"Le Belang, c’est comme le loup déguisé en chaperon rouge"
Il porte un prénom peu courant dans nos contrées. Un prénom d’origine gaélique-écossais signifiant "amoureux des chiens" et "sage".
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/223bb6d6-9e5e-4195-84c5-a0e810d98bf2.png)
Publié le 07-03-2020 à 13h06
:focal(1275x860:1285x850)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/WHB3LXG4HFFKZBNOL357I7TDLE.jpg)
À 26 ans, Conner Rousseau est devenu le plus jeune président de parti belge. Le nouveau wonderboy de la politique flamande se donne deux ans pour remettre le SP.A en ordre de marche. Il se dit prêt à débattre avec le Belang.
Il porte un prénom peu courant dans nos contrées. Un prénom d’origine gaélique-écossais signifiant "amoureux des chiens" et "sage" . Conner Rousseau s’est fait un nom en Flandre en six mois de temps, une performance. Son nom figurait pour la première fois sur une liste électorale du SP.A l’an dernier. Élu à 26 ans, le 26 mai 2019, au Parlement flamand avec 17 400 voix de préférences, le flamboyant " mateke" - en patois flamand, le mot signifie "petit camarade" - de Saint-Nicolas n’a pas manqué son entrée dans l’hémicycle. Le jeune homme a été élu alors que son parti, le SP.A, peinait à dépasser la barre des… 10 % des suffrages. Knock-out ou presque au lendemain du dernier scrutin, les socialistes flamands ont vite compris qu’il fallait renverser la vapeur tout de suite afin d’éviter l’évaporation totale. Pour survivre, il fallait remettre les compteurs à zéro et procéder à un aggiornamento .
Wonderboy ?
La course à la présidence s’est engagée dès le mois de septembre. La chance lui sourit. Début novembre, il annonçait lui-même sur Instagram son élection à la présidence du SP.A avec plus de 70 % des voix. Conner Rousseau devenait du même coup le plus jeune président de parti que la Belgique ait connu. Proclamé " Homme de l’année 2019" par le magazine Humo , le jeune député est alors à deux doigts de ravir la vedette à son rival en politique Tom Van Grieken, le président du Vlaams Belang, de 6 ans son aîné. Est-il pour autant le nouveau wonderboy du parti socialiste flamand propulsé au sommet d’un parti qui a perdu beaucoup de ses plumes ? Il est trop tôt pour le dire.
Cash !
Rousseau se méfie des coquilles vides marketing. Très à l’aise sur les médias sociaux et infiniment "instagramable" ( @kingconnah ), ce juriste formé à l’UGent aime sortir des sentiers battus pour marquer le coup : " Tant qu’il n’y a pas de nouveau gouvernement, je ne bois plus une goutte d’alcool", assure-t-il. Le show, c’est bien, mais il sait bien qu’on l’attend au tournant. Et donc il se méfie.
En ces temps incertains, mieux vaut créer du lien et être à l’écoute des gens - ce qu’il ne manque pas de faire. Il faut moderniser les contenus aussi. Récemment, il fit une quinzaine d’apparitions sur des marchés en Flandre. Pour aller à la rencontre des gens, face to face . Une initiative qui fit jaser certains : le SP.A se prépare-t-il à de nouvelles élections ? Mais sa fougue juvénile et son langage "très cash" continuent de marquer les esprits.
Avec ses inséparables sneakers blanches (c’est déjà sa deuxième paire…) et sa silhouette travaillée d’homme urbain, Conner Rousseau a les deux pieds dans son époque. La raison de son engagement en politique ? " Je veux faire bouger les choses. Depuis des années, je donne un peu de mon temps comme bénévole en m’engageant comme moniteur dans des camps de vacances."
Avant tout, il faut remettre de l’ordre dans la maison socialiste. Il affirme sentir poindre une nouvelle culture : " Retrouver l’estime de soi, arrêter de passer du temps à s’excuser" , c’est essentiel pour le parti.
Comment interpréter la sanction électorale du 26 mai ? "Les gens en ont marre, décrypte le chef de file des socialistes flamands . Ils réclament des solutions. Il faut aller de l’avant. Le SP.A nouvelle mouture, c’est maintenant ou jamais. Au diable la culture du mensonge, tergiverser ne sert à rien ." Le jeune homme pressé s’est donné trois mois de réflexion. "L’essentiel est de combattre les inégalités sociales tout en veillant à ce que les gens retrouvent le temps de s’amuser" , lance-t-il. Et insiste sur l’avenir de son parti : " Le socialisme est tout sauf un mouvement de survie. "
En Flandre, la droite et l’extrême droite continuent de progresser, comment y faire face ? "Beaucoup de Flamands votent à droite mais sur le terrain, je constate qu’ils réclament une politique de gauche. " Le SP.A propose des mesures collectives, une politique composée de droits mais aussi de devoirs afin de faire face aux grands défis actuels. " Il faut aussi investir intelligemment et veiller à ce que les ressources soient partagées, les richesses redistribuées pour que chacun y trouve son compte, en particulier les plus démunis. N’exclure personne. Prenons la mobilité. Groen veut supprimer les voitures et l’Open VLD veut privatiser De Lijn. Nous proposons une solution qui bénéficie à toute la collectivité et qui protège les plus bas revenus. Nous voulons concilier l’économie et l’écologie." Il insiste : " Réduire les inégalités sociales tout en investissant dans la sécurité ."
Cumul
Comment répondre sereinement au défi multiculturel ? Le nouveau président affirme être prêt à débattre avec le Vlaams Belang. " Le Belang, c’est comme le loup déguisé en chaperon rouge. Il joue à la grand-mère et ensuite mange la fillette. Il fait semblant. Il faut le dire aux gens. Il nous copie souvent d’ailleurs. L’autre jour, il y avait un débat au Parlement flamand concernant un chauffeur de poids lourds qui avait été agressé par un migrant sur une aire d’autoroute. Notre groupe hésitait à intervenir car le Belang s’en était emparé. Le parti d’extrême droite n’a de monopole sur aucun sujet. La sécurité de nos chauffeurs nous tient aussi à cœur, non ? "
Ce fort en thème a toujours baigné dans le vivier politique socialiste : sa mère, médecin et professeur à la VUB, a été sénatrice et échevine à Sint-Niklaas, la ville où il est né en 1992. Néophyte, il peut compter sur la confiance des huiles du parti. Un état de grâce qui, il le sait bien, ne peut durer. Il se donne deux ans pour remettre les pendules à l’heure. L’apogée devrait avoir lieu lors d’un week-end de réflexion, fin 2021 : Go left, extra-large !
Le SP.A changera peut-être de nom. Il changera sûrement de siège principal. Rejoindra-t-il le PS au boulevard de l’Empereur ? Conner Rousseau ne l’exclut pas, mais reste évasif sur la question. Il bénéficie en tout cas d’une certaine marge de manœuvre. La preuve ? Le parti lui laisse le privilège de cumuler la fonction de parlementaire et de président du parti.
Le SP.A accepterait-il de faire partie du futur gouvernement fédéral ? La réponse, c’est "oui". Mais pas à n’importe quel prix. "Nous n’allons pas entrer dans un gouvernement pour le seul plaisir d’y être. Se retrouver dans l’opposition ne nous effraie pas. Il faut un programme, la composition de l’équipe gouvernementale vient après. Nous ne sommes pas indispensables. Nous ne sommes donc pas en mesure de bloquer le pays. "
Entrer dans un gouvernement, mais avec qui ? Conner Rousseau n’exclut personne. " Sauf le Vlaams Belang évidemment ." Avec le PS en toutes circonstances ? Le jeune président esquive la question. " Le PS, c’est le PS et le SP.A, le SP.A. L’entente est bonne, mais chacun fait son truc."
Le président du SP.A juge que le fonctionnement du pays doit être revu. "La Belgique souffre de petits maux. Cela doit être corrigé." Mais attention, le but n’est pas la scission de la Belgique. "J’aime mon pays."