggéré qu'il était possible d'aller plus loin, en réaffirmant par exemple l'impartialité de l'Etat et des pouvoirs publics.
Les deux académiques ont par ailleurs souligné que la Constitution n'était pas le seul instrument pour lutter contre certains défis, entre autres sur le plan religieux, auxquels est confrontée la société. "Je pense qu'élargir la Constitution en y ajoutant des termes est possible, mais ce serait un leurre de penser que cela résoudra tous les problèmes", a déclaré M. Vanheeswijck.
Etienne Vermeersch (ex-UGent) a proposé, tout comme Guido Vanheeswijck, d'utiliser le préambule du texte constitutionnel pour apporter des précisions. Le philosophe brugeois a notamment suggéré d'y inscrire le terme de laïcité. Il a par ailleurs proposé d'adjoindre dans chaque article faisant référence aux cultes la mention "ou philosophies".
Le professeur Jean Leclercq (UCL) a pour sa part expliqué qu'il n'était pas enclin à considérer la laïcité comme une valeur, mais plutôt comme un principe à portée normative. "Un Etat doit être le garant que ses services seront donnés de manière égale à tous ses citoyens. Je pense la laïcité comme une sorte de catégorie première, un principe supérieur en droit de figurer dans une Constitution", a-t-il expliqué. "Un mot n'est pas une formule magique, mais c'est ici une notion qui peut s'imposer comme une nécessité sociale."
Le député Francis Delpérée (cdH) s'est toutefois interrogé sur l'utilité d'inscrire ce concept dans la Constitution, en indiquant que bien que celui-ci soit repris depuis 1946 dans la norme juridique suprême française, aucune décision de la Cour constitutionnelle de la République n'y a jamais fait référence.