L’ombre du Kazakhgate s’éloigne de Didier Reynders
Le MR, faisant valoir des agissements purement politiques, est en train de refiler la patate chaude au CD&V.
- Publié le 11-05-2017 à 06h32
- Mis à jour le 11-05-2017 à 06h33
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En politique, le jeu du "zwarte piet" (valet puant) consiste à faire porter le chapeau d’un blocage à un parti autre que le sien. Dans le Kazakhgate, la commission d’enquête parlementaire cherche à savoir quelle formation avait intérêt à ce que la loi élargissant la transaction pénale soit votée en avril 2011. Selon la thèse de départ, il s’agit du MR et de son vice-Premier ministre Didier Reynders. Mais la réunion de mercredi a permis aux libéraux d’écarter une partie des soupçons et de refiler le "zwarte piet" au CD&V.
Dans le Kazakhgate, la France aurait fait pression sur la Belgique pour que l’homme d’affaires Patokh Chodiev soit débarrassé de ses ennuis judiciaires chez nous. En 2011, le Parlement adoptait une loi élargissant la transaction pénale qui sera opportunément utilisée par M. Chodiev pour mettre fin aux poursuites qui pesaient contre lui.
La semaine dernière, Chris Delaere, un conseiller de l’ex-Premier ministre Yves Leterme (CD&V), indiquait que c’est le cabinet Reynders qui avait remis la transaction pénale élargie sur la table du gouvernement, le 31 janvier 2011, et avait politiquement lié ce dossier à celui sur la levée du secret bancaire. "Je l’assume totalement", a commenté mercredi Olivier Henin, à l’époque chef de cabinet du ministre Reynders. Comme expliqué mercredi dans "La Libre", le clan Reynders a fait valoir des éléments purement politiques et budgétaires pour justifier leur action. Sans aucun lien avec Chodiev ou le Kazakhgate.
"Je suis formel, a par ailleurs indiqué Emmanuel Degreve, collaborateur de l’ancien secrétaire d’Etat à la Lutte contre la fraude fiscale, Bernard Clerfayt (Défi), je n’ai jamais eu la moindre instruction de Didier Reynders ou de son cabinet" pour pousser la transaction.
Dès le 27 janvier, MR et Open VLD cosignaient une proposition de loi associant transaction pénale et secret bancaire. C’est la première fois que les deux sujets apparaissaient ensemble dans un texte. Mais Damien Thiéry, membre MR de la commission d’enquête et cosignataire du texte, a souligné que cette proposition avait un champ limité qui "n’aurait pas été applicable au cas Chodiev…" En 2011, c’est finalement un texte CD&V, censé balayer un spectre plus large, qui sera voté. Et utilisé par M. Chodiev.
L’influence des diamantaires
Le CD&V était en pointe sur la transaction. Avec, en toile de fond, l’influence prégnante des diamantaires, réputés proches du parti. Le texte, voté en 2011, existait ainsi depuis 2009 au cabinet de Carl Devlies, ex-secrétaire d’Etat à la Lutte contre la fraude. Patrick De Wolf, magistrat de liaison chez Devlies, avait eu un rôle actif dans l’élaboration de la loi. Surtout, l’intéressé fut aussi l’avocat général qui a signé… la transaction de M. Chodiev en juin 2011, alors qu’il avait été expressément demandé, à cette période-là, de ne pas conclure de transaction (pour des raisons juridiques techniques).
"Je n’ai strictement rien à me reprocher", s’est défendu mercredi M. De Wolf, pointant ne jamais avoir agi en ayant le cas Chodiev en arrière-pensée. On n’en saura pas plus pour le moment parce que son audition concernait uniquement le volet législatif de la loi. Le volet judiciaire, c’est-à-dire son application au cas Chodiev, fera l’objet d’une prochaine réunion. En attendant, il lève déjà un coin du voile : "Dire que ce n’est pas moi qui ai rédigé le réquisitoire" de la transaction de Patokh Chodiev, mais ses avocats, comme cela a été écrit dans la presse, "ça m’a profondément choqué".
Fontinoy : "Je ne me suis jamais occupé de ces affaires"
Jean-Claude Fontinoy, c’est un proche de Didier Reynders. Son nom apparaît dans des courriers de Jean-François Etienne des Rosaies, un émissaire de l’Elysée chargé de tirer Patokh Chodiev du pétrin judiciaire en Belgique. "Secret bancaire, transaction pénale, Kazakhgate, je ne me suis jamais occupé de ces affaires. J’ai appris tout cela dans les médias", a assuré M. Fontinoy, mercredi, devant la commission d’enquête parlementaire. Certes, il a rencontré à plusieurs reprises Jean-François Etienne des Rosaies. Mais "le premier contact date d’octobre 2013" et cela concernait des dossiers qui n’ont rien à voir avec le Kazakhgate : une demande d’anoblissement de l’homme d’affaires belge George Forrest - "M. des Rosaies connaît probablement mon nom grâce à M. Forrest", pense Jean-Claude Fontinoy - et une demande de reconnaissance diplomatique de l’Ordre de Malte par la Belgique.