Marie-Christine Marghem: "Les chances de sortir du nucléaire en 2025 sont de 6 sur 10"
Marie-Christine Marghem, la présidente du MCC, veut séduire les électeurs du CDH et constituer un grand parti au centre droit de l’échiquier. Comme ministre fédérale de l’Énergie, elle estime que la Belgique a encore une chance de sortir du nucléaire en 2025.
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Publié le 27-06-2020 à 07h03 - Mis à jour le 27-06-2020 à 07h12
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Marie-Christine Marghem, la présidente du MCC, veut séduire les électeurs du CDH et constituer un grand parti au centre droit de l’échiquier. Comme ministre fédérale de l’Énergie, elle estime que la Belgique a encore une chance de sortir du nucléaire en 2025.
Créé en 1998 par Gérard Deprez, l’ancien président du PSC, le MCC (Mouvement des citoyens pour le changement) visait à attirer l’électorat et les mandataires sociaux-chrétiens dans un grand rassemblement de centre droit aux côtés des libéraux du PRL (à l’époque). Le MCC s’était alors arrimé au parti libéral (et au FDF) dans le cadre d’une fédération qui deviendra le MR. Marie-Christine Marghem, venant du PSC, faisait partie de l’aventure. Depuis le 13 mai, la ministre fédérale de l’Énergie et de l’Environnement est devenue présidente de cette composante du Mouvement réformateur et de ses 2 200 adhérents. Pour elle, la création d’un grand pôle de centre droit est plus que jamais d’actualité.
Le MCC vivote depuis 22 ans. Comment le mettre sur la carte ?
Nous sommes en train de travailler au contenu idéologique du MCC et à son redéploiement. Dans le cadre de cette réflexion, nous nous sommes bien rendu compte de l’urgence sociale actuelle. Un exemple m’a particulièrement frappée. Un membre de l’exécutif du MCC est actif dans une plateforme de redistribution alimentaire à Namur. Il m’a expliqué que le nombre de personnes aidées a explosé et est de plus de 8 000 personnes, dont des indépendants, des pensionnés… Il faut trouver des moyens plus justes de répartir la richesse collective. Les grosses sociétés, dont le siège social n’est pas en Belgique et qui échappent à l’impôt, les multinationales comme Netflix, Google, devraient être obligées d’injecter une partie de leurs capacités financières dans l’économie de notre pays.
Le MCC apporte une touche plus "sociale" au MR ?
La quasi-totalité des membres du MCC vient de l’extérieur du MR, des mouvements personnalistes et chrétiens, et a effectivement une fibre plus sociale. Ils ont été attirés par autre chose, le MCC complète bien l’action du MR qui est vu comme le parti qui se préoccupe du développement économique et s’adresse aux chefs d’entreprise. Si nous voulons rassembler largement au centre droit de l’échiquier francophone, le MR et le MCC sont complémentaires. Il y a 22 ans, lorsque la fédération PRL-FDF-MCC a été constituée, l’idée était de faire jeu égal avec le PS, voire à le dépasser. Cet objectif stratégique est toujours bien présent. Pour que le MR atteigne 30 % comme le souhaite notre président Georges-Louis Bouchez, le MCC avec sa sensibilité, sa nature profondément associative et en lien avec le milieu associatif, sera un élément essentiel.

En toile de fond, l’idée est donc d’aller chercher l’électorat du CDH aujourd’hui, comme celui du PSC hier.
C’est l’idée du rassemblement, mais pas du débauchage. Il y a eu des épisodes malheureux qu’il faut laisser dans le passé. Il s’agit aujourd’hui d’être attractif grâce à du contenu, à un discours, à une force de frappe. Puisque le paysage politique se morcelle, nous avons intérêt à nous rassembler. Je reste sur la ligne fixée par Gérard Deprez, elle est fondamentale pour les années à venir, ne serait-ce que pour pouvoir constituer plus facilement des majorités gouvernementales. Nous voulons attirer des personnes qui auraient le même projet que le nôtre. Je souhaite aussi ramener au MR certains électeurs qui étaient passés chez Écolo.
Comment expliquez-vous que ce projet de grand rassemblement avec le PSC puis avec le CDH ait toujours raté ? Quelle alchimie ne s’est pas produite ?
Lorsque Gérard Deprez quitte le PSC, qui se transforme alors en CDH, sous la conduite de Joëlle Milquet, l’orientation était plus à gauche qu’aujourd’hui. Forcément, le grand mouvement de centre droit que nous proposions ne correspondait pas à la ligne politique retenue par la présidente d’alors. Est-ce que les choses ont évolué ? Certainement.
Est-ce que le MCC a une voix particulière au sein du MR sur les dossiers éthiques ? Par exemple, sur la question de la prolongation du délai légal pour demander l’IVG ?
Je suis contre cette prolongation, je le dirai fortement lorsque le dossier reviendra. J’ai déjà dit au sein du MR et du groupe parlementaire fédéral que je voterai contre. La liberté de vote sur les questions éthiques est fondamentale pour nous. Sur l’adoption par les couples homosexuels, j’avais voté contre à l’époque. Mais je ferais autrement aujourd’hui. L’expérience a montré que l’amour des parents, quels qu’ils soient, est toujours vainqueur. Je suis désormais rassurée. Sur cette question, je me souviens à l’époque de débats terribles, notamment avec Hervé Hasquin. Mais j’avais pu exprimer mon point de vue au sein du MR, en mon âme et conscience.

