Quand Charles Michel prend les chiffres de l’emploi qui lui sont favorables

A.C.

Il y a les chiffres. Et ce qu’on leur fait dire. Mardi, devant la Chambre, le Premier ministre Charles Michel (MR) a loué l’action de son gouvernement en matière de créations d’emplois : "130 000 jobs en trois ans". Mais il ressort d’une analyse fouillée du PTB - vérifiée ligne par ligne et complétée par "La Libre" - que, pour appuyer son propos, le chef du gouvernement a mis en avant les statistiques qui lui étaient les plus favorables.

Les débats, mercredi à la Chambre sur la déclaration gouvernementale, ont souvent tourné autour de la présumée précarité des emplois créés. "Certains affirment qu’il s’agit d’emplois précaires. C’est faux, déclarait Charles Michel, la veille. L’emploi partiel n’a pas augmenté. Selon l’ONSS, ce sont très majoritairement des emplois à temps plein et dans le secteur privé qui ont amené ce résultat. Entre fin 2015 et fin 2016, le nombre d’emplois temps plein a augmenté de 60 941 unités !"

Vérifions cela dans le détail.

1 L’emploi partiel n’a pas augmenté ? Faux.

L’ONSS (Office national de sécurité sociale) publie des données trimestrielles sur l’emploi en Belgique. C’est en comparant l’évolution sur une année, entre les quatrièmes trimestres 2015 et 2016, que Charles Michel arrive à cette hausse de 61 000 unités (on arrondit).

Précisons qu’il s’agit là uniquement des créations d’emplois pour les salariés du secteur privé (pas le secteur public) et que le chiffre est exprimé en équivalents temps plein (ETP). Deux salariés travaillant à mi-temps, par exemple, valent un ETP.

Au départ de cette donnée, dire que "l’emploi partiel n’a pas augmenté" est inexact. Il y a eu 10 100 emplois à temps partiel supplémentaires en un an dans le privé, soit 16,6 % du total. Ou un nouvel emploi sur six.

Cela dit, les nouveaux emplois prestés à temps plein sont les plus nombreux (63,9 %). Le solde (19,3 %) - près d’un nouvel emploi salarié sur cinq - concerne les travailleurs saisonniers, intérimaires ou occasionnels.

Par ailleurs, si l’on tient compte aussi des créations d’emplois dans le secteur public, il y a eu un total de 63 800 nouveaux équivalents temps plein en Belgique durant la période de référence 2015-2016. Mais dans le public, on constate une diminution des emplois prestés à temps plein et une forte augmentation des "temps partiels". Il s’avère en fait, selon les chiffres de l’ONSS, que sur le total des 63 800 ETP, 53,5 % sont des emplois à temps partiel ou intérimaire.

"La majorité du volume d’emploi créé est donc de l’emploi précaire", en conclut dès lors le PTB. Cette affirmation est cependant contestable. Un emploi partiel ou intérimaire n’est pas, par définition, précaire. Le Premier ministre a d’ailleurs fait valoir, mercredi à la Chambre, que, selon le SPF Economie, on observe une explosion des 4/5e temps, ce qui correspond à un choix visant à mieux concilier vie professionnelle et vie privée. Charles Michel a aussi précisé que 90 % des emplois salariés sont des contrats à durée indéterminée.

2 L’emploi se crée surtout dans le privé ? Vrai.

Charles Michel a visiblement choisi des chiffres qui lui sont favorables. Les dernières données disponibles de l’ONSS sont celles du premier trimestre 2017. Si l’on compare le quatrième trimestre 2016 avec le premier trimestre 2017, on constate… une baisse de l’emploi en Belgique. Il y a eu 41 900 ETP en moins, uniquement dans le secteur privé !

Le gouvernement Michel a prêté serment le samedi 11 octobre 2014. Si l’on tire le bilan de son action (du dernier trimestre 2014 au premier trimestre 2017), on s’aperçoit qu’il y a quand même eu 59 400 ETP créés en Belgique, dont 53 600 dans le secteur privé. Le chef de l’exécutif a donc raison quand il affirme que les nouveaux emplois sont "très majoritairement […] dans le secteur privé". Les nouveaux emplois y sont des "temps plein" dans 55 % cas. Ce chiffre tombe à 25,7 % si on ajoute le secteur public.

3 Le taux d’emploi s’améliore ? Vrai, mais…

Le taux d’emploi ne dit rien de la qualité des jobs. Mais il a cet avantage de donner une vue très fiable sur le volume des travailleurs en Belgique. "Après une stagnation pendant 5 ans, le taux d’emploi repart enfin à la hausse (67,2 % à 67,7 %)", a soulevé le Premier ministre, mardi. C’est exact. Le taux d’emploi des 20-64 ans oscillait entre 67,2 et 67,3 % ces dernières années avant de remonter à 67,7 % en 2016. Un résultat encourageant pour le gouvernement, même s’il reste très en deçà du taux d’emploi dans l’Union européenne (71 %) et progresse également moins vite.

Finalement, pour avoir le bilan ferme et définitif, il faudra attendre 2018.

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