Di Rupo, usure d’une marque
Publié le 23-08-2017 à 07h00 - Mis à jour le 23-08-2017 à 07h02
Le président Di Rupo est en difficulté en matière d’image. La "com" est pourtant la clé de ses succès passés.Rénovation. Subtil mariage de modernité et de tradition. Jeunisme. Musique et fêtes. Couleurs. Ce furent quelques-uns des ingrédients du succès de la communication politique initiée par Elio Di Rupo lorsqu’il est arrivé à la tête du Parti socialiste en 1999. L’importance de la "com" et des relations avec les médias, Elio Di Rupo a été l’un des premiers à la comprendre lorsqu’il s’est agi pour lui de se frotter aux cadors de son propre parti afin de conquérir la Ville de Mons. Ce goût pour le marketing politique associé à un sens inné du contact allait faire son succès durant toutes les années 1990. Une fois président, ce chimiste de formation allait pouvoir appliquer à plus grande échelle des techniques éprouvées et faire enfin sortir le PS de la naphtaline.
Le début des années 2000 fut marqué par la rénovation du siège du parti, au boulevard de l’Empereur, un changement de logo (et la disparition de la rose), l’arrivée d’une équipe jeune férue de nouvelles technologies qui allaient modeler une communication plus réfléchie que jamais et toujours imbriquée harmonieusement avec l’action politique du PS et de ses mandataires. Vidéos musicales, fêtes populaires rythmées à l’électro allaient bientôt redorer le blason du parti et attirer la jeunesse à lui. L’alchimie fut parfaite avec le sens politique particulièrement aiguisé d’un Elio Di Rupo qui a maintenu son parti à des sommets électoraux malgré le retour des scandales. Cette efficacité allait permettre au parti de se maintenir après les élections de 2009, puis de 2010.
Pas une question d’âge
Aujourd’hui, nombre d’observateurs se demandent un peu ce qui reste de cette belle machine à gagner, alors que le PS peine à se sortir de la gadoue des affaires. Une réalité s’impose à Elio Di Rupo : après presque 20 ans de présidence, il n’est plus en mesure d’incarner le renouveau. "Et ce n’est en rien une question d’âge", relève Nicolas Baygert, expert en communication. Enseignant à l’ULB, à Science Po Paris et à l’Ihecs, M. Baygert cite les figures de la gauche que sont Bernie Sanders aux USA, Jeremy Corbyn au Royaume-Uni ou encore Jean-Luc Mélenchon en France. Une brochette d’anciens "qui font un tabac". "Une rénovation, un changement, cela s’incarne. On ne peut pas se proclamer rénovateur du jour au lendemain après pratiquement deux décennies de présidence."
Pour Nicolas Baygert, la conversion du parti à l’écosocialisme préconisée par Elio Di Rupo dans son livre "Nouvelles conquêtes" pourrait relever de l’artifice. "Devenir écologiste, cela ne s’improvise pas, commente-t-il. On sent bien qu’Elio Di Rupo tente de reprendre le contrôle d’un récit qui lui a échappé. Il a perdu la maîtrise de la com et éprouve donc le besoin de revenir sur son propre parcours, de la baraque de Morlanwelz au sauvetage du pays." "Coincé entre Défi et le PTB, il doit aussi compter avec toutes ces interrogations sur son leadership et le fait qu’on parle tout le temps de Paul Magnette."
Et c’est toute la commode Di Rupo et du PS qui semble en pâtir. Sa vidéo annonçant son livre fut directement détournée de manière humoristique sur les réseaux sociaux, "sans parler du titre du livre réinterprété sarcastiquement ou de certains tweets qui firent même un bad buzz. L’opération ‘boost’ du capital sympathie fut donc relativement contre-productive", ajoute Nicolas Baygert.
Figure du sage
François Heinderyckx, professeur et doyen de la faculté de Lettres, traduction et communication à l’ULB, se montre moins sévère. "Je pense qu’en matière de communication, le PS a su résister à la tentation de l’escalade face au PTB dont la communication prend des formes simples et efficaces, explique-t-il. C’est un bon choix car cela aurait été contre-productif."
"En ce qui concerne Elio Di Rupo, j’observe depuis quelques mois une retenue qui me fait penser à l’époque où il était Premier ministre. Il sent qu’il est à la fin d’un parcours et cherche à se présenter comme quelqu’un qui prend de la hauteur, qui sait prendre du recul et faire montre de sagesse. Ceci peut être interprété comme une perte de contrôle ou une stratégie qui peut porter ses fruits."
L’électeur sera juge.