Benoît Lutgen : "En Wallonie, Défi est le camion-balai des frustrés et des déçus"
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Publié le 02-09-2018 à 08h22 - Mis à jour le 10-09-2018 à 17h50
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Après avoir arpenté sur sa moto les paysages ardennais durant les vacances, Benoît Lutgen s’apprête à attaquer la très longue séquence électorale qui est en train de s’ouvrir. Première étape : les élections communales et provinciales du 14 octobre, avant le scrutin général de mai 2019. Le président du CDH fait sa rentrée politique dans "La Libre" et présente les priorités de son parti.
Un thème est en train d’émerger en Wallonie, celui de la fusion des communes. Y êtes-vous favorable ?
J’avais défendu la fusion entre le CPAS et la commune, mais ça n’a pas été possible avec le PS, notre ancien partenaire au gouvernement wallon. La fusion de territoires, c’est une autre histoire. Les communes n’ont pas besoin de fusionner pour avoir une série de services en commun. Il existe aussi des endroits pour que les communes travaillent ensemble, comme les collèges de police ou les zones de secours. Il y a une série de compétences communales qui sont déjà fusionnées.
Des fusions sont en train de se réaliser en Flandre. Pourquoi pas en Wallonie ?
La réalité flamande n’est pas la même en raison de la configuration du territoire, de la superficie moyenne des communes et de la densité de population. En Wallonie, les territoires communaux sont déjà grands. Si vous deviez avoir des fusions, on aurait des territoires avec une superficie extrêmement importante et une difficulté à apporter encore tous les services publics à tout le monde. Les fusions peuvent être volontaires, mais des fusions obligatoires, ça n’a aucun sens.
Et en Région bruxelloise, où le débat revient souvent ?
On a déjà annoncé qu’on est favorable à une réorganisation des communes. Joseph Michel, le père de la fusion des communes, m’a toujours dit : "J’ai réussi la fusion des communes en Wallonie et en Flandre, mais pas comme je l’aurais souhaité à Bruxelles." Pour la mobilité, par exemple, il faut pouvoir développer une vision commune au-delà des frontières communales. La mobilité doit être une compétence purement régionale.
Dans votre commune de Bastogne, votre frère Jean-Pierre Lutgen, patron des montres Ice-Watch, pourrait être candidat sur une liste concurrente à la vôtre. Votre réaction ?
Je n’ai jamais fait de commentaire sur lui. Je lui souhaite juste d’être heureux.
En juin, Défi avait envoyé un communiqué pour se vanter de son rapprochement avec votre frère et il stigmatisait "les relations compliquées" que vous avez avec lui…
Je laisse à Défi ses commentaires. La seule chose que je remarque, c’est que le représentant de Défi à Bastogne (Jean-Claude Crémer, NdlR) est l’un des mandataires les plus anciens de notre commune. Il était au MR, puis indépendant, maintenant chez Défi. Il a été échevin du Budget jusqu’en 2012. Durant son dernier mandat, il a rendu plus de 5 000 euros de frais personnels sur le compte des citoyens. Son successeur CDH, c’est zéro euro. Si c’est ça le renouveau de Défi en Wallonie…
Le parti marche sur les plates-bandes centristes du CDH. Craignez-vous son arrivée en Wallonie ?
Pas du tout. Quand je vois la composition des listes, je me dis que Défi est le camion-balai des frustrés et des déçus. Voyez la tête de liste pour l’élection provinciale dans l’arrondissement de Virton (Daniel Schutz, NdlR). C’est quelqu’un qui a été au CDH, chez Ecolo, indépendant, et maintenant chez Défi. J’ai la faiblesse de croire que ce sont des personnes qui ont des difficultés de cohérence dans leur parcours personnel. Dont acte.
Quel est l’objectif du CDH pour les communales ?
D’abord remettre de l’humanité dans nos communes à l’heure de la poussée des populismes et des extrémismes. On le voit en Hongrie, en Italie, en Allemagne, chez nous aussi avec une fragmentation de la société. La commune est un territoire où l’on peut apporter de la bienveillance et de l’humanité.
Et l’objectif sur le plan chiffré ?
On veut bien sûr rester la troisième force politique francophone (derrière le PS et le MR, NdlR).
Le CDH compte aujourd’hui 68 bourgmestres. L’élection sera réussie si vous conservez ce chiffre ?
Ça, on verra. Il y a aussi un objectif de renouvellement qui passe par les nouveaux candidats qui nous rejoignent. C’est très important puisque, en mai prochain, il y aura des élections européennes, régionales et fédérales. Ça va permettre de faire émerger de nouvelles personnalités issues de la société civile. L’enjeu, c’est surtout celui-là, plutôt que de savoir si on aura 62 ou 75 bourgmestres, même si c’est important aussi.
Quelles seront les lignes de force de votre parti en vue du scrutin local ?
La commune est un magnifique territoire pour rapprocher la population, pour faire en sorte que des projets puissent émerger entre les générations, entre des quartiers fort différents. On voit souvent dans la presse les chiffres sur les communes les plus ou les moins taxées. Tout cela, c’est important. Mais ce qu’on doit surtout mesurer, c’est la qualité de vie. Et à cet égard, si chaque commune a ses spécificités, il y a une série de propositions que nous allons défendre partout à Bruxelles et en Wallonie.
L’émergence dans les crèches, les écoles, les maisons de repos et les hôpitaux d’une alimentation saine, équitable et issue des produits locaux. Non seulement cela donne du sens à l’alimentation - c’est bon pour la santé et pour l’environnement -, mais c’est aussi et surtout un projet qui permet de rassembler des personnes (agriculteurs, enseignants, parents, enfants…) autour d’un projet. Autre exemple : le soutien indéfectible aux mouvements de jeunesse et au monde associatif. De nouveau, c’est une formidable école de vie. Un troisième exemple : que toutes nos communes soient le plus possible inclusives pour les personnes handicapées - personnes à mobilité réduite, malvoyants… -, ce qui montre que l’on vit dans une communauté de vie où chacun se sent respecté.

"La détermination pour faire aboutir l’ensemble du Pacte d’excellence est absolue"
Le ministre-Président wallon, Willy Borsus (MR), et le président du MR Olivier Chastel espèrent une reconduction en 2019 de la majorité wallonne actuelle MR-CDH. Est-ce aussi votre souhait ?
Je me réjouis des avancées de ces derniers mois : suppression de la télé-redevance, réforme des Tec, assurance autonomie… Ça va dans le sens d’une Wallonie qui avance, d’une fierté retrouvée. J’espère qu’on pourra continuer à travailler ensemble. Mais chaque chose en son temps. Les électeurs vont d’abord devoir s’exprimer. Il faut ensuite analyser la compatibilité des projets des uns et des autres. Et puis, on verra les coalitions.
Pensez-vous que l’assurance autonomie, un projet porté par votre parti, sera votée avant la fin de la législature ? Il semblerait que le MR ne soit pas très enthousiaste.
Elle est décidée au niveau du gouvernement. Je ne vois pas pourquoi elle ne se concrétiserait pas. J’ai entendu le ministre du Budget (Jean-Luc Crucke, MR, NdlR) vanter les bienfaits de l’assurance autonomie. Le but vise à laisser la liberté de choix à la personne âgée entre rester chez elle ou aller en maison de repos. Je ne peux pas m’imaginer que le Mouvement réformateur ne soit pas pour la liberté de choix des individus…
A la Fédération Wallonie-Bruxelles (majorité PS-CDH), il reste quelques gros dossiers à faire aboutir dans le cadre du Pacte pour un enseignement d’excellence (charge de travail et formation initiale des enseignants, statut du réseau officiel, rédaction des référentiels). Ont-ils encore une chance d’être votés alors qu’on sera en campagne permanente jusqu’aux élections de 2019 ?
La détermination pour faire aboutir l’ensemble du Pacte d’excellence est absolue. Je rappelle quand même que le Pacte, c’est des solutions concrètes qui sont déjà apportées dans nos écoles : près de mille personnes qui viennent en aide dans la maternelle, 20 millions d’euros par an minimum pour la création de classes et d’écoles… Le Pacte est déjà là. Concernant les chantiers en cours, la dynamique de l’ensemble des acteurs est très positive. Le train est lancé et on vient y accrocher les wagons les uns après les autres.
Mais est-ce que tous les chantiers vont atterrir ?
Ils doivent atterrir, mais on ne va pas se fixer d’agenda impossible à tenir.