Défi est-il le camion-balai des autres partis ?
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Publié le 09-07-2018 à 06h44 - Mis à jour le 10-09-2018 à 16h33
Défi peut compter sur une série de transfuges issus d’autres partis pour confectionner ses listes en Wallonie. Cela lui vaut les critiques de ses adversaires politiques. Mais la formation d’Olivier Maingain défend sa stratégie. La pratique est très inhabituelle. Le 8 juin dernier, Défi a envoyé un communiqué de presse dans lequel il annonçait la visite de son président Olivier Maingain à Bastogne quatre jours plus tard. Cela fait des mois que le député-bourgmestre de Woluwe-Saint-Lambert parcourt la Wallonie où il espère que son parti percera lors des élections communales d’octobre. Le voir débarquer à Bastogne, dans le Luxembourg, n’a donc rien d’étonnant. Ce qui l’est, en revanche, c’est la teneur du communiqué.
"Défi n’a pas ménagé ses efforts […] pour défendre les intérêts des Luxembourgeois , y lit-on. Un engagement porté jusqu’au sein de la Chambre, où le très bruxellois Olivier Maingain s’est davantage mobilisé […] que le très luxembourgeois Benoît Lutgen (président du CDH et bourgmestre de Bastogne, NdlR) . Et, de Lutgen, il en sera justement question lors de ce déplacement puisqu’une rencontre inédite aura lieu entre le président de Défi et… Jean-Pierre Lutgen, le patron d’Ice-Watch et frère du président du CDH. Les deux hommes (ont comme point commun) les relations compliquées qu’ils entretiennent tous les deux avec Benoît Lutgen." Comprenez que le parti amarante a instrumentalisé à des fins politiques le conflit familial qui oppose les frères Lutgen.

C’est à la lueur de cette communication que l’on peut lire la charge lancée le 16 juin par le président humaniste. "Les candidats de M. Maingain (aux élections communales, NdlR) , on les connaît , disait-il dans "L’Echo". Ses têtes de liste sont passées au CDH, chez Ecolo, au MR […]. Ce n’est même plus du recyclage, je pense que M. Maingain est à la tête d’un camion-balai, toutes sirènes allumées, et il sillonne la Wallonie pour récupérer tous ceux dont les autres formations politiques ne veulent plus."
Borsus en remet une couche
Une semaine plus tard, le ministre-Président wallon, Willy Borsus (MR), en remettait une couche sur "La Première". "Je constate que Défi […] mobilise des gens qui à un moment ou l’autre sont déçus ou en rupture, ou qui n’ont pas obtenu tel positionnement dans leur parti. […] Dès que quelqu’un est déçu de sa place […], il téléphone à Défi et demain matin, il est tête de liste dans sa commune."
Au-delà de la violence des propos, MM. Lutgen et Borsus ont-ils raison ? Les transfuges vers Défi sont en effet nombreux, tant en Région bruxelloise qu’en Wallonie. A Bruxelles, cela participe à une épreuve de force assez classique entre partis à la veille d’élections locales. En Wallonie, en revanche, où Défi est quasi inexistant, c’est l’implantation locale du parti qui est en jeu et l’apport de candidats déjà connus peut être un atout. De là à dire qu’il est devenu le camion-balai des autres partis… ?
Jérémy Dodeigne, politologue à l’université de Namur, ne tranche pas la question. Selon lui, "on va assister à un jeu de communication. Défi va vouloir montrer qu’il accueille les déçus des autres partis qui se retrouvent dans son programme fort. A l’inverse, les autres partis vont présenter Défi comme étant un rassemblement de personnes frustrées de ne pas avoir obtenu une bonne place sur une autre liste électorale" . Cependant, "la dureté des mots utilisés par Benoît Lutgen ou Willy Borsus est sans doute une preuve que la stratégie de Défi commence à faire peur" .
Défi versus PTB Cette stratégie peut être comparée à celle du PTB, un autre parti qui cherche à se déployer localement. Les marxistes ont choisi de concentrer leurs forces sur un nombre limité de zones dans lesquelles ils ont toutes les chances de performer. "Le vivier électoral du PTB, en Wallonie, se situe principalement dans les anciens bassins industriels , commente Jérémy Dodeigne. Son discours radical séduit moins dans les milieux ruraux. Défi a, lui, un message plus transversal qui peut séduire partout." Il parie dès lors sur une stratégie plus expansionniste en essayant d’être présent dans un maximum de communes. Et la présence sur ses listes de personnalités connues peut s’avérer payante. Mais cela comporte aussi des risques.
"Les relations interpersonnelles jouent encore plus au niveau communal qu’au niveau régional ou national. En allant chercher les déçus des autres partis, il risque d’y avoir des blocages lorsqu’il s’agira de négocier un pacte de majorité et des exclusives pourraient être mises contre certaines personnes. Cela dit, les risques sont moins importants pour le parti que pour les individus , conclut M. Dodeigne. Au niveau de Défi dans son ensemble, ce qui compte, c’est d’être reconnu comme un parti francophone et plus uniquement bruxellois."
Le défi wallon
“La Libre” a recensé (décompte non exhaustif) une quinzaine de transfuges en faveur de Défi en Wallonie dans la perspective des élections communales d’octobre. Il faut y ajouter ceux en Région bruxelloise, où le parti amarante est déjà très bien implanté, contrairement au Sud du pays. Pointons aussi les personnes approchées sans succès par Défi, comme l’ex-MR Jean-Louis Claux à Tournai, à qui Olivier Maingain avait proposé la tête de liste (il est finalement allé au PS). Et puis, il y a les transfuges qui s’engageront à un autre niveau de pouvoir, tels que Luc Gaudier (ex-MR), à Estinnes, qui sera candidat aux provinciales d’octobre, ou Renaud Dusquesne (ex-MR), fils de l’ancien président du MR Antoine Duquesne, qui devrait être candidat Défi aux élections fédérales de 2019.

D'en haut à gauche jusqu'en bas à droite:
Marie Nagy
Ex-Ecolo, conseillère communale à la Ville de Bruxelles. Candidate Défi.
Philippe Kerbusch
Ex-MR, conseiller communal à Sambreville. Tête de liste Défi.
Daniel Schütz
Ex-PSC, ex-Ecolo, conseiller communal à Habay. Candidat Défi.
Renaud Garnier
Ex-président du MR d’Ath. Candidat Défi.
Pierre-Yves Dupuis
Ex-PS, conseiller communal à Namur. Tête de liste Défi.
Françoise Kinet
Ex-MR, conseillère communale à Namur. Candidate Défi.
Serge Demeure
Ex-MR, conseiller communal à Lasne. Candidat Défi.
Jean-Marie Fafchamps
Ex-CDH, conseiller communal à Pepinster. Candidat Défi.