La Flandre fait voler en éclat l’unité du CNS : "Chacun veut faire sa pub sur le dos de cette institution, la politique a clairement repris le dessus”
Secondes résidences, stages d’été, écoles : plusieurs décisions ont été annoncées ces derniers jours avant même d’avoir été validées par le Conseil national de sécurité. "Chacun fait désormais sa pub sur le dos du CNS, dont l’unité vole en éclats. Il n’y plus de respect mutuel”, pointe une source gouvernementale.
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Publié le 25-05-2020 à 12h33 - Mis à jour le 25-05-2020 à 17h52
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L'unité n'a pas résisté longtemps : voici comment, à partir de Jan Jambon et de son empressement à communiquer le retour autorisé vers les secondes résidences jusqu'au "il n'y aura pas de 2e lockdown" de Pieter De Crem, les élus flamands ont court-circuité la communication du CNS
Il faudra se souvenir, une fois la crise du Coronavirus terminée, que les différentes communautés du pays, ses partis et régions, sont parvenus à s’entendre pour former un gouvernement afin de répondre à l’urgence. On se rappellera aussi que cette unité n’a pas résisté longtemps une fois la décrue de l’épidémie bien entamée.
“La N-VA veut montrer qu’ils donnent le ton dans les décisions du fédéral. Résultat : les gens sont perdus face à la quantité d’infos”, nous glissait ce lundi Caroline Désir (PS), ministre francophone de l’Éducation.
Jusqu’à il y a peu, tant Jan Jambon (N-VA), ministre-président flamand qu’Elio Di Rupo (PS), son homologue wallon, mais aussi Pierre-Yves Jeholet, ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ont pourtant donné l’impression de se ranger aux côtés de Sophie Wilmès pour parvenir à des décisions collectives. Le CNS se réunissait et annonçait la décision d’une seule voix : celle de la Première ministre. Depuis la semaine dernière toutefois, l’unité du Conseil national de sécurité, composé du Fédéral et des entités fédérées, s’est nettement fissurée.
Premier coup de canif dans le contrat: Jan Jambon et les secondes résidences
Le premier accroc a eu lieu lundi dernier. À l’approche du long week-end ensoleillé de l’Ascension, un comité de concertation se réunit pour discuter de la levée de l’interdiction de séjour dans les résidences secondaires. Les différents acteurs parviennent à un accord. Selon une source gouvernementale, la concertation devait toutefois encore se dérouler avec les bourgmestres. Du côté du fédéral, on veut éviter que se produise la même cacophonie que sur l’ouverture des visites en maisons de repos. Il est question que cette possibilité soit publiée sur la Foire aux questions Covid 19. Sur base de l’avis des experts, il est finalement jugé préférable de passer par un arrêté de Pieter De Crem, ministre de l’Intérieur. Quelques questions, comme l’ouverture aux caravanes, font encore l’objet de débat. Côté flamand, la veille du jeudi férié, Jan Jambon s’impatiente. La pression pour un déconfinement est plus forte en Flandre où d'aucuns estiment que les décisions sont trop longues à être annoncées. À la Chambre, mercredi, Sophie Wilmès annonce avec prudence qu’il est question d’essayer de rouvrir les résidences secondaires. Au même moment, au Parlement flamand, Jan Jambon annonce carrément que l’interdiction va être levée. Au Fédéral, on estime que le leader flamand s’est précipité. Mercredi, le gouvernement est forcé de programmer un conseil des ministres électronique d’urgence pour s’assurer que tout est validable et que l’arrêté peut être pris. L’arrêté De Crem passe finalement dans une quatrième version de l’arrêté au moniteur belge en fin de soirée.
Jan Jambon est-il passé en force ? Au Fédéral, on lui laisse encore le bénéfice du doute. Le ministre-président flamand s’est jusqu’ici montré loyal, au même titre qu’Elio Di Rupo. Cet évènement constituera toutefois une sorte de point de bascule.
Camps d'été et retour à l'école
Vendredi, en fin d’après-midi, Benjamin Dalle (CD&V), ministre flamand en charge de la Jeunesse annonce que les enfants et jeunes pourront bien partir cet été en camp. Le timing de cette nouvelle sortie irrite le Fédéral. S’en suivra une incertitude toujours pas levée autour de la possibilité ou non d’organiser les stages sportifs. Une version que le ministre Dalle conteste. "La reprise a été concertée avec le secteur.Un rapport a été intégralement approuvé par le comité de concertation et la ministre francophone Valérie Glatigny, mais aussi par le cabinet de la Première", assure son porte-parole.
"Le problème est que les décisions se prennent désormais en comité de concertation et les annonces se font dans la foulée. Alors qu'à l'origine, c'était au CNS de le faire. A quoi servent-ils encore alors?", glisse une source libérale.
Quelques heures plus tard, le même jour. Le ministre flamand de l’Enseignement, Ben Weyts (N-VA) réclame la réouverture de toutes les classes maternelles et primaires. “Chacun y va de ses commentaires. Ça m’irrite un peu de vouloir mettre ainsi le Conseil National de Sécurité devant le fait accompli. Nous devons tous être responsables”, s’emporte le ministre-président francophone Pierre-Yves Jeholet.
“Plus personne ne sait se tenir”
"Les ministres régionaux parlent à gauche, à droite, et créent un nouveau tempo de communication. On ne peut travailler comme ça. La politique a clairement repris le dessus. Plus personne ne sait se tenir”, nous glisse une source politique francophone.
“Chacun fait désormais sa pub sur le dos du CNS, dont l’unité vole en éclats. Il n’y plus de respect mutuel”, ajoute une source gouvernementale.
Le sondage de la VRT
Plusieurs insiders observent cette évolution à la lumière du sondage réalisé par le VRT et De Standaard paru mercredi et peu favorable aux partis traditionnels. D’autres pointent un manque de leadership de Sophie Wilmès pour expliquer les libertés prises par certains acteurs.
De Crem annonce, Van Laethem nuance
Certains, au Fédéral, ne sont pas en reste. Ce dimanche, Pieter De Crem, ministre de l’Intérieur et membre du gouvernement de Sophie Wilmès, a assuré sur VTM qu’il “n’y aura pas de deuxième lockdown”. Une annonce censée en théorie passer par le CNS. Des propos qu’Yves Van Laethem, porte-parole interfédéral, a d’ailleurs fortement nuancés ce lundi matin au micro de Bel RTL, estimant qu’on ne pouvait pas exclure un retour en arrière.
Le résultat ? Un message brouillé et peu audible pour le citoyen alors que la situation réclame tout le contraire.