"L’enfouissement géologique des déchets est une solution pérenne"
En vue d’une possible réforme institutionnelle, on cite souvent les matières liées au Climat comme pouvant faire l’objet d’une refédéralisation. Êtes-vous en faveur d’une recentralisation de ces compétences alors que vous êtes ministre fédérale dans ces dossiers ?
Je suis pour la refédéralisation. Après l’épisode climatique (de difficiles négociations entre le fédéral et les Régions pour l’adoption d’un plan national Énergie-Climat, NdlR), après la crise sanitaire qui a mis en évidence le nombre élevé de nos ministres de la Santé, des questions se posent. Le fédéralisme de coopération a été mal calibré car aucun niveau institutionnel n’a le pouvoir du dernier mot. L’exemple de la Chambre où une commission regroupe les matières Énergie-Climat-Environnement est une bonne idée et montre la voie. Je suis en faveur de la refédéralisation de ce paquet de compétences Énergie-Climat-Environnement, avec un petit bémol en ce qui concerne l’environnement car ce thème est en lien avec l’agriculture (une matière régionale, NdlR). La question climatique n’a pas de frontières, c’est une évidence.
Vous avez évolué sur ce sujet : en 2018, vous n’aviez pas signé la carte blanche des Jeunes MR appelant à une série de refédéralisations lorsqu’elle avait été publiée par La Libre. Contrairement à Sophie Wilmès, alors ministre du Budget.
J’ai évolué, c’est vrai. Nous sommes dans une situation où nous allons rentrer en négociations au fédéral et c’est essentiel de mettre ce sujet sur la table et d’en parler ouvertement.
La Belgique n’a toujours pas décidé de ce qu’elle allait faire des déchets produits par ses centrales nucléaires. L’Ondraf (Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies) a avancé la solution de l’enfouissement géologique, à très grande profondeur. Mais cela a suscité le rejet de la Région wallonne et de la Région bruxelloise, de même que l’inquiétude des voisins luxembourgeois et allemand. Quel est votre point de vue ?
Ce projet vient en effet de l’Ondraf, qui a procédé sur la question à des consultations publiques. La solution de l’enfouissement géologique n’a rien d’exceptionnel car d’autres pays sont confrontés aux mêmes impératifs et suivent le même cheminement que la Belgique. La question sera dans les mains du prochain gouvernement de plein exercice. Ce n’est que mon avis personnel mais, pour avoir étudié le dossier de près, je pense que l’enfouissement géologique des déchets est une solution pérenne. Elle est étudiée partout dans le monde.
En janvier, vous aviez dit que les chances que la Belgique sorte du nucléaire en 2025 étaient de 5 sur 10. Or, on a tellement perdu de temps dans ce dossier, vu le contexte politique, la crise sanitaire, qu’il est probable que la Belgique n’arrive pas à respecter ce délai légal.
J’estimais les chances à 5 sur 10 et, désormais, j’augmente ma cote : on est à 6 sur 10. Pourquoi ? Car nous discutons de manière très fouillée et intéressante dans la commission Climat, où l’on parle du CRM, ("Mécanisme de rémunération de la capacité", soit des subsides pour le soutien de la production d’énergie alternative au nucléaire, NdlR). Il se passe des choses importantes au Parlement et, dans les jours qui viennent, il pourrait y avoir un choix sur un système de financement qui permette à l’Europe de rendre un avis pour la fin de cette année.

Êtes-vous soutenue par le MR dans ce dossier ? Certains libéraux haut placés doutent de l’intérêt d’abandonner ce type d’énergie.
Le CRM n’est pas antinomique avec la sortie du nucléaire. On en aura besoin que l’on sorte ou non du nucléaire. Mais c’est dans la loi : en 2025, c’est fini. À moins d’un nouveau gouvernement qui prendrait une autre orientation, il n’y a rien à faire.
Durant la mission d’information confiée par le Palais à Georges-Louis Bouchez et Joachim Coens, le report de la date de sortie a été évoqué.
Vous parlez de discussions pour la constitution d’un nouveau gouvernement de plein exercice. On peut avoir ce genre d’idées dans ce genre d’exercice mais moi, comme ministre fonctionnelle, je dois continuer à travailler, à prévoir la sécurité d’approvisionnement.