"Le MR et l’Open VLD ne gouverneront jamais l’un sans l’autre": Bouchez et Lachaert unissent le destin de leurs partis
La famille libérale belge serre les rangs : MR et Open VLD ne comptent pas se séparer au fédéral dans le cadre d’une nouvelle majorité. Les présidents Georges-Louis Bouchez et Egbert Lachaert envisagent un programme électoral commun portant sur l’avenir du pays.
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Publié le 13-06-2020 à 07h00 - Mis à jour le 13-06-2020 à 08h28
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La famille libérale belge serre les rangs : MR et Open VLD ne comptent pas se séparer au fédéral dans le cadre d’une nouvelle majorité. Les présidents Georges-Louis Bouchez et Egbert Lachaert envisagent un programme électoral commun portant sur l’avenir du pays.
En 1972, déstabilisé par les querelles communautaires, le Parti de la Liberté et du Progrès (PLP) éclatait en deux formations indépendantes (une troisième fraction, lancée à Bruxelles, disparaîtra rapidement). Le vieux parti libéral unitaire, créé en 1846, avait vécu. Près de 50 ans plus tard, après six réformes de l’État qui ont transformé la Belgique en une fédération, la famille libérale veut se ressouder. La paralysie politique qui sévit depuis décembre 2018, et qui s’est doublée d’une crise sanitaire et économique, pousse les présidents de l’Open VLD, Egbert Lachaert, et du MR, Georges-Louis Bouchez, à travailler de manière plus solidaire et concertée. Réunis au siège du parti libéral flamand, dans le quartier de la place Sainte-Catherine à Bruxelles, ils confient leur vision et les raisons de ce rapprochement.
"Le MR a évolué"
La politique est souvent mue par la qualité des relations personnelles des décideurs. Et, idéologiquement, les deux leaders, héritiers de la longue histoire des libéraux belges, sont sur la même ligne. "J’ai été pendant quelques mois le chef de groupe Open VLD à la Chambre et j’ai pu voir le MR évoluer depuis que Georges-Louis en a repris la présidence (le 29 novembre 2019, NdlR). Le MR s’est aligné de plus en plus sur les idées qui m’animent : un libéralisme offensif sur le plan socio-économique, une ligne puur blauw qui défend la liberté d’entreprendre mais aussi un pacte social pour les gens qui connaissent des difficultés, afin de leur donner les mêmes chances que les autres dans la vie."

Il y a trois semaines, à l’annonce de l’élection d’Egbert Lachaert à la tête de l’Open VLD, Georges-Louis Bouchez l’a immédiatement contacté pour organiser une rencontre informelle. Gwendolyn Rutten, l’ancienne présidente libérale flamande, avait opté pour un libéralisme très progressiste et penchait en faveur de la coalition Vivaldi (une formule sans la N-VA). Avec l’arrivée de Lachaert, le chef du MR percevait une possibilité de symbiose entre les libéraux du nord et du sud. "Nous sommes en phase pour baisser la fiscalité, pour investir dans les nouvelles technologies, dans les infrastructures, dans les dossiers relatifs à la sécurité, explique Georges-Louis Bouchez. MR et Open VLD veulent également un État plus efficace. C’est le mot que l’on utilise en permanence. Nos deux partis ont toujours été proches, en réalité, mais Egbert et moi avons une approche qui est particulièrement semblable, sur la base d’un libéralisme affirmé."
Jamais sans l’Open VLD
Le gouvernement Wilmès II, chargé de combattre le coronavirus et de prendre les mesures d’urgence en soutien à l’économie, ne disposera plus des pouvoirs spéciaux à la fin du mois. Une nouvelle formule gouvernementale doit être trouvée et, dans les rangs socialistes, circule l’idée d’une alliance entre la N-VA, le PS, le SP.A, le CD&V et le MR. Les libéraux flamands seraient exclus de cette majorité afin d’y diluer les idées de droite et de la rendre plus digeste pour les socialistes. Face à cette perspective, les présidents du MR et de l’Open VLD sont catégoriques : ils ne gouverneront pas l’un sans l’autre.
"C’est impossible car nous sommes sur la même ligne, réaffirme Egbert Lachaert. Les présidents du PS et du SP.A, Paul Magnette et Conner Rousseau, ont pris une initiative (ils tentent de dégager une nouvelle majorité fédérale post-Covid, NdlR) et doivent tester les différents projets des partis pour voir comment les rassembler. Or, les voilà qui jouent à des petits jeux politiques…. C’est une dynamique qui fait totalement fausse route. On n’a pas reçu de feed-back de leur mission mais, par contre, je lis des choses dans les journaux. Ce n’est pas comme cela que l’on crée la confiance pour former un nouveau gouvernement. On ne construit pas un projet pour le pays en incluant tel parti ou en excluant tel autre à l’avance. On doit partir du contenu."

"Nous demandons le respect"
Sur le versant francophone du libéralisme, la position est exactement la même. La famille MR/Open VLD est insécable. "Si on peut trouver un accord de majorité fédérale avec le MR, on trouvera un accord avec l’Open VLD, martèle Bouchez. Et si on a un accord avec l’Open VLD, on peut avoir un accord avec le MR. Il faudra trouver un deal avec toute la famille libérale. Nous, nous respectons la famille socialiste et je ne demande pas qu’on la casse en deux. Nous demandons le même respect à notre égard. Si les socialistes ou les écologistes sont unis, les libéraux le sont tout autant ; et même davantage car nous sommes la famille la plus cohérente politiquement. Le MR et l’Open VLD ne gouverneront jamais l’un sans l’autre."
Le coup de canif bruxellois
Cet esprit d’union n’a pas toujours existé dans l’histoire récente des libéraux. La réalité politique à Bruxelles, en particulier, a pu susciter de la rancœur de la part du MR. Il faut se rappeler que les dirigeants de l’Open VLD de la capitale (l’ancien ministre Guy Vanhengel, notamment) ont choisi de se joindre à la gauche francophone au sein des majorités régionales successives depuis… 2004. Cette capacité des libéraux flamands à se passer du MR dans la Région-Capitale sera foudroyée dans les médias par une formule acide de Didier Reynders : "I l y a trois partis socialistes à Bruxelles, le PS, le SP.A et l’Open VLD"… Selon Egbert Lachaert, ce genre de coups de canif dans le contrat de mariage des libéraux ne sera plus toléré à l’avenir. "On voit, sur la base de la situation de la Région bruxelloise, les problèmes que produit le fait que MR et Open VLD ne gouvernent pas ensemble", analyse-t-il.
Des négos en duo
Concrètement, comment va se traduire la nouvelle entente entre le parti libéral du nord et le parti libéral du sud ? Dans les prochaines discussions fédérales, les présidents souhaitent négocier en duo. "On envisage en effet de participer ensemble à ces réunions et ne plus accepter les rencontres individuelles, annonce Georges-Louis Bouchez. Nous voulons éviter à l’avenir ces situations où certains racontent une histoire différente à Egbert ou à moi, selon leur interlocuteur." De même, Open VLD et MR vont s’atteler à la rédaction d’un programme électoral commun sur l’avenir de la Belgique, qui sera présenté en Flandre comme du côté francophone. "Il est important que MR et Open VLD élaborent un programme commun - Belgium 2.0. Ainsi, on aura beaucoup de choses à dire aux citoyens aux prochaines élections dans quatre ans, grâce à un programme électoral commun entre nos deux partis", s’enthousiasme Egbert Lachaert. "Oui, c’est une bonne idée", renchérit Georges-Louis Bouchez.
Parmi les convergences politiques qui pourraient fonder ce programme électoral commun en vue de 2024, outre les aspects socio-économiques, MR et Open VLD proposent une même vision de l’avenir institutionnel de l’État belge. Libéraux flamands et francophones sont attachés à la Belgique et veulent lui donner un avenir et rendre son organisation institutionnelle plus efficace, quitte à rapatrier quelques compétences à l’échelon fédéral.

Des élections en cas de paralysie
"On peut en effet refédéraliser certaines choses mais aussi mieux coordonner les mécanismes de décision sans toucher aux répartitions de compétences, nuance le patron du MR. Par exemple, si la concertation belge échoue dans le cadre d’une position à adopter sur le plan international, on pourrait donner le dernier mot à un niveau de pouvoir ou encore organiser un vote entre les entités afin de trancher la question avec un délai à respecter. Idem au niveau fédéral belge : dans ce pays, on ne peut plus rester sans nouveau gouvernement pendant un an, deux ans, trois ans… Et cela, sans sanction. On pourrait prévoir que, en cas de paralysie politique, des élections soient organisées automatiquement après six mois."
Et l’institutionnel ? Des refédéralisations en vue
Pour Egbert Lachaert, c’est le même pragmatisme qui prévaut. "Nous sommes une génération de présidents de parti qui peut aborder les questions institutionnelles de manière non émotionnelle. Nous avons besoin d’un système qui fonctionne, qui arrive à prendre des décisions pour permettre aux différentes visions de la société d’être traduites en décisions politiques concrètes. Il faut donc lancer une réflexion jusqu’en 2024 afin de réformer les institutions mais aussi le système politique. Je le répète, l’efficience des institutions est très importante, elle permettra aussi de baisser les impôts qui pèsent sur les citoyens."
L’un des partisans d’Egbert Lachaert durant la campagne interne à la présidence de l’Open VLD, le vice-Premier Alexander De Croo, est un farouche défenseur de la refédéralisation. Est-ce également le cas de son "poulain" ? "Il y a aujourd’hui trop de chevauchements dans la répartition des compétences, constate-t-il. On peut, demain, donner plus de compétences aux Régions, mais on peut aussi recentraliser des dossiers : la justice est fédérale mais la protection de la jeunesse est au niveau des entités fédérées. Pourquoi ? Cette décision institutionnelle était purement symbolique